J-03-80
saisie attribution – Suspension des poursuites EN CAS DE POURVOI (OUI).
Article 214 NOUVEAU DU CPC IVOIRIEN
L’article 336 de l’Acte Uniforme sur les voies d’exécution, qui n’a une portée abrogatoire que relativement aux matières qu’il concerne, ne traite pas de la question du pourvoi, de sorte que l’article 214 du code de procédure civile, qui prévoit la suspension provisoire d’un arrêt en cas de pourvoi, reste applicable.
Cour d’Appel Abidjan, Arrêt N° 148 du 29 janvier 2002. KHOURE Marie [(Me Agnès OUANGUI) c/ INDUS-CHIMIE et SGBCI (Me NGUETTA Gérard, Actualités Juridiques N° 35 – 2003, p. 33)].
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï le Ministère Public;
Ensemble l’exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort sur l’appel relevé le 30 octobre 2001 par Madame KHOURIE Marie, ayant pour Conseil Maître Agnès OUANGUI, de l’ordonnance de référé N° 4375/2001 rendue le 25 octobre 2001 par la juridiction présidentielle du Tribunal d’Abidjan qui, recevant la société INDUSCHIMIE en son action, l’y a déclarée bien fondée et a ordonné la mainlevée de la saisie attribution en date du 08 octobre 2001, opérée sur le compte bancaire de la société INDUSCHIMIE ouvert à la SGBCI;
Considérant que l’appelante expose aux termes de son appel, que par arrêt social confirmatif N° 447/2001 rendu le 17 mai 2001, la Cour d’Appel de ce siège a condamné la société INDUSCHIMIE à lui payer la somme totale de 26.323.094 FCFA à titre d’indemnité de rupture de contrat et de dommages intérêts;
Que cet arrêt signifié à la société INDUSCHIMIE le 08 octobre 2001, celle-ci s’est pourvue en cassation le 15 octobre 2001;
Qu’en exécution de l’arrêt social, elle (l’appelante) a fait pratiquer le 08 octobre 2001, une saisie attribution de créance sur le compte de la société INDUSCHIMIE ouvert dans les livres de la Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire dite SGBCI;
Que par requête en date du 17 octobre 2001, l’intimée a sollicité de la juridiction présidentielle de la Cour Suprême, le sursis à exécution de cette décision;
Que sur le fondement de cette suspension des poursuites, l’intimée a sollicité le 23 octobre 2001, la mainlevée de la saisie attribution de créance en date du 08 octobre 2001;
Que par ordonnance N° 4375/2001 rendue le 25 octobre 2001, la société INDUSCHIMIE a obtenu la mainlevée;
Considérant qu’après ce rappel des faits et procédures, l’appelante plaide l’infirmation de l’ordonnance entreprise;
Qu’en effet, elle soutient, d’une part, que l’ordonnance entreprise est intervenue en violation des dispositions de l’article 32 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA (sic) portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Qu’à cet égard, elle fait savoir que le Juge des référés a ordonné la mainlevée de la saisie attribution de créance en date du 08 octobre 2001, motifs pris de ce que l’effet exécutoire attribué à l’arrêt N° 447 du 17 mai 2001 serait suspendu par l’ordonnance de sursis à exécution;
Que, selon elle, l’article 214 nouveau du code de procédure civile qui a motivé l’ordonnance de sursis à exécution ne saurait s’appliquer en l’espèce et servir de fondement à l’obtention d’une mainlevée, car l’application de ce texte de droit interne s’oppose à celle de l’article 32 de l’Acte Uniforme susvisé, texte de droit international;
Qu’elle poursuit que le texte de droit interne suspend toute exécution, tandis que le texte de droit international laisse la latitude au créancier de poursuivre ou non son débiteur, à ses risques et périls;
Qu’elle précise qu’en vertu de l’article 87 de la nouvelle constitution, « les traités ou accords régulièrement ratifiés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque traité ou accord, de son application par l’autre partie »;
Que le Traité OHADA est applicable en Côte d’Ivoire depuis le 10 juillet 1998;
Que l’article 336 de l’Acte Uniforme du Traité OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution dispose que « le présent Acte Uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties »; Que d’autre part, elle fait valoir qu’elle a fait pratiquer la saisie attribution sur le compte de l’intimée le 08 octobre 2001, tandis que l’ordonnance de sursis à exécution a été rendue le 22 octobre 2001, donc postérieurement à la saisie;
Qu’en application de l’article 2 du code civil, qui dispose que « la loi ne dispose que pour l’avenir; elle n’a point d’effet rétroactif », l’ordonnance N° 238 susvisée ne peut rétroagir;
Qu’en conséquence, l’appelante prie la Cour d’annuler l’ordonnance de référé N° 4375/2001 rendue le 25 octobre 2001, et par évocation, ordonner le maintien de la saisie attribution de créances pratiquée le 08 octobre 2001;
Considérant que pour sa part, la société INDUSCHIMIE, intimée, concluant par Maître N’GUETTA Gérard, son Conseil, explique qu’en exécution d’un arrêt de la Cour d’Appel de ce siège la condamnant à payer la somme de 26.329.094 FCFA à dame KHOURIE Marie, celle-ci a fait pratiquer le 08 octobre 2001, une saisie attribution de créance sur le compte de ladite société;
Que le 15 octobre 2001, la société se pourvoyait en cassation et obtenait le 22 octobre 2001, une ordonnance du Président de la Cour Suprême, ordonnant le sursis à exécution de l’arrêt susvisé;
Que sur cette base, le Juge des référés a ordonné, à la requête de la société, la mainlevée de la saisie attribution de créance susvisée par ordonnance du 25 octobre 2001;
Que dame KHOURIE Marie a relevé appel de cette ordonnance pour deux raisons;
Que d’abord, l’appelante estime que le texte de droit interne (article 214 du code de procédure civile) ne saurait faire obstacle au texte de droit international (article 32 du Traité OHADA);
Qu’à cet égard, l’intimée soutient que le terme « peut », utilisé par le Traité de l’OHADA n’est pas fortuit et traduit la possibilité de la suspension d’une exécution;
Qu’il est faux, par ailleurs, de dire que l’article 32 du Traité OHADA a pour effet, d’abroger l’article 214 du code de procédure civile, en ce sens que la matière visée par cet article (le pourvoi en cassation) n’est pas régie par le Traité OHADA;
Qu’ensuite, l’appelante ayant fait valoir la postériorité de la saisie attribution de créance, la société INDUSCHIMIE soutient que le Juge des référés n’a pas été saisi d’un litige relatif à l’application de la loi civile dans le temps, sinon d’une contestation élevée par la société et reposant sur des décisions juridictionnelles;
Que le Juge des référés, eu égard à la décision de sursis à exécution de la Cour Suprême, avait toute latitude au regard des faits de la cause, pour prendre la mesure de mainlevée;
Qu’en conséquence, l’intimée demande à la Cour de dire qu’en statuant comme il l’a fait, le Juge des référés n’a fait qu’appliquer la loi, et sa décision n’encourt aucune censure;
Considérant que la Société Générale de Banque en Côte d’Ivoire, autre partie intimée, bien que régulièrement citée en ses bureaux, n’a ni comparu ni conclu, il échet de statuer contradictoirement à son égard;
Considérant que le Ministère Public, à qui la procédure a été communiquée, conclut à la confirmation de l’ordonnance querellée;
DES MOTIFS
DE LA RECEVABILITÉ DE L’APPEL
Considérant que l’appel régulièrement intervenu est recevable;
DE L’APPLICATION DE L’ARTICLE 214 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE COMMERCIALE ET ADMINISTRATIVE
Considérant que l’article 336 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement de créance et voies d’exécution dispose que « le présent Acte Uniforme abroge toutes les dispositions relatives aux matières qu’il concerne dans les Etats parties »;
Considérant que le Traité OHADA ne traite pas la question du pourvoi;
Que dès lors, l’article 214 du code de procédure civile, commerciale et administrative demeure en vigueur et le moyen tiré de son abrogation ne saurait prospérer;
DE LA MAINLEVÉE DE LA SAISIE ATTRIBUTION
Considérant que l’ordonnance de suspension de poursuites prévue par l’article 214 du code de procédure civile a pour effet, comme son nom l’indique, de suspendre provisoirement les poursuites, et ce, pour l’avenir en attendant la décision de la juridiction saisie;
Qu’il s’ensuit que les choses restent en l’état et cette procédure n’entraîne nullement l’annulation des actes déjà faits, notamment la saisie attribution de créances;
Qu’en l’espèce, la saisie attribution du 08 octobre 2001 sur les comptes de la société INDUSCHIMIE ouverts à la SGBCI, n’est pas anéantie du fait de l’ordonnance de sursis à l’exécution de l’arrêt N° 447 du 17 mai 2001 de la Cour d’Appel de ce siège, qui est son support, dès lors que cet arrêt n’a pas été annulé par la Cour Suprême saisie;
Qu’en conséquence, l’ordonnance de référé querellée, qui a ordonné la mainlevée de la saisie attribution, ne repose sur aucun fondement légal et doit être infirmée;
Qu’en statuant à nouveau, il convient de débouter la société INDUSCHIMIE de sa demande de mainlevée de la saisie attribution;
DES DÉPENS
Considérant que l’intimée succombe, il y a ainsi lieu de laisser les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
– Déclare Dame KHOURIE Marie recevable en son appel relevé de l’ordonnance de référé N° 4375/2001 rendue le 25 octobre 2001 par la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan;
AU FOND
– L’y dit bien fondée;
– Infirme ladite ordonnance;
Statuant à nouveau;
– Déboute la société INDUSCHIMIE de sa demande de mainlevée de saisie attribution de créance;
– La condamne aux dépens dont distraction au profit de Maître Agnès OUANGUI;
– Président : Mme BLE SAKI Irène
– Conseillers : M. KOUAO Jean, M. YAO KOUAME Augustin
– Greffier : Me YAPO Raymond.