J-03-85
PROCEDURES COLLECTIVES – JUGEMENT DE CONVERSION D’UN REGLEMENT JUDICIAIRE EN LIQUIDATION DES BIENS – DROIT PERSONNEL DU DEBITEUR DE FAIRE APPEL (OUI) – IRRECEVABILITE DE L’APPEL DU DEBITEUR POUR DEFAUT D’ASSISTANCE OU DE REPRESENTATION PAR LE SYNDIC (NON).
PROCEDURES COLLECTIVES – DEMANDE DE CONVERSION D’UN REGLEMENT JUDICIAIRE EN LIQUIDATION DES BIENS POUR DEFAUT DE PROPOSITIONS CONCORDATAIRES – ETAT DES CREANCES NON ARRETE PAR LE JUGE COMMISSAIRE – IMPOSSIBILITE DE FAIRE DES OFFRES CONCORDATAIRES – DEMANDE DE CONVERSION PREMATUREE –DEMANDE IRRECVABLE – ARTICLES 51 ET 59 DU DECRET 76-781 DU 23 JUILLET 1976 –ARTICLE 1006 DU COCC (CODE SENEGALAIS DES OBLIGATIONS CIVILES ET COMMERCIALES).
PROCEDURES COLLECTIVES – DEMANDE DE CONVERSION DU REGLEMENT JUDICIAIRE EN LIQUIDATION DES BIENS – CREANCES DES DEMANDEURS CONTESTEES – DEFAUT DE DEMONSTARTION DES CARACTERES CERTAIN, LIQUIDE ET EXIGIBLE DES CREANCES – DEMANDE IRRECEVABLE.
Doit être rejetée l’exception d’irrecevabilité de l’appel interjeté par le débiteur seul, tirée du fait qu’étant en liquidation des biens, il ne peut être présent ni représenté au procès autrement que par son syndic. En effet, le droit de faire appel contre le jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens appartient, en principe, à tous ceux qui ont été parties à l’instance. Le débiteur appelant dispose ainsi d’un droit personnel qui échappe au dessaisissement, la non assistance du syndic n’étant point une cause d’irrecevabilité
Cependant, la demande de conversion du règlement judiciaire en liquidation des biens doit être déclarée irrecevable si les intimées n’ont pas justifié leur qualité de créanciers en établissant qu’elles disposaient de créances certaines liquides et exigibles
(Cour d’appel de Dakar, Chambre civile et commerciale, arrêt du 21 novembre 2002, Etablissements Nadra Filfili et Fils et Pape Cheikh Sadibou FALL contre Sociétés MIDEX, ROZENBLIT, TIPIAK, SAPRODIS, SAFROLAIT, UNIS France, SOUHELDELANK, PANZANI).
République du Sénégal
Cour d’Appel de Dakar
Chambre Civile et Commerciale 2
Arrêt N° 501 du 21/11/2002
– Les Ets Nadra Filfili et Fils et Papa Cheikh Sadibou Fall Syndic, Liquidateur de la Société (Me Adnan Yahya et Me Waly Diop)
c
– La Sté Midex, Sté Rozenblit, Sté Tipiak, Sté Saprodis, Sté Safrolait, Sté Unis France, Ets Souhel Delank, Sté Panzani (Mes Géni & Sankalé).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que suivant exploit servi le 30 novembre 1999 par Me Abdoulaye Bâ, Huissier de justice à Dakar, « Les Etablissements Filfili et Fils » et le sieur Papa Cheikh Sadibou Fall; Syndic du règlement judiciaire de ladite société, ont interjeté appel du jugement rendu le 23 novembre 1999 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, dont le dispositif suit :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit l’exception d’irrecevabilité;
– La déclare mal fondée;
– Déclare l’action recevable;
AU FOND
– Dit qu’il n’y a pas lieu à surseoir à statuer;
– Convertit le règlement judiciaire en liquidation des biens;
– Confirme les organes de la procédure collective;
– Ordonne l’exécution provisoire »;
SUR LA RECEVABILITÉ DE L’APPEL
Considérant que les intimées ont, par l’organe de leur Conseil, soulevé in limine litis l’irrecevabilité de l’appel; qu’elles ont plaidé pour soutenir ce moyen, que les Etablissements Filfili et Fils sont en liquidation de biens et ne peuvent être présents ni représentés au procès autrement que par leur syndic; que le sieur Abdoulaye Dramé, désigné en qualité de syndic en remplacement du sieur Cheikh Sadibou Fall, suivant jugement du 06 février 2001, n’est pas installé dans la cause; que l’appel a été ainsi interjeté par les Etablissements Nadra Filfili et Fils seuls, sans l’assistance de leur syndic, alors qu’ils n’avaient plus aucun pouvoir d’exercer par eux-mêmes une quelconque voie de recours;
Considérant que suivant conclusions du 18 février 2002, les Etablissements Nadra Filfili et Fils ont répliqué que l’acte d’appel du 31 novembre 1999 a été servi à la requête des Etablissements Filfili et Fils, assistés du syndic du règlement judiciaire, le sieur Papa Sadibou FALL; que le droit d’appel contre le jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens appartient à tous ceux qui ont été parties à l’instance;
Qu’en l’espèce, l’appel est formé par le débiteur lui-même, qui dispose, pour défendre à l’action en règlement judiciaire ou en liquidation des biens, d’un droit personnel qui échappe au dessaisissement; que la non-assistance d’un syndic ne peut être une cause d’irrecevabilité de l’appel;
Considérant que le droit d’appel contre le jugement prononçant le règlement judiciaire ou la liquidation des biens appartient en principe à tous ceux qui ont été parties à l’instance; que le débiteur dispose d’un droit personnel qui échappe au dessaisissement, pour défendre à l’action en règlement judiciaire ou en liquidation de biens; que, contrairement aux allégations des intimées, l’appel a été interjeté par les Etablissements Nadra Filfili et le Syndic Papa Sadibou Fall; qu’en tout état de cause, la non-assistance du Syndic n’est pas une cause d’irrecevabilité de l’appel;
Considérant ainsi qu’il y a lieu de rejeter l’exception d’irrecevabilité et de déclarer l’appel recevable en la forme, pour avoir été introduit dans les forme et délai prescrits par la loi;
SUR LA RECEVABILITÉ DE L’ACTION EN CONVERSION DU RÈGLEMENT JUDICIAIRE EN LIQUIDATION DE BIENS
Considérant que les Etablissements Nadra Filfili et Fils ont plaidé l’irrecevabilité de la demande en reconversion du règlement judiciaire en liquidation de biens, aux motifs que les demanderesses, n’étant pas créancières des Etablissements Nadra Filfili et Fils, n’avaient ni qualité pour agir ni intérêt à l’action d’une part; que d’autre part, l’état des créances n’ayant pas été arrêté par le Juge Commissaire, conformément à l’article 51 du décret 76.781 du 23 juillet 1976, ils ne pouvaient pas déposer leurs offres concordataires au moment du jugement; qu’ainsi, au regard des articles 51 et 59 du décret 76.781 et 1006 du Code des Obligations Civiles et Commerciales, la demande de conversion du règlement judiciaire de biens est prématurée et irrecevable;
Considérant que les intimées ont affirmé dans leurs conclusions du 13 février 2002, que leurs créances ne sont contestées ni dans leur principe ni dans leur montant;
Considérant toutefois qu’il appert des pièces du débat, que les créances des intimées ont fait l’objet de contestations qui n’étaient pas tranchées au moment du jugement du 23 novembre 1999; que l’état des créances arrêté le 20 avril 2000 par le Juge Commissaire, qui n’a fait l’objet d’aucune critique de la part des intimées, n’a pas admis lesdites créances;
Considérant ainsi que les intimées n’ont pas établi qu’elles disposaient de créances certaines, liquides et exigibles; qu’elles n’ont pas en conséquence, justifié leur qualité pour demander la conversion du règlement judiciaire des Etablissements Nadra Filfili et Fils en liquidation des biens; qu’il y a lieu dès lors, infirmant le jugement entrepris, de déclarer irrecevable l’action des sociétés MIDEX, ROZENBLIT, TIPIAK, SOFRADIS, SAPROLAIT, UNIS France, SOUHEL DELANK , PANZANI;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
– Rejette l’exception d’irrecevabilité;
– Déclare l’appel recevable en la forme;
AU FOND
– Infirme le jugement entrepris, et statuant à nouveau :
– Déclare irrecevable l’action des intimées;
– Met les dépens à la charge des intimées;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale, en son audience publique et ordinaire du 21 novembre 2002, séant au palais de justice de ladite, ville Bloc des Madeleines, à laquelle siégeaient Monsieur Doudou NDIAYE, Président, Messieurs Henry Grégoire DIOP et Abdoulaye NDIAYE, Conseillers, et avec l’assistance de Maître Mame Penda NDOYE, Greffier;
Et ont signé le présent arrêt, le Président et le Greffier.
Observations de NDIAYE Alioune, Magistrat.
Les solutions de cet arrêt nous paraissent tout à fait pertinentes. Nous nous contenterons de deux remarques :
– il est curieux qu’il ait été fait application de textes antérieurs à l’Acte uniforme de l’Ohada sur les procédures collectives sauf si le règlement judiciaire de cette affaire avait été ouvert par une décision antérieure à l’application de cet Acte;
– si l’Acte uniforme de l’Ohada avait été déclaré applicable, la demande de conversion du règlement judiciaire en liquidation des biens pour défaut de propositions concordataires n’aurait pas été rejetée puisque dans la nouvelle législation, ces propositions doivent être faites le plus tôt possible, tout au début de la procédure collective (articles 27,alinéa 1er, 28, alinéa 3 et 29-2 AUSCGIE).