J-04-114
Droit commercial Général – Bail commercial – Expulsion – Mise en demeure et commandement de payer – Reproduction des prescriptions légales – Inobservation – Infirmation de l'ordonnance d'expulsion.
L'ordonnance d'expulsion doit être infirmée pour violation de l'article 101 de l'Acte Uniforme portant Droit commercial général, dès lors que le commandement de payer n’est pas conforme aux dispositions prescrites par ledit article.
(Cour d'Appel d'Abidjan, Arrêt N° 279 du 06 mars 2001, Société PAGOTO c/ O…- Le Juris-Ohada, n° 3/2003, juillet-septembre 2003, p. 55).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Ensemble l'exposé des faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après :
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Considérant que par exploit d'huissier en date du 22 janvier 2001, la société PAGOTO a interjeté appel de l'ordonnance N°1661/2000 rendue le 28 avril 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau, et dont le dispositif est ainsi libellé :
"Statuant publiquement, par défaut en matière de référé d'expulsion et en premier ressort;
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu 'urgence et par provision;
– Ordonnons l'expulsion de la défenderesse société PAGOTO, des lieux qu'elle occupe, tant de sa personne, de ses biens, que de tous occupants de son chef, pour non paiement de loyer;
– Disons que faute par elle de le faire volontairement, elle y sera contrainte par tous les moyens de droit;
– Ordonnons l'exécution provisoire de la présente ordonnance;
– La condamnons aux dépens;
Considérant que par l'organe de son Conseil, Maître TIABOU ISSA, la société PAGOTO soutient que son appel est d'autant plus recevable que l'ordonnance querellée ne lui a jamais été signifiée;
Qu'en outre, elle souligne qu'elle n'a jamais acquiescé à l'ordonnance d'expulsion, dans la mesure où elle n'a jamais libéré les lieux litigieux, et en payant les arriérés des loyers, elle a simplement exécuté son obligation; qu'au fond, elle fait remarquer qu'elle était liée à l'intimé par un contrat de bail commercial, de sorte qu'en vertu des articles 101 de l'Acte Uniforme portant droit commercial, l'action en expulsion aurait dû être précédée par une mise en demeure, laquelle mise en demeure n'a pas été produite devant le premier juge;
Qu'au surplus, soutient la société PAGOTO, le commandement de payer produit par l'intimé devant la Cour de céans, n'est pour le moins pas conforme aux dispositions d'ordre public de l'article 101 susvisé, en ce qu'il ne reproduit pas les dispositions dudit article, comme y prescrit;
Qu'au regard de ce qui précède, la société PAGOTO sollicite la nullité pure et simple de l'ordonnance querellée, et à défaut, l'infirme purement et simplement, et débouter le sieur O. de sa demande, comme mal fondée;
Considérant que pour sa part, le sieur O., par l'organe de son Conseil Maître HAMZA ATTEA, sollicite de la Cour de déclarer l'appel de la société PAGOTO irrecevable, parce que ledit appel a été interjeté hors les délais légaux, d'une part, et que lui, intimé hilathum mis l'appelante en demeure d'autre part; qu'enfin, il soutient qu'en payant la somme de 2.500.000 F sur les loyers échus et en promettant de payer également les loyers en cours, la société PAGOTO confirme qu'elle a acquiescé à l'ordonnance d'expulsion rendue à son encontre;
Qu'au total, le sieur O. sollicite la confirmation de l'ordonnance querellée;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant qu'il n'est versé au dossier aucun acte de signification de l'ordonnance querellée, de sorte que ladite ordonnance n'ayant pas été signifiée, le délai pour faire appel n'a pas pu commencer à courir; que dans ces conditions, il échet de déclarer recevable l'appel de la société PAGOTO, pour avoir été fait selon les forme et délai légaux;
AU FOND
Considérant qu'il est versé au dossier une copie du contrat qui liait les parties, et qui atteste que c'est un contrat de bail commercial qui existe entre les parties;
Considérant qu'il ressort des énonciations de la copie de l'ordonnance querellée versée aux débats, que le sieur O. a exposé devant le premier juge, que c'est un contrat d'habitation qui le lie à l'appelant; qu'il n'est pas donc étonnant qu'en première instance, le sieur O. n'ait pas produit la mise en demeure de payer qui aurait été servie à l'appelante, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article 101 de l'Acte Uniforme portant droit commercial général;
Qu'au surplus, même le commandement de payer produit par l'intimé devant la Cour de céans n'est pas conforme aux dispositions de l'article 101 susvisé, dans la mesure où il ne reproduit pas les dispositions prescrites par ledit article 101
Qu'il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance querellée, pour violation de l'article 101 de l'Acte Uniforme portant droit commercial général;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement, en matière de référé et en dernier ressort :
EN LA FORME
– Déclare la société TAGOTO recevable en son appel;
AU FOND
– L'y disant bien fondée,
– Infirme l'ordonnance N° 1661/2000 rendue le 28 avril 2000 par le premier Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau;
– Président : M. TOURE Ali.