J-03-82
Droit des assurances – DROIT COMMERCIAL GENERAL – Courtier en assurance – obligation envers l’assuré (non).
Le courtier qui représente une compagnie d’assurance à la signature d’un contrat, n’endosse pas les obligations contractuelles de celle-ci vis-à-vis de l’assuré.
[Cour Suprême de Côte d’ivoire, Chambre Judiciaire, Arrêt N° 75 du 17 janvier 2002. ACCI (Me F.D.K.A.) c/ Veuve SIDIBE TRAORE Mariam (Me KHAUDJIS OFFOUMOU Françoise), Actualités Juridiques N° 35 – 2003, p.41].
LA COUR,
Vu les pièces du dossier,
Sur le second moyen de cassation pris du défaut de base légale, résultant de l’insuffisance des motifs;
Attendu qu’il résulte des énonciations de l’arrêt attaqué (Abidjan, 28 juillet 2000), que dans le cadre de son activité de courtage d’Assurances, la société Les Assureurs Conseils de Côte d’Ivoire dite ACCID a été sollicitée par la Compagnie Aérienne Air Transivoire, en vue de lui trouver une compagnie d’assurance, pour la souscription d’une police d’assurance multirisques; qu’après étude des conditions du marché, elle lui a proposé la Compagnie d’Assurances Maritimes Aériennes et Terrestres dite CAMAT, spécialisée dans le domaine de l’assurance aérienne; qu’un contrat d’assurance N° 860637 a été immédiatement conclu entre la société Air Transivoire et la CAMAT, pour la période du 11 octobre 1986 au 10 octobre 1987; que, dans la nuit du 23 au 24 septembre 1987 , un avion Cessna Aircraft appartenant à la société Air Transivoire, piloté par Monsieur Siaka SIDIBE et ayant à son bord les nommés Henry LIDDON et Nigel HARRIS, s’est écrasé, causant la mort du pilote et des passagers; que les ayants droit de Henry SIDIBE ont saisi le Tribunal de Première Instance d’Abidjan, à l’effet de voir la société Air Transivoire condamnée à leur payer diverses sommes à titre de dommages intérêts, sous la garantie de la compagnie d’Assurances ACCI; que la Compagnie d’Assurances CAMAT, informée de la procédure, bien que n’ayant jamais été assignée par lesdits ayants droit, a transigé avec les ayants droit de Henry LIDDON et Nigel HARRIS pendant la procédure de première instance; que par jugement N° 83 du 31 juillet 1987, le Tribunal de Première Instance d’Abidjan a ordonné la jonction de l’action des ayants droit de Siaka SIDIBE, constaté la transaction intervenue pour le compte des ayants droit de Henry LIDDON et Nigel HARRIS, et condamné la société Air Transivoire, sous la garantie de la société ACCI, à payer aux ayants droit de Siaka SIDIBE, la somme de 85.000.000 FCFA; que, sur appel relevé contre ce jugement par la société ACCI, la Cour d’Appel d’Abidjan a, par arrêt N° 931 du 28 juillet 2000, confirmé le jugement entrepris, contre lequel s’est pourvue en cassation la société ACCI;
Attendu qu’il est fait grief à la Cour d’Appel d’avoir, pour condamner la société ACCI, à garantir le paiement des condamnations mises à la charge de Air Transivoire, estimé que c’est bien la société ACCI qui a représenté la CAMAT, dont le siège est à Paris, lors de la conclusion du contrat d’assurance d’Air Transivoire, alors que, selon le pourvoi, en sa qualité de courtier, la société ACCI n’a fait que représenter la CAMAT, le véritable assureur de Air Transivoire, au contrat;
Attendu, en effet, que l’obligation de garantie ne peut résulter que de la loi ou d’un engagement contractuel entre un bénéficiaire et un garant; qu’en l’espèce, il n’existe aucune disposition légale mettant à la charge du courtier ou du mandataire qui aurait représenté le garant au contrat, une obligation légale et personnelle de garantie; qu’il n’est pas davantage démontré que la société ACCI s’est contractuellement obligée à garantir la responsabilité civile de Air Transivoire; que dès lors, la Cour d’Appel, en condamnant la société ACCI à garantir les condamnations à la charge de Air Transivoire, au seul motif qu’elle aurait représenté l’assureur au contrat, a manqué de donner une base légale à sa décision; d’où il suit que le moyen est fondé; qu’il échet de casser et annuler l’arrêt attaqué, en ce qu’il a condamné la société ACCI à garantir les condamnations prononcées contre la Société Air Transivoire, sans qu’il y ait lieu d’examiner la seconde branche du moyen et le second moyen;
SUR ÉVOCATION
Attendu qu’il est constant que le contrat d’assurance N° 86-0637 a été conclu entre la Compagnie d’Assurances Maritimes, Aériennes et Terrestres dite CAMAT et la société Air Transivoire; qu’au cours de la signature de ce contrat d’assurance, la CAMAT ayant son siège à Paris, a été représentée par la société ACCI, courtier de son état; que la CAMAT a transigé avec les ayants droit de Henry LIDDON et Nigel HARRIS; que le fait d’avoir représenté la CAMAT au contrat, ne saurait entraîner pour la Société ACCI, une obligation d’endosser les obligations contractuelles de l’assureur; qu’il échet, en conséquence, d’ordonner sa mise hors de cause, n’étant pas partie au contrat;
PAR CES MOTIFS
– Casse et annule l’arrêt N° 931 rendu le 28 juillet 2000 par la Cour d’Appel d’Abidjan, Chambre Civile et Commerciale, en ce qu’il a condamné la société Les Assureurs Conseils de Côte d’Ivoire dite ACCI, à garantir les condamnations prononcées contre la Compagnie Aérienne Air Transivoire;
Evoquant et statuant à nouveau, ordonne la mise hors de cause de la société ACCI;
– Laisse les dépens à la charge du Trésor Public;
– Président : M. BAMBA Lancine
– Conseillers : M. ADJOUSSOU Yokoun, M. WOUNE Bleka
– Greffier : Me BASSY KOFFI Rose.