J-04-117
Recouvrement de créance – Ordonnance d'injonction de payer – Signification – Indication de la juridiction compétente pour connaître de l'opposition – Inobservation – Nullité de la signification – Conséquence – Caducité de l'ordonnance (non) – Délai d'opposition ayant commencé à courir (NON).
Recouvrement de créance – INJONCTION DE PAYER -Requête – Mentions – Société unipersonnelle – Confusion de la personnalité avec celle du propriétaire dont le nom est indiqué dans la requête – Recevabilité (Oui).
Recouvrement de créance – INJONCTION DE PAYER – Caractère certain de la créance – Production des Factures signées du débiteur.
La signification de l'ordonnance qui indique une juridiction autre que celle compétente pour connaître de l'opposition, est nulle, en application de l'article 8 de l'Acte uniforme sur le recouvrement simplifié des créances et les voies d’exécution (AUPSRVE). Cependant, la conséquence de la nullité n'est pas la caducité de l'ordonnance, mais que le délai d'opposition n'a pu courir.
Par conséquent, l'opposition est recevable.
Il n'y a pas violation de l'article 4 de l'Acte Uniforme portant Recouvrement de Créance, dès lors que la requête contient le nom du propriétaire, dont la personnalité se confond avec celle de la société unipersonnelle créancière. Par conséquent, la requête est recevable.
Le caractère certain de la créance résulte de la production des factures signées par le débiteur.
Article 4 AUPSRVE
Article 7 AUPSRVE
Article 8 AUPSRVE
Article 9 AUPSRVE
(Cour d'Appel de Bouaké, Arrêt N° 13 du 24 janvier 2001, B… c/ Station Mobil, Le Juris-Ohada, n° 3/2003, juillet-septembre 2003, p. 63).
LA COUR,
Ouï le Ministère Public
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Ensemble l'exposé des faits, procédure des partes et motifs suivants;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit en date du 17 juillet 2000 de Me Justine AYEPO, Huissier de Justice à Bouaké, Monsieur B. a régulièrement interjeté appel du jugement civil contradictoire N° 102 du 22 juin 2000 rendu par la Section de Tribunal de Toumodi qui, statuant en la cause, a déclaré B. recevable en son opposition formée à l'exécution de l'ordonnance d'injonction de payer N° 15/2000 du 4 février 2000; l'y a dit cependant mal fondé et l'a condamné à payer à la STATION MOBIL de Yamoussoukro, les sommes de 2.735.019 F et de 500.000 F respectivement, en paiement du montant des factures et à titre de dommages intérêts;
Au soutien de son appel, le sieur B. concluant par l'organe de Maîtres DOGUE ABBE YAO et Associés fait grief au jugement déféré de n'avoir pas prononcé la caducité de l'ordonnance d'injonction de payer n° 15 du 4 Février 2000;
II explique en effet, que cette ordonnance n'a pas été régulièrement signifiée; qu'alors que l'article 8 de l'Acte Uniforme du Traité OHADA relatif aux procédures de recouvrement simplifié et des voies d'exécution énonce que l'exploit de signification de l'ordonnance d'injonction de payer doit, à peine de nullité, indiquer la juridiction devant laquelle l'opposition doit être formée, et que l'article 9 dudit Acte Uniforme énonce par ailleurs, que la juridiction compétente est celle dont le Président a rendu la décision d'injonction de payer, la STATION MOBIL de Yamoussoukro, a, dans l'exploit de signification, invité l'adversaire à porter son opposition devant la juridiction présidentielle de Toumodi, plutôt que devant la Section de Tribunal dans sa formation collégiale;
Que l'exploit de signification étant ainsi frappé de nullité, l'ordonnance d'injonction de payer apparaît comme n'avoir jamais été signifiée;
Que dès lors, conformément à l'article 7 al. 2 de l'Acte Uniforme susvisé, qui dit que la décision portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans le délai de trois mois à compter de sa date, l'ordonnance attaquée était devenue caduque puisque du 4 février 2000, à la date de signification il s'est écoulé plus de trois mois;
Aussi, demande t-il à la Cour de déclarer l'ordonnance caduque;
Concluant à titre subsidiaire, il demande à la Cour de censurer également le jugement déféré en déclarant irrecevable la requête aux fins d'injonction de payer pour violation de l'article 4 de l'acte uniforme du traité OHADA susvisé;
II explique à cet égard, qu'aux termes de cet article 4, seule une personne morale ou physique peut présenter une requête aux fins de condamnation en paiement;
Or, soutient-il, dans le cas d'espèce, la requête a été présentée par la STATION MOBIL de Yamoussoukro, qui n'est ni une personne physique ni une personne morale;
II précise à cet égard, que quand bien même on considérait la STATION MOBIL de Yamoussoukro comme une personne morale, force serait de reconnaître que sa forme sociale, sa dénomination et son siège sociale n'ont pas été indiqués;
L'appelant fait valoir en outre, que pour la procédure d'injonction de payer puisse être utilisée, il faut que la créance soit certaine, liquide et exigible;
II allègue qu'en l'espèce, il ne reconnaît pas le montant qui lui est réclamé par la STATION MOBIL de Yamoussoukro; que le seul fait que la créance est contestée dans son quantum invalide la procédure d'injonction de payer;
II dit ignorer l'existence des 8 factures sur lesquelles la STATION MOBIL de Yamoussoukro fonde sa créance de 2.734.965 F;
II dit ne reconnaître que 23 bons d'un montant total de 328.930 F, sur lequel il a payé 200.000 F, en sorte qu'il ne reste devoir la somme de 128.930 F;
II sollicite donc la Cour d'infirmer le jugement entrepris, tant en ce qu'il l'a condamné à payer à la STATION MOBIL de Yamoussoukro la somme de 2.734.965 F, qu'en ce qu'il l'a en outre condamné à payer à la dite STATION MOBIL, la somme de 500.000 F à titre de dommages intérêts;
Pour sa part, la STATION MOBIL de Yamoussoukro, concluant par le truchement de Me KIGNIMA K. CHARLES, Avocat à la Cour, son Conseil, sollicite la Cour de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a « restitué à l'ordonnance d'injonction de payer, son plein et entier effet », mais de l'infirmer en ce qu'il ne lui a alloué à titre de dommages intérêts que la somme de 500.000 F au lieu de 2.000.000 F qu'elle avait réclamée;
II explique en effet, que le sieur B. l'avait approchée à l'effet de bénéficier de facilités en fournitures de produits pétroliers; qu'ainsi, il s'est fait servir toutes sortes de produits et payait plus tard avec un différé de 1 à 3 mois;
Qu'à la clôture du compte ayant existé entre eux, un solde s'étant présenté en sa faveur et que B., malgré les promesses par lui faites, n'a pas réglé, elle a initié à son encontre par le truchement de Maître KALEUKEU DELACLE, Huissier de Justice à Toumodi, la procédure d'injonction de payer, qui a été sanctionnée par l'ordonnance de condamnation N° 15 du 4 février 2000 critiquée par l'appelant;
Elle allègue que c'est à tort que B. invoque la caducité de l'ordonnance, au motif que l'exploit de signification de ladite ordonnance serait nul parce que l'huissier instrumentaire ne l'y aurait pas invité à porter son opposition devant le Tribunal de Toumodi, mais plutôt devant le Président de la Section de Tribunal;
Elle fait remarquer à cet égard, que la mention "Président du Tribunal" portée dans l'exploit de signification de l'ordonnance, relève d'une erreur de frappe, puisque malgré cette mention critiquée, l'appelant n'a pas moins porté son opposition devant la Section de Tribunal, juridiction normalement compétente;
Elle demande donc à la Cour de rejeter ce moyen, alors surtout que le sieur B. ne démontre pas avoir subi un préjudice de ce fait;
Quant au moyen tiré de l'irrecevabilité de la requête aux fins d'ordonnance d'injonction de payer, la STATION MOBIL de Yamoussoukro explique qu'elle est une entreprise individuelle et que par conséquent, sa personnalité juridique se confond avec celle de son propriétaire, dont le nom apparaît dans l'acte critiqué;
Aussi, prie-t-elle la Cour de rejeter ce moyen également;
Quant au caractère certain de la créance, la STATION MOBIL de Yamoussoukro indique que sa créance résulte des factures qu'elle a produites et qui ont été signées par B.;
Au titre des dommages intérêts par elle demandés, la STATION MOBIL fait valoir que B. est un débiteur de mauvaise foi qui, pour refuser de payer sa dette use de procédures; que ce comportement qui, non seulement l'empêche de recouvrer sa créance, l'expose à faire des frais de procédure; que le préjudice qu'il subit ainsi ne sera réparé qu'avec la somme de 2.000.000 F; que c'est pourquoi il sollicite la réformation du jugement déféré sur ce point;
DES MOTIFS
EN LA FORME
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL
II s'agit en l'espèce, d'une décision rendue sur opposition. Aux termes de l'article 15 de l'Acte Uniforme du Traité OHADA portant organisation des procédures de recouvrement simplifié et des voies d'exécution, le délai d'appel est de 30 jours à compter de la date de la décision;
Ainsi donc, l'appel relevé le 17 juillet 2000 de la décision entreprise rendue le 22 juin 2000, soit moins de 30 jours à compter de sa date, est intervenue dans les forme et délai prévu par la loi;
Ledit appel est donc recevable;
AU FOND
SUR LE MOYEN TIRE DE LA CADUCITE DE L'ORDONNANCE D'INJONCTION DE PAYER
II est vrai que l'exploit de signification de l'ordonnance attaquée indique comme juridiction devant laquelle l'opposition doit être portée, la juridiction présidentielle de Toumodi, en violation de l'article 9 de l'Acte Uniforme susvisé du Traité OHADA, qui dit que c'est la juridiction dont le Président a rendu la décision d'injonction de payer qui est compétente;
L'article 8 précédent sanctionnant de nullité le non respect de cette formalité, la signification de l'ordonnance qui indique une juridiction autre que celle compétente pour connaître de l'opposition est nulle;
Toutefois, la conséquence à titre de cette nullité n'est pas la caducité de l'ordonnance, mais que le délai de 15 jours dans lequel l'opposition doit être formée n'a pu courir et que par voie de conséquence, l'opposition formée à l'exécution de l'ordonnance est recevable;
C'est donc à juste titre que le premier juge a refusé de déclarer caduque l'ordonnance entreprise et a déclaré recevable l'opposition formée à son exécution;
Aussi, convient-il de confirmer sur ce point le jugement déféré;
SUR LE MOYEN TIRE DE L'IRRECEVABILITE DE LA REQUETE AUX FINS D'INJONCTION DE PAYER
Le premier juge, pour rejeter ce moyen a, à bon droit, relevé que la STATION MOBIL de Yamoussoukro est une société uniprofessionnelle et que sa personnalité juridique se confondait avec celle de son propriétaire, dont le nom a été indiqué, en sorte qu'il n’y a pas eu violation de l'article 4 de l'Acte Uniforme susvisé du Traité OHADA;
Le jugement déféré mérite confirmation sur ce point également;
SUR LE CARACTERE CERTAIN, LIQUIDE ET EXIGIBLE DE LA CREANCE
La STATION MOBIL de Yamoussoukro a produit au dossier les 8 factures signées du sieur B., et dont résulte la créance de 2.734.965 F à laquelle il a été condamné;
C'est donc de mauvaise foi qu'il conteste le montant à lui réclamé;
En le condamnant à payer le montant de ces 8 factures, le premier juge a fait une saine et bonne appréciation des circonstances de la cause;
II convient également de confirmer sur ce point le jugement déféré;
SUR LE MONTANT DES DOMMAGES INTERETS
Tenant compte des éléments objectifs tirés du dossier, le premier juge a souverainement chiffré le préjudice subi par la STATION MOBIL de Yamoussoukro à 500.000 F;
Il convient de confirmer le jugement sur ce point, alors surtout que la STATION MOBIL ne fournit aucun critère d'appréciation de son préjudice somme toute certain.
CONSEQUEMMENT
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
– Déclare B. recevable mais mal fondé en son appel et l'en déboute;
– Confirme en toutes ses dispositions, le jugement déféré.
Président : M. N'GNAORE Kouadio Antoine.