J-04-05
SURETES – HYPOTHEQUES – PROMESSE D'HYPOTHEQUE FERME D'UN GERANT D'UNE SARL – ACTES SOUS SEING PRIVES DITS "D'AUTORISATION PLEINE ET ENTIERE" – VALIDITE (OUI) – ARTICLES 127 ET 136 AUS – INSCRIPTION PROVISOIRE D'HYPOTHEQUE SUR DES IMMEUBLES APPARTENANT A DES TIERS – VALIDITE (OUI) – CONVERSION EN HYPOTHEQUE DEFINITIVE.
Rien à la lecture de l'article 136 AUS n'indique qu'un créancier ne peut prendre d'hypothèque que sur les immeubles de son débiteur. Il peut prendre une hypothèque sur tout immeuble dès lors que les propriétaires consentent à donner leur immeuble en garantie de la dette d'un tiers.
Article 127 AUS
Article 136 AUS
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 446 du 09 mai 2001, BANK OF AFRICA c/ NASSA P. KASSOUM, OUEDRAOGO Naba et KIENDRENEOGO Yamba).
LE TRIBUNAL
Suivant ordonnance n° 188/99 du 06 avril 1999 placée au pied d'une requête en date du 5 mars 1999, la Bank of Africa, SA a été autorisée à prendre une inscription provisoire d'hypothèque sur les immeubles suivants :
1. La parcelle G lot 33 secteur 28, zone lotie de Ouagadougou, objet du PUH n° 119116 au nom de NASSA P. Kassoum et ce pour avoir sûreté et garantie de paiement de la somme de dix millions (10.000.000) francs CFA en principal;
2. La parcelle 19 lot 20 section MW du secteur 21, zone lotie de Ouagadougou, objet du PUH n° 0121433 du 13 novembre 1990 au nom de KIENDREBEOGO Yamba, et ce pour sûreté et garantie de paiement de la somme de sept millions (7.000.000) francs en principal;
Par acte d'huissier en date du 10, 24 et 25 mai 1999, la Bank of Africa a signifié et notifié à OUEDROAGO B. dit Naba, KIENDREBEOGO Yamba et à NASSA P. Kassoum l'ordonnance n° ­188/99 du 06 avril 1999 et un acte d'hypothèque judiciaire provisoire dressé le 14 avril 1999 par maître KY-ZERBO Françoise, notaire à Ouagadougou et inscrit sur les registres des oppositions sous le n° 108BGD (parcelle du secteur 28) et n° 12433 (parcelle du secteur 21) en date du 19 avril 1999;
Par le même acte d'huissier la Bank of Africa a fait assigner OUEDKAOGO B. dit Naba, NASSA P. Kassoum et KIENDREBEOGO Yamba devant le Tribunal de céans pour voir déclarer bonne et valable l'inscription hypothécaire du 19 avril 1999 et la convertir en inscription définitive;
La Bank of Africa expose à l'appui de sa demande qu'elle a consenti à OUEDRAOGO B. Naba deux encours, l'un de dix millions (10.000.000) francs CFA le 20 août 1998 à échéance du 20 février 1999 et l'autre de sept millions (7.000.000) francs CFA le 7 septembre 1998 à échéance du 22 septembre 1998;
Que pour sûreté et garantie de paiement de ces encours, OUEDRAOGO B. dit Naba a proposé une promesse d'hypothèque sur les permis urbain d'habiter n° 121433 et n° 119116 respectivement au nom de KIENDREBEOGO Yamba et NASSA P. Kassoum lesquels ont délivré à OUEDRAOGO B. Naba une autorisation de jouissance pleine et entière;
Qu'après avoir disposé des sommes demandées, OUEDRAOGO B. Naba s'abstient d'effectuer les remboursements;
OUEDRAOGO B. Naba par l'office de son conseil le cabinet SAGNON-ZAGRE, résiste à la demande en faisant valoir qu'il n'est nullement débiteur de la banque;
Que le débiteur de la banque n'est autre que la société de Distribution, de Commerce et de Travaux Publics, laquelle est une SARL et dont il est le gérant;
Que c'est cette société qui, dans le cadre de ses activités a sollicité de la banque un concours financier à hauteur de trente cinq millions (35.000.000) francs CFA;
Que la banque a alors versé à titre d'acompte la somme de dix sept millions (17.000.000) francs CFA sur le compte n° 0000 224 0004 ouvert dans ses livres au nom de la SODICI/TP;
Que le bénéficiaire du prêt jouit de la personnalité morale et doit par conséquent répondre de ses dettes envers ses créanciers;
Que n'ayant pas personnellement contracté un prêt auprès de la banque, il ne saurait en sa qualité de gérant répondre en son nom personnel des dettes de la société;
Que la banque ne peut produire aucun document de nature à justifier un quelconque droit de créance à son égard;
Qu'à ce jour, aucune demande de condamnation n'a été formulée toute chose qui rend caduque l'ordonnance n° 188/99 et par voie de conséquence nulle la présente procédure, ainsi qu'il résulte des termes de l'article 136 de l'acte uniforme relatif à l’organisation des sûretés;
Que les parcelles objets de l’inscription d’hypothèque provisoire ne sont pas sa propriété;
Que cependant, l'article 136 précité n'autorise la prise d'inscription provisoire d'hypothèque que sur des immeubles appartenant au débiteur;
Que la banque fonde l'ensemble de ses prétentions sur deux actes sous seing privé dits « d’autorisation de jouissance pleine et entière »;
Que ces « procurations » lui ont été données par les propriétaires des parcelles en cause à son nom propre et non à la SODICI/TP;
Que ces « procurations » n'ont aucune valeur juridique puisqu’elles n’ont pas été faite en la forme authentique en violation de l’article 128, alinéa 2, de l’acte uniforme sur les sûretés;
Que la présente procédure engagée doit et constitue un chef de préjudice réparable;
Que la présente instance et ses suites sont pour lui source d'évidents désagréments et d'importantes frais pour soutenir le procès;
Que l’ensemble de ce préjudice ne saurait être évalué à moins de un million (1.000.000) de francs CFA;
Bank of Africa réplique aux moyens et prétentions de OUEDRAOGO B. dit Naba pour expliquer que sa créance résulte de deux billets à ordre et d'une promesse d'hypothèque ferme souscrits par OUEDRAOGO B. Naba;
Que rien, à la lecture de l'article 136 invoqué par OUEDRAOGO B. Naba, n'indique qu'un créancier ne peut prendre d'hypothèque que sur les immeubles de son débiteur;
Qu'il peut prendre une hypothèque sur tout immeuble dès lors que les propriétaires consentent à donner leur immeuble en garantie de la dette d'un tiers;
Que la seule qualité exigée par l'article 127 de l'acte uniforme sur les sûretés de celui qui consent l'hypothèque est qu’il soit titulaire du droit réel immobilier et qu'il ait la capacité pour agir, ce qui est bien le cas en l'espèce;
Qu'il n'y a pas lieu de se référer à l'article 128 de l'acte uniforme sur les sûretés comme le fait OUEDRAOGO B. Naba, jusqu'aucune hypothèque conventionnelle n'a été prise;
Qu'ayant introduit l'action en validité d’hypothèque il n'était point besoin d'introduire une autre action puisque pour valider l'hypothèque conservatoire, il faut nécessairement constater là réalité de la créance du demandeur à l'action;
Que la demande de paiement de la somme de dix sept millions (17.000.000) francs CFA implicitement contenue dans la procédure est à présent explicitement exprimée;
Qu'elle a le droit de demander le paiement de sa créance;
Que cela ne constitue en rien un abus;
Par lettre datée du 09 novembre 2000, maître Richard TRAORE a demandé le rabat du délibéré au motif qu'une plainte avec constitution de partie civile a été déposée depuis le 26 janvier 2000 auprès du doyen des juges d'instruction;
Que cette plainte a trait à la prétendue procuration que son client, KIENDREBEOGO Yamba, aurait donnée à OUEDRAOGO B. Naba;
Que ce document est un faux;
Par lettre en date du 16 novembre 2000, la Bank of Africa par le biais de son conseil rappelle que la seule conséquence de la saisine d'une juridiction pénale en l'espèce est le sursis à statuer;
Qu'en outre la juridiction a été saisie pour voir valider deux hypothèques provisoires;
Que sur une des parcelles, il n'y a aucune difficulté;
Qu'en pareille circonstance, il n'y a nullement lieu de rabattre le délibéré;
Que le Tribunal peut soit ordonner le sursis à statuer soit statuer sur la demande de validation de l'hypothèque provisoire portant sur la parcelle G tout en ordonnant le sursis à statuer sur la demande relative à la parcelle 19 du lot 20 qui est seule concernée par la procédure pénale;
Attendu qu'il résulte de l'article 1315 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver;
Attendu que la Bank of Africa a produit au dossier deux billets à ordre d'un montant global de dix sept millions (17.000.000) souscrits par OUEDRAOGO B. Naba;
Que OUEDRAOGO B. Naba a souscrit également à son nom les promesses d’hypothèque pour garantir le paiement de la somme de dix sept millions attestant ainsi que le prêt lui a été consenti personnellement;
Que dans lesdites promesses, il n'est nullement question de SODICI/TP;
Qu'il y a lieu de condamner OUEDRAOGO B. Naba à payer à BOA la somme de dix sept millions (17.000.000) francs CFA;
Attendu que OUEDRAOGO B. Naba a consenti des promesses d'hypothèque ferme sur deux immeubles;
Que le Tribunal a, par ordonnance n° 188/99 du 06 avril 1999 autorisé BOA à prendre des inscriptions provisoires d'hypothèque sur lesdits immeubles;
Attendu que KIENDREBEOGO Yamba, propriétaire de l'un des immeubles hypothéqués, a porté plainte pour faux devant le doyen des juges d'instruction contre OUEDRAOGO B. Naba contestant ne pouvoir être l'auteur de « l'autorisation de jouissance pleine et entière »;
Que pour une bonne administration de la justice, il y a lieu d'ordonner le sursis à statuer s'agissant de cet immeuble;
Attendu que l'article 128 de l'acte uniforme portant organisation de sûretés et invoqué par OUEDRAOGO B. Naba traite de l'hypothèque conventionnelle;
Qu'ici il ne s'agit pas d'une hypothèque conventionnelle mais d'une hypothèque judiciaire;
Attendu qu'en l'espèce rien ne s'oppose à ce qu'une hypothèque définitive portant sur la parcelle G du lot 33 secteur 28 de Ouagadougou soit accordée à BOA;
Attendu qu'en l'espèce, BOA n'a exercé aucun abus de droit;
Que la demande de dommages et intérêts de OUEDRAOGO B. Naba n'est fondée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière ­commerciale et en premier ressort :
– Condamne OUEDRAOGO B. dit Naba à payer à la Bank of Africa la somme de dix sept millions (l 7.000.000) francs CFA outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande;
– Octroie à la Bank of Africa une hypothèque définitive portant sur la parcelle G du lot 33 secteur 28 zone lotie de Ouagadougou, objet du PUH n° 119116 au nom de NASSA P. Kassoum;
– Ordonne le sursis à statuer en ce qui concerne la parcelle 13 du lot 20 section MW du secteur 21 zone lotie de Ouagadougou, objet du PUH n° 0121433 du 13/11/1990 au nom de KIENDREBEOGO Yamba;
– Condamne OUEDRAOGO B. Naba aux dépens.