J-03-91
BAIL COMMERCIAL – BAIL A DUREE DETERMINEE RECONDUIT TACITEMENT SANS ECRIT NI TERME – BAIL PRESUME RECONDUIT POUR UNE DUREE INDETERMINEE.
EVACUTAION DES LIEUX LOUES PAR LE PRENEUR A L’EXPIRATION DU CONGE SERVI – RUPTURE UNILATERALE DU CONTRAT PAR LE PRENEUR (NON).
CONGE DONNE POUR MOTIF DE LOYERS IMPAYES – ABSENCE DE MISE EN DEMEURE PREALABLE – COMMANDEMENT DE PAYER LES LOYERS ARRIERES – ALLEGATION DU PRENEUR DU PAIMENT DES LOYERS CONCERNES PAR LE COMMANDEMENT – ABSENCE DE CONTESTATION DE CETTE ALLEGATION PAR LE BAILLEUR – ABSENCE DE MOTIF LEGITIME DU CONGE.
EXPLOITATION DES LIEUX LOUES PENDANT PLUS DE VINGT ANS – EXPLOITATION DE L’ACTIVITE PREVUE AU BAIL PENDANT LA DUREE MINIMALE DE DEUX ANS ETABLIE – DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL OU A UNE INDMNITE D’EVICTION (OUI).
ACCORD ENTRE LE PRECEDENT PROPRIETAIRE DE L’IMMEUBLE ET L’ACQUEREUR DE L’IMMEUBLE POUR FAIRE SUPPORTER L’INDEMNITE D’EVICTION PAR LE VENDEUR – ACCORD INOPPOSABLE AU PRENEUR, TIERS A CETTE CONVNTION – NOUVEAU PROPRIETAIRE DEBITEUR DE L’INDEMNITE D’EVICTION ET DU REMBOURSEMENT DES INVESTISSEMENTS REALISES PAR LE PRENEUR.
Article 72 AUDCG
Article 78 AUDCG
Article 91 AUDCG
Article 94 AUDCG
Article 95 AUDCG
Un bail commercial à durée déterminée conclu en 1975 pour trois ans, renouvelé par tacite reconduction, est, à défaut d’écrit ou de terme, réputé reconduit pour une durée indéterminée.
Le fait pour le preneur de quitter les lieux loués compte tenu de la nature de ses activités, à la suite de l’expiration du congé servi, ne saurait être constitutif d’une rupture unilatérale du contrat de bail
Le fait pour le preneur d’exploiter les lieux loués pendant plus de 20 ans suffit pour justifier que celui-ci a exploité, pendant une durée minimale de deux ans, l’activité prévue au bail pour prétendre au renouvellement.
Le refus de renouvellement du bail pour motif grave et légitime (en l’espèce, le non paiement des loyers) suppose la mise en demeure du preneur par acte extrajudiciaire non suivie d’effet. Ce motif est d’autant moins avéré que le preneur soutient, sans être contredit par le bailleur, s’être intégralement acquitté des loyers prétendus impayés.
L’accord selon lequel l’indemnité due sera payée par l’ancien propriétaire n’est pas opposable au preneur puisqu’il est tiers à cet accord, et le nouvel acquéreur qui est son bailleur lui doit une indemnité d’éviction qui, à défaut d’accord sur le montant, est fixée par la juridiction compétente compte tenu du montant du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la situation géographique du local.
La mutation du droit de propriété de l’immeuble impliquant une substitution de plein droit dans les obligations du bailleur et la poursuite du bail, le remboursement étant de plein droit et le montant n’étant pas contesté, il y a lieu de condamner le nouvel acquéreur au remboursement des investissements réalisés par le preneur.
(Cour d’appel de Dakar, chambre civile et commerciale, arrêt du 20 décembre 2002, SONATEL contre Clinique Sokhna FATMA).
République du Sénégal
Cour d’Appel de Dakar
Chambre Civile et Commerciale 1
Arrêt N° 578 du 27/12/2002
Société COMATRANS (Me Abdou Khaly DIOP)
ct
Société SATA-FOINE (Me François SARR & Associés)
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que suivant exploit servi le 22 février 2001 par Maître Abdoulaye DIOM, huissier de justice à Dakar, la Société Comatrans a interjeté appel du jugement N° 142 rendu le 23 janvier 2001 par le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, dans l’affaire l’opposant à la Société Saga Sénégal, dont le dispositif a été ainsi rédigé :
« EN LA FORME
– Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Comatrans;
AU FOND
– Dit que la dissolution décidée par l’Assemblée Générale de la Comotrans le 30 décembre 1998 est inopposable au créancier;
– Prononce la liquidation des biens de la COMATRANS;
– Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 1er février 1999;
– Désigne Monsieur Gory NDIAYE en qualité de Syndic et Mme Aïssatou DIALLO en qualité de Juge Commissaire;
– Ordonne l’exécution provisoire;
– Condamne la défenderesse aux dépens; »
Considérant que l’appel a été relevé dans les forme et délai prévus par la loi, il convient dès lors de le déclarer recevable;
AU FOND
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Considérant que par conclusions prises le 5 avril 2002, la société Comatrans déclare au soutien de son appel, que par une délibération du 30 décembre 1998, l’Assemblée Générale de la Comatrans a décidé, à l’unanimité de ses associés, la dissolution anticipée de la société; qu’un liquidateur a été nommé en la personne de Ousmane DIOUF; que ces décisions ont fait l’objet d’une insertion au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, et d’une publication dans la « Gazette des Annonces légales » du 25 février 2000; que l’appelante ajoute que par un exploit servi par un huissier de justice, la société Saga Sénégal, se disant venue aux droits et obligations de la Satafoine, l’assigne en justice pour voir prononcer sa mise en liquidation des biens, pour une créance évaluée à 11.829.704 F et 66.106 F, non recouvrée malgré un commandement de payer; que l’appelante sollicite de la Cour, l’infirmation du jugement entrepris, puis, statuant à nouveau, l’irrecevabilité de l’action en liquidation de biens introduite par la Société Saga Sénégal et la confirmation de la dissolution anticipée prise par l’Assemblée Générale des associés;
Considérant que par conclusions en date des 8 février et 11 juin 2002, la Société Saga Sénégal poursuit la confirmation de la décision querellée, en s’appuyant sur ses écritures d’instance du 30 juin 2000, par lesquelles elle affirme que la Société Comatrans a reconnu devant le premier Juge, son état de cessation de paiement l’ayant conduite à une réunion de ladite Assemblée Générale; que l’intimée fait observer une violation par l’appelante, de l’article 25 de l’Acte Uniforme de l’OHADA sur les Procédures Collectives d’Apurement du Passif, qui dispose « que le débiteur qui se trouve dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec un actif disponible, doit faire une déclaration de cessation de paiement pour voir l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens »; qu’en définitive, la Société Saga Sénégal demande la confirmation du jugement entrepris;
EN DROIT
Considérant que si, aux termes des dispositions de l’article 737 de l’Acte Uniforme relatif au droit des Sociétés Commerciales, les associés peuvent prononcer la dissolution anticipée de la Société; que la décision est prise en Assemblée Générale extraordinaire, comme en l’espèce; qu’il y a lieu de relever néanmoins, qu’aux termes dudit texte de loi en son article 735, que cette procédure énoncée n’est pas applicable aux Sociétés en état de redressement judiciaire ou de liquidation des biens;
Considérant qu’il est constant, comme résultant du jugement N° 905 rendu le 9 mai 2000 par le Tribunal Régional de Dakar dans l’affaire opposant la compagnie Swissair et la Société Comatrans, un procès-verbal de conciliation a été dressé le 30 décembre 1997, constatant que la Société Comatrans n’avait plus d’actif ni d’activité; qu’elle s’était engagée à solder sa dette envers Swissair, d’un montant de 90.318.920 F, par des versements échelonnés;
Considérant qu’aux termes de l’article 16 du COCC, sont assimilées au commencement de preuve par écrit, les déclarations faites au cours d’une comparution personnelle ordonnée par le Juge;
Considérant que la Société COMATRANS, par son aveu de sa situation financière, ne peut pas invoquer une dissolution anticipée pour solliciter l’infirmation de la décision querellée;
Que, dès lors, il échet de la confirmer en toutes ses dispositions;
Considérant que l’appelante, qui a succombé, est condamnée aux dépens dont distraction selon l’usage;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare l’appel recevable;
AU FOND
– Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
– Condamne la Société COMATRANS aux dépens d’instance et d’appel dont distraction, selon l’usage, aux Avocats de la Société Saga Sénégal, qui l’ont requis aux offres de droit;
Ainsi fait, jugé et prononcé par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale, en son audience publique et ordinaire du 27/12/2002 séant au Palais de Justice de ladite ville, Bloc des Madeleines, à laquelle siégeaient Monsieur Papa Makayéré NDIAYE, Président, Messieurs Abdoulaye NDIAYE, Assane NDIAYE, Conseillers, et avec l’assistance de Me El Hadji Boun Malick DIOP, Greffier.
Et ont signé le Président et le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant
On peut s’interroger sur deux points concernant la motivation de cette décision.
1/ Comment la cour d’appel a-t-elle pu considérer qu’un bail à durée déterminée se reconduit pour une durée indéterminée ?
Si c’est en vertu de l’article 72, alinéa 3 de l’AUDCG, c’est au prix d’une interprétation contestable de ce texte. En effet, celui-ci ne concerne que les baux conclus, ab initio, sans écrit ou sans indication de terme. Il en va autrement des baux conclus pour une durée déterminée dès l’origine. Pour ceux-là, il faut s’interroger sur le point de savoir s’il existe une clause de reconduction. Ce n’est qu’à défaut d’une telle clause que « si, à l’expiration du bail à terme fixé, le preneur reste ou est laissé en possession, (qu’) il s’opère un nouveau bail aux mêmes conditions, mais à durée indéterminée » (article 562 COCC 1 logé dans les dispositions générales et communes à tous les baux). Ce texte du COOC est doublement applicable : d’une part, parce qu’en 1978, époque de la reconduction présumée tacite, l’AUDCG n’était pas encore applicable et c’est le COOC qui s’appliquait; d’autre part, parce que, même si on considère que l’AUDCG s’applique à cette espèce, aucune de ses dispositions ne vient contredire les termes de l’article 562 COCC.
2/ Le motif du congé tiré du non paiement des loyers a été repoussé par la cour sur la base de deux arguments : le premier parce que le bailleur n’aurait pas mis le preneur en demeure de s’acquitter des loyers impayés alors que la cour reconnaît elle-même, dans sa motivation, que le bailleur avait servi un commandement de payer à cet effet; le second parce que le preneur avait prétendu, sans être contredit par le bailleur, qu’il s’était acquitté de ses loyers au moyen d’un chèque; or, cette affirmation du preneur n’a été nullement établie par la trace de ce moyen de paiement si l’on s’en tient à la motivation de l’arrêt qui ne fait nullement mention d’une telle preuve de paiement.

1 COCC : Code sénégalais des obligations civiles et commerciales.