J-04-100
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL A USAGE D’HABITATION – CHANGEMENT DE DESTINATION DES LIEUX LOUES – EXPLOITATION D’UN RESTAURANT – ABSENCE D’OPPOSITION DU BAILLEUR – NOVTION EN BAIL COMMERCIAL – RESPECT DE L’ARTICLE 101 DE L’ACTE UNIFORME SUR LE DROIT COMMERCIAL GENERAL.
Lorsque le locataire d’un immeuble initialement destiné à l’habitation y exploite un restaurant sans que le bailleur n’y oppose une résistance, le bail acquiert la nature commerciale et sa résiliation doit se faire conformément à l’article 101 de l’acte uniforme sur le droit commercial général.
Article 101 AUDCG
Cour d’Appel Abidjan Arrêt n°689 du 05 juin 2001, M. EL BARIE MOHAMED (Me SIBALLY GUY CESAR) C/ M. KOUAME ADUO LUC (LA SCPA INDENIE).
LA COUR
Vu les pièces du dossier;
oui les parties en leurs demandes, fins et conclusions
Après en avoir délibéré conformément à la loi.
EXPOSE DU LITIGE
Courant année 1983, AKAYOKO ABDOULAYE et son fils mineur, BAKAYOKO MOUSSA, créaient une société civile immobilière, dénommée SCI RESIDENCE DE GRASSE.
Par acte notarié en date des 08 Janvier et 11 Juin 1998 BAKAYOKO ABDOULAYE agissant en son nom et pour son compte ainsi qu’en représentation de son enfant mineur, cédait la totalité de leurs parts sociales dans ladite société civile immobilière à LAZRAK HAMID et EL BARIE MOHAMED;
Au sein du patrimoine cédé aux nouveaux associés de la SCI RESIDENCE DE GRASSE, figure un immeuble bâti sis à BIETRY boulevard de Marseille, occupée par KOUAME ADUO LUC, en vertu d'un contrat de bail;
Par exploit en date du 19 JUILLET 2000, EL BARIE MOHAMED faisait servir à KOUAME ADUO LUC une assignation, à l'effet de voir la juridiction des référés du Tribunal de première instance d'Abidjan vu l'urgence ordonner son expulsion des lieux qu'il occupait, tant de sa personne, de-ses biens que de tous occupants de son chef;
Au soutien de son action devant le premier juge, EL BARIE MOHAMED expliquait que la partie adverse lui était redevable d'arriérée de loyers depuis-le mois de Février 2000;
Ainsi, au jour de la présente action, elle restait lui devoir la somme de 900.000.F;
Dès lors, EL BARIE MOHAMED affirmait subir un préjudice qui chaque jour s'aggravait, du fait de la perte de ses loyers;
En réponse, le défendeur concluait à la nullité de l'exploit d'assignation, pour violation de l'article 101 de l'acte uniforme sur le droit commercial issu du Traité OHADA;
En effet, selon lui, le contrat de bail qui le liait à EL BARIE MOHAMED étant de nature commerciale, il eût fallu que celui-ci lui signifia une sommation de payer un mois avant toute saisine d'une juridiction;
Vidant son délibéré, le juge saisi rendait la décision dont le dispositif est le suivant :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de référé-expulsion et en premier ressort;
Déclarons l'acte d'assignation nul car non conforme aux dispositions de l'article 101 du traité OHADA;
En conséquence, rejetons la demande;
Condamnons le demandeur aux dépens;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, EL BARIE MOHAMED par acte d'huissier en date du 01 Mars 2001 relevait appel de l'ordonnance de référé n°3353 en date du 30 JUIN 2000 sus-visée, à l'effet de voir la Cour d'appel de ce siège :
– L'infirmer en toutes ses dispositions;
– Statuant à nouveau;
– Dire que le contrat de bail qui liait les parties en litige était à usage d'habitation;
– Constater que KOUAME ADUO LUC lui était redevable de la somme de 1.950.000F à titre d'arriérés de loyers de Février 2000 à Février 2001;
A défaut, décider de son expulsion;
Au soutien de son acte d'appel, EL BARIE MOHAMED reprochait à l'ordonnance querellée d'avoir annulé son acte d'assignation en expulsi­on, au motif que le contrat de bail qui le liait à l'intimé était de nature commerciale;
Or, soutenait l'appelant, il n'en était rien, d'autant que KOUAME ADUO LUC occupait les lieux, objet du litige, en vertu d'un contrat à usage d'habitation;
A cet effet, il indiquait que ledit contrat de bail avait spécifié au chapitre des clauses et conditions, .que le preneur ne pouvait donner aux locaux loués d'autre usage que celui dé résidence, à l'exclusion de tout autre, même temporairement;
En tout état de cause, l'appelant considérait que la décision attaquée, en décidant que le contrat de bail en cause avait une nature commerciale, avait préjudicié au principal;
Ainsi, l’ordonnance attaquée méritait également, selon lui d'hêtre infirmée;
Pour sa part, l'intimé KOUAME ADUO LUC affirmait que de l'origine, il avait occupé les locaux objet du litige, en vue d'exercer une activité de restauration, donc commerciale;
En réalité, selon lui, le litige qui l'opposait à son bailleur avait vu le jour du fait du rejet par lui de l'offre de la propriété des lieux en cause;
Depuis lors, relevait-il, EL MARIE MOHAMED avait décidé de lui causer les pires ennuis;
En effet poursuivait l'intimé, il s'était aux départ affaire servir un congé d'avoir à quitter les locaux qu’il prenait en location;
Sur le fond du litige, KOUAME ADUO LUC persistait à dire que le contrat de bail en cause avait une nature commerciale que ne lui avait, à aucun moment, contesté l'appelant, Avant l'amorce du présent procès;
Ayant acquis les parts sociales de la SCI RESIDENCE DE GRASSE, il considérait que EL BARIE MOHAMER ne pouvait valablement, à ce jour, remettre en cause le caractère commercial du contrat de bail, objet du litige;
C'est là raison pour laquelle, il sollicitait la confirmation de la décision attaquée, d'autant qu'il n'était pas contesté que l'appelant ne s'était pas en agissant comme il l'avait fait, conformé aux dispositions de l'article 101 de l'acte Uniforme sur le droit commercial, issu du Traité OHADA.
SUR CE
L'intimé ayant conclu, il y a lieu de rendre une décision contradictoire;
EN LA FORME
EL BARIE MOHAMED a relevé appel par exploit en date du 01 mars 2001, comportant ajournement, au 13 Mars 2001, d'une ordonnance de référé qui ne lui a pas été signifiée;
Ledit appel est donc recevable, pour avoir été-interjeté dans les forme et délai légaux;
AU FOND
sur l'incompétence du juge des référés pour avoir pris une décision touchant au fond du litige
Il est constant, comme résultant des énonciations de l'ordonnance querellée, que le premier juge a qualifié de commercial le contrat de bail liant EL BARIE MOHAMED à KOUAME ADUO LUC;
Le faisant, le juge des référés saisi n'a aucunement tranché en soi, une question de fond;
En effet, la matière des baux à l'usage d'habitation et commerciaux a été réglementée par deux lois spéciales qui, dans leur contenu, ont donné expressément sous certains aspects compétence au juge des référés pour connaître de certains litiges;
Les règles de procédure et de fond variant suivant que l’on passe d'un bail à usage d'habitation à un bail commercial, il apparaît nécessaire que le juge des référés saisi se prononce au préalable sur la qualification à donner aux relations contractuelles entre les parties;
De la sorte le juge des référés ne préjuge en rien sur le fond du litige.
Tout au plus, en cas de qualification erronée du contrat de bail en cause, la juridiction du second degré peut-elle infirmer l'ordonnance entreprise et procéder à une requalification, et non pas décider d'une incompétence du premier juge pour avoir préjudicié au principal;
Aussi, il convient de rejeter ce moyen comme mal fondé;
sur le bien fonde de la décision attaquée.
Il est acquis aux débats, comme n'ayant fait l'objet d'aucune contestation par les parties, que le contrat de bail ayant lié KOUAME ADUC LUC à BAKAYOKO ABDOULAYE dont EL- BARIE MOHAMED a hérite en qualité de nouveau bailleur est à usage d'habitation;
Cependant, il est également acquis qu'à l'origine KOUAME ADUO LUC y a modifié la destination en y exerçant un fond de commerce de restauration, sans que l'ancien bailleur ne s'y oppose ou en demande la résiliation à ce titre;
Il est d'usage, en matière contractuelle, que les parties s'entendent sur la chose et le prix, préalablement à tout échange de consentement;
A ce titre, EL BAP.IE MOHAMED ne peut valablement à ce jour affirmer qu'avant d'accepter de se porter cessionnaire des parts sociales de la SCI DE GRASSE, propriétaire des locaux occupés par KOUAME ADUO LUC, il n'a pas pris soin de répertorier l'ensemble du patrimoine 'de ladite société civile immobilière, dont les locaux occupés par KOUAME ADUO LUC à titre de restaurant;
II s'ensuit que EL BAEIE MOHAMED, en ne sollicitant pas dès l'acquisition des parts sociales de la SCI DE GRASSE la résiliation du contrat de bail avec KOUAME ADUO LUC, a implicitement acquiescé à la nouvelle destination des lieux loués, en l'occurrence l'exploitation d'un fonds de commerce ,
Le contrat de bail en cause doit donc être qualifié, à ce jour, de commercial;
Ainsi, en statuant de la sorte, et en faisant état dans le cas d'espèce de la violation de l'article 10.1 de l'Acte Uniforme OHADA sur le bail commercial, le premier juge s'est prononcé conformément à la loi, en déboutant EL BARIE MOHAMED de sa demande en expulsion;
Ce faisant, il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise;
L'appelant ayant succombé, il convient de mettre les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit EL BAKIE MOHAMED en son appel;
AU FOND
L'y dit mal fondé ,
L'en déboute ,
Confirme l'ordonnance de référé entreprise;
Met les dépens à la charge de l'appelant susnommé.