J-04-02
Voir Ohadata J-04-08
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – TENTATIVE DE CONCILIATION – ECHEC – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – ACTES D'OPPOSITION ET D'ASSIGNATION – FORCLUSION – DELAIS DE GRACE (NON).
La phase préalable de conciliation ne peut avoir pour effet de priver le plaideur de tout ou partie de ses moyens de défense à la reprise des débats après échec de conciliation.
Le juge ou la juridiction ne retrouve sa fonction de dire le droit qu'une fois que l'échec de la conciliation est consommé. Dès lors, les plaideurs retrouvent tous leurs moyens de défense, aussi bien de forme et de procédure que de fond, en vue du succès de leurs prétentions. Telle est la portée qu'il convient de réserver aux dispositions prévues à l'alinéa 2 de l'article 12 AUPSRVE.
De ce fait, et aux termes de l'artIcle 11 AUPSRVE, l'opposition et l'assignation, pour être valables, doivent figurer dans un seul et même acte.
Article 11 AUPSRVE
Article 12 AUPSRVE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 345 du 28 mars 2001, Transit R. Gauthier c/ Société CIMEX).
I - LES FAITS
Suivant ordonnance n° 544/00, rendue le 02 juin 2000 par le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou au pied d'une requête à lui présentée le 16 mai 2000, la société TRANSIT R. GAUTHIER a été autorisée à signifier à la société CIMEX une injonction d'avoir à payer la somme de 8.834.310 F CFA;
Par acte d'huissier en date du 17 juillet 2000, la Société CIMEX "formait opposition contre l'ordonnance n° 544/00 du 02/06/2000 à lui notifiée et assignait la société TRANSIT R. GAUTHIER à comparaître le 16/08/2000 pour voir rétracter l'ordonnance sus-visée et pour se voir également accorder des délais de grâce;
A l'appui de sa demande, la société CIMEX, ayant pour conseil maître Flora KAFANDO, Avocat à la cour Ouagadougou, expose que dans le cadre de ses relations commerciales avec la Société TRANSIT R. GAUTHIER, des circonstances indépendantes de sa volonté ont perturbé les marchés qu'elle se devait d'exécuter;
Que cette situation déplorable qui était d'ailleurs connue par la société TRANSIT R. GAUTHIER les avait conduites à engager un protocole de règlement et aux termes duquel, elle devait procéder par règlements 22 successifs de ce qu'elle devait à TRANSIT R. GAUTHIER;
Que c'est contre toute attente qu'elle s'est vue notifiée l'ordonnance d'injonction de payer n° 544/2000 du 02/06/2000; et ce en dépit du fait que le quantum de la créance est lui-même sujet à contestation;
Qu'en tout état de cause, elle et TRANSIT R. GAUTHIER doivent se concerter pour arrêter le quantum exact de la créance et qu'après ce préalable, elle sollicite qu'il lui soit accordé des délais de grâce pour s'en acquitter en vertu des dispositions de l'article 39 de l'acte uniforme OHADA portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution;
Par acte d'huissier en la forme d'avenir à comparaître, la CIMEX en lieu et place de la date du 16/08/2000 assignait désormais la société TRANSIT R. GAUTHIER à comparaître le 02/08/2000 devant le Tribunal céans pour s'entendre statuer sur les mérites de l'acte d'opposition du 14/07/2000;
En réplique à tout ce qui précède, la société TRANSIT R. GAUTHIER ayant pour conseil maître LOMP O. Frédéric, Avocat à la cour Ouagadougou soulève in limine litis :
– d'une part une exception pour cause de déchéance du droit de faire opposition en application de l'article 11 de l'acte uniforme OHADA précité;
– d'autre part, la nullité de l'avenir à comparaître du 24/07/2000 pour cause de non-respect des dispositions de l'article 441 du code de procédure civile;
Au soutien de ses moyens, la société TRANSIT R. GAUTHIER fait valoir que la CIMEX a formé opposition contre l'ordonnance sus-visée le 14/07/2000 puis l'assignait à comparaître pour le 16/08/2000
Que cependant, l'article 11 de l'acte uniforme OHADA précité prévoit que l'opposant est tenu à peine de déchéance..., de servir son assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date qui ne saurait excéder le délai de 30 jours à compter de l'opposition;
Qu'ainsi, elle relève qu'entre la date du 14/07/2000 et celle du 16/08/2000 plus de 30 jours se sont écoulés, ce qui rend fondée l'exception tirée de la déchéance
Outre l'exception de déchéance, la société TRANSIT R. GAUTHIER relève que l'avenir à comparaître lui a été signifiée le 24/07/2000 pour une comparution à l'audience du 02/08/2000;
Qu'ainsi entre ces deux dates moins de 15 jours se sont écoulées alors que l'article 441 du code de procédure civile prévoit que le délai pour comparaître est de 15 jours au moins à compter de la notification de l'assignation;
Que par ce second moyen elle entend voir déclarer nul l'avenir à comparaître à lui servi le 24/07/2000;
En réplique, la CIMEX, par la plume de son conseil, relève qu'en l'espèce, c'est après quatre audiences de vaine conciliation que les exceptions dont se prévaut TRANSIT GAUTHIER ont été soulevées alors que l'article 12 alinéas 2 de l'acte uniforme/OHADA portant procédure simplifiées de recouvrement et voies d'exécution prévoit que si la tentative de conciliation échoue, la juridiction compétente statue immédiatement sur la demande de recouvrement;
Qu'ainsi pour avoir été soulevées tardivement, ces exceptions doivent être déclarées irrecevables;
Par ailleurs, la CIMEX fait valoir que c'est à tort que la société TRANSIT R. GAUTHIER estime que l'avenir à comparaître est seulement l'acte usité en remplacement d'une assignation initiale dont l'audience n'a pu se tenir alors qu'il est également l'acte par lequel une partie invite l'autre à se présenter à l'audience du Tribunal à une date indiquée suite à une irrégularité ou à un événement perturbant la suite du procès;
Que dès lors, par l'avenir à comparaître du 2/07/2000, elle a entendu corriger les irrégularités de l'assignation du 14/07/2000 et non procéder à la substitution de l'acte;
Que là dessus, elle conclut que la computation du délai doit se faire à partir de l'exploit corrigeant; que c'est pourquoi, elle entend voir déclarer l'avenir à comparaître du 24/07/2000 valable et dire qu'il a eu pour effet de couvrir la déchéance dont TRANSIT R. GAUTHIER invoque;
II - MOTIFS DE LA DECISION
A - EN LA FORME
1 - De la recevabilité des exceptions après l'échec de conciliation
Attendu qu'aux termes de l'article 12 alinéa 2 de l'acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et de voies d'exécution, si la tentative de conciliation échoue, la juridiction statue immédiatement sur la demande de recouvrement;
Attendu qu'en l'espèce, la CIMEX conclut au rejet des exceptions soulevées par TRANSIT R. GAUTHIER au motif qu'elles sont intervenues après débats au fond en audience de conciliation;
Attendu cependant que par l'institution d'une phase de conciliation en matière d'injonction de payer, le traité OHADA a entendu conférer au juge ou à la juridiction une mission de bons offices et pour laquelle celui-ci ou celle-ci recherche de concert avec les plaideurs les voies et moyens en vue de parvenir à un règlement amiable; se départissent alors de cette occasion l'un comme l'autre de leur mission de dire le droit; qu'ainsi en pareils cas, l'esprit dans lequel les débats se mènent ne présentent pas de contraintes d'ordre procédural; que celles qui existent en matière de procédure contentieuse ou débats contentieux; qu'en effet, s'il en était autrement ce serait faire de la phase de conciliation un autre degré de juridiction; ce que ne prévoient pas jusque là les textes portant organisation judiciaire;
Qu'au demeurant, le juge ou la juridiction ne retrouve sa fonction de dire le droit qu'une fois que l'échec de la conciliation est consommé, et dès cet instant les plaideurs retrouvent tous leurs moyens de défense, aussi bien de forme et de procédure que de fond, en vue du succès de leurs prétentions; que telle se veut être ainsi la portée qu'il convient de réserver aux dispositions prévues à l'alinéa 2 de l'article 12 de l'acte uniforme OHADA précité;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que la phase préalable de conciliation ne peut avoir pour effet de priver le plaideur de tout ou partie de ses moyens de défense à la reprise des débats après échec de conciliation;
Qu'il échet ainsi de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la CIMEX et en conséquence de déclarer les exceptions de TRANSIT GAUTHIER recevables pour avoir été soulevées in limine litis lors des débats contentieux;
2 - Du bien fondé des exceptions de déchéance et de nullité
Attendu qu'aux termes de l'article 11 de l'acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exception, l'opposant est tenu à peine de déchéance et dans le même acte que celui de l'opposition :
– de signifier son recours à toutes les parties et au greffe de la juridiction ayant rendu la décision d'injonction de payer;
– de servir assignation à comparaître devant la juridiction compétente à une date fixe qui ne saurait excéder le délai de trente jours à compter de l'opposition;
Attendu qu'il ressort des termes de l'article 11 de l'acte uniforme précité que l'opposition et l'assignation, pour être valables doivent figurer dans un seul et même acte; que nulle part il ne ressort dudit article qu'un acte complémentaire ou supplémentaire puisse intervenir soit pour rectifier soit pour corriger les irrégularités constatées ultérieurement dans ce seul et même acte;
Qu'il échet donc de déclarer nul et non avenu l'avenir à comparaître servi le 24/07/2000 et en conséquence de ne prendre en considérable que le seul et même acte du 14/07/2000 portant opposition et assignation;
Attendu que l'acte d'opposition et d'assignation du 14/07/2000 a prévu la comparution des parties devant le tribunal céans à l'audience du 16/08/2000; qu'ainsi entre la date du 14/07/2000 et du 16/08/2000, plus de 30 jours se sont écoulés en l'espèce 32 jours;
Qu'il échet en conséquence de déclarer la CIMEX déchue de son recours en opposition
B – AU FOND
1 - Sur la demande reconventionnelle
Attendu que la société TRANSIT R. GAUTHIER demande reconventionnellement à ce que la CIMEX soit condamnée à lui payer la somme principale de 8.834.301 F CFA outre les intérêts de droit pour compter du jour de la demande et que le jugement à intervenir soit assorti de l'exécution provisoire nonobstant toutes voies de recours;
Attendu qu'en l'espèce, la CIMEX est déchue de son recours en opposition pour cause de forclusion; que cela emporte par voie de conséquence que la décision d'injonction de payer n° 544/00 du 02/06/2000 soit substituée par une décision définitive;
Qu'il échet en conséquence de condamner la société CIMEX à payer à la société TRANSIT GAUTHIER la somme principale de 8.834.301 outre les intérêts de droit pour compter du jugement;
2 - Sur la demande en exécution provisoire
Attendu qu'en l'espèce, la créance de TRANSIT R. GAUTHIER sur la CIMEX est certaine, liquide et exigible; qu'en outre cette créance présente une ancienneté certaine; qu'ainsi en vue de ne pas prolonger davantage les difficultés de trésorerie de TRANSIT R. GAUTHIER et compromettre ainsi ses activités;
Qu'il échet en conséquence de faire droit à la demande de TRANSIT R. GAUTHIER et d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort :
déclare l'opposition irrecevable pour cause de forclusion;
condamne la société CIMEX à payer à TRANSIT R. GAUTHIER la somme de HUIT MILLIONS HUIT CENT TRENTE QUATRE MILLE TROIS CENT UN (8.834.301) F CFA outre les intérêts de droit pour compter du jugement;
ordonne l'exécution provisoire et condamne CIMEX aux dépens.