J-04-120
Voies d'exécution – Saisie attribution de créances – Mainlevée – Juridiction compétente – Président du Tribunal de première instance (Oui).
Saisie attribution de créances – Exploit – Mentions – Personne morale – Indication de la forme et du siège social – Omission – Nullité (oui) – Mainlevée.
Méconnaît sa compétence, le Président du Tribunal de Première Instance qui, statuant en référé d'heure à heure, se déclare incompétent à connaître de la contestation formée à l'encontre de la saisie attribution, aux motifs que le code de procédure civile fait interdiction aux ordonnances de référé, de faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure, alors que 1alrticle 49 de l'Acte Uniforme portant voie d’exécution lui donne compétence pour statuer en matière de contestation de saisie attribution de créances sur la mainlevée de ladite saisie.
L’exploit de saisie attribution doit être déclaré nul et partant, la saisie elle-même, dès lors qu'il indique pas, en ce qui concerne le débiteur saisi, personne morale, ni son siège social ni sa forme, comme l'exige l'article 157.1 de l'Acte suscité.
En conséquence, il y a lieu d’ordonner la mainlevée de la saisie.
(CCJA, ARRET N° 17/2003 du 09 octobre 2003, Société Ivoirienne de Banque, dite SIB contre Complexe Industriel d'Elevage et de Nutrition Animale, dit CIENA, Le Juris-Ohada, n° 4/2003, octobre-décembre 2003, p. 16, note BROU Kouakou Mathurin.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° 2, juillet-décembre 2003, p. 19).
Sur le renvoi en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l'affaire Société Ivoirienne de Banque, dite SIB contre Complexe Industriel d'Elevage et de Nutrition Animale, dit CIENA, par arrêt N° 442/01 du 05 juillet 2001 de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, Chambre Judiciaire, formation civile, saisie d'un pourvoi initié le 27 février 2001 par la SCPA Abel KASSI & Associés, Avocats à la Cour d'Appel d'Abidjan, demeurant Cocody II Plateaux, Boulevard des Martyrs, résidence Latrille SICOGI, Bâtiment L, 1er étage, porte 136, 06 BP 1774 Abidjan 06, agissant au nom et pour le compte de la Société Ivoirienne de Banque, enregistré sous le N° 01-67 CIV du 12 décembre 2000, en cassation de l'arrêt N° 48 rendu le 21janvier 2001 par la Cour d'Appel d'Abidjan, au profit du Complexe Industriel d'Elevage et de Nutrition Animale, dit CIENA, et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort :
En la forme :
– Déclare la SIB recevable en son appel relevé le 30 août 2000 de l'ordonnance de référé N° 3116 rendue le 18 août 2000 par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau;
Au fond :
– L'y dit partiellement fondée;
– Infirme l'ordonnance entreprise en ce que le Juge des référés s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en mainlevée, motif pris de ce que la Cour Suprême a ordonné la reprise automatique des poursuites;
Statuant à nouveau :
– Dit le juge des référés compétent, en l’espèce, pour connaître de la demande en mainlevée de saisie;
– Dit cependant la SIB mal fondée en ses autres prétentions et l'en déboute;
– Déclare régulière, fondée et donne effet à la saisie attribution pratiquée le 12 juillet 2000 par le Complexe Industriel d'Elevage et de Nutrition Animale, dit CIENA, entre les mains de la BCEAO;
– Dit cependant à bon droit, que le juge des référés s'est déclaré incompétent pour connaître de la demande en compensation;
– Confirme en conséquence, le jugement entrepris, en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent sur ce point;
– Condamne la Société Ivoirienne de Banque, dite SIB aux dépens. »
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi, les cinq moyens de cassation tels qu'ils figurent dans l'exploit de pourvoi en cassation en date du 27 février 2001 annexé au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Boubacar DICKO :
Vu les articles 14 et 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, de l'OHADA;
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure, que suite à divers contentieux les ayant opposés depuis 1987, par arrêt N° 69 rendu le 25 mars 1992 par la Cour d'Appel de Bouaké, la SIB était solidairement condamnée à payer à CIENA, la somme de 22.783.000 FCFA; que par requête en date du 26 mars 1997, la SIB saisissait la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, aux fins d'entendre ordonner le sursis à l'exécution de l'arrêt précité; que par arrêt N° 1.84/97 rendu le 23 juillet 1997, la Cour Suprême de Côte d'Ivoire rejetait la demande de sursis de la SIB et ordonnait « la reprise automatique des poursuites entreprises » contre elle;
Que sur le fondement des deux arrêts sus-indiqués rendus à son profit, CIENA initiait contre la SIB, une procédure de saisie attribution de créances, aux fins de recouvrer la somme totale, principal, intérêts et frais de 115.760.101 FCFA et, à cet effet, servait à la BCEAO, tiers saisi, un exploit de saisie attribution de créances en date du 12 juillet 2000, tendant à la saisie entre ses mains, des avoirs de la SIB qu'elle détiendrait;
Que cette saisie était dénoncée à la SIB le 14 juillet 2000, et celle-ci, par exploit en date du 21 juillet 2000, assignait CIENA en contestation de saisie le 1 août 2000 devant la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d'Abidjan statuant en matière de contestation de saisies;
Que ladite contestation n'ayant toutefois pas été enrôlée, le Greffier en chef du Tribunal de Première Instance d'Abidjan établissait un certificat de non enrôlement suivi d'un certificat de non contestation à saisie attribution de créances, en date respectivement des 02 et 17 août 2000;
Que suite à une requête également présentée le 1er août 2000, la SIS était, par ordonnance N° 3260/2000 du 02 août 2000 du Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, autorisée à assigner CIENA et la BCEAO devant le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan statuant en référé d'heure à heure, à l'effet d'entendre ordonner la mainlevée de la saisie attribution de créances précitée;
Que par ordonnance de référé N° 3116 rendue le 18 août 2000, le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan se déclarait incompétent aux motifs, d'une part, « que c'est sur le fondement de l'arrêt N° 184/97 rendu le 26 mars 1997 par la Cour Suprême de Côte d'Ivoire qu'a été pratiquée saisie sur les créances de la SIS détenues par la BCEAO » et, d'autre part, « que l'article 222 alinéa 2 du Code de Procédure civile fait interdiction aux ordonnances de référé de faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure; que dès lors, ordonner la mainlevée sollicitée reviendrait à anéantir l'arrêt suscité de la Cour Suprême... »;
Que par exploit en date du 30 août 2000, la SIB relevait appel de l'ordonnance de référé sus-indiquée, et la Cour d'Appel d'Abidjan rendait l'arrêt N° 48 du 12 janvier 2001, objet du présent recours en cassation;
Sur le troisième moyen
Vu l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué un défaut de base légale résultant de l'absence, de l'insuffisance, de l'obscurité ou de la contrariété des motifs, en ce que la SIS s'étant prévalue dans sa requête de la nullité des exploits de saisie et de dénonciation de saisie, en se fondant sur la violation des articles 157 et 160 de l'Acte Uniforme susvisé, la Cour d'Appel a ainsi motivé sa décision : « ... la SIB excipe de la nullité des exploits de saisie attribution et de dénonciation de saisie sur violation des dispositions des articles 157 et 160 susvisés, aux motifs que lesdits exploits ne contiennent pas mention respective de la forme du débiteur, personne morale, et de la déclaration verbale à faire à la partie saisie.
Il importe de relever qu'en agissant en référé sur le fondement des dispositions des articles 221 et suivants du code de procédure civile, pour faire déclarer la saisie irrégulière et obtenir la mainlevée, xxx a choisi la voie du référé ordinaire et non la procédure de contestation, même si dans son argumentaire, elle ne manque pas de se référer au texte du Traité de l'OHADA.
La procédure de référé ordinaire dont l'usage a été prescrit par ordonnance autorisant l'assignation n’exigeant pas de se conformer aux exigences du Traité de l'OHADA, c'est mal à propos que la SIB soulève les exceptions de nullité prévues dans le cadre de la procédure de contestation de saisie réglementée par le Traité de l'OHADA... »; qu'en statuant ainsi, la Cour d'Appel admet de manière explicite, dans ses motifs d'une part, la compétence du juge des référés statuant en matière d'urgence pour connaître de tout litige relatif à la saisie attribution ou mesure d'exécution, mais, d'autre part, semble lui dénier toute compétence pour connaître de l'objet de la demande, et notamment, toute action en nullité pour violation des dispositions impératives de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, alors même que le juge des référés a été en l'espèce, saisi en application des dispositions de l'article 49 dudit Acte Uniforme; que l'objet de la saisine du juge des référés sur cette base était « naturellement » de connaître de tout litige relatif aux conditions de forme et de fond de la mesure d'exécution forcée; que, par tout litige relatif à une mesure d'exécution, l'on entend toute contestation relative aux conditions de forme de l'exploit de saisie attribution et de dénonciation de saisie, tout comme celles relatives à la constatation de l'extinction de la créance du saisissant; que dès lors, la Cour d'Appel, en déclarant le juge des référés compétent pour connaître de la cause « en cas d'urgence », ne peut lui dénier toute compétence pour connaître des exceptions de nullité portant sur les exploits de saisie attribution et de dénonciation de saisie, exceptions constituant l'objet du litige ou de la demande en mainlevée; qu'en d'autres termes, c'est l'objet du litige qui détermine la compétence de la juridiction et non l'inverse, l'urgence étant une circonstance et non pas l'objet du litige; que dès lors, les motifs de l'arrêt de la Cour d'Appel sont obscurs, et ledit arrêt encourt cassation ou annulation pour obscurité et contrariété des motifs;
Attendu qu'il ressort de l'examen des pièces du dossier de la procédure, et notamment de la « requête à fin d'être autorisé à assigner en référé d'heure à heure » de la SIB, que celle-ci, pour obtenir la mainlevée de la saisie attribution de créances pratiquée à son préjudice le 12 juillet 2000 par CIENA, créancier saisissant, entre les mains de la BCEAO, tiers saisi, s'est, entre autres, prévalue de la nullité des exploits de saisie et de dénonciation de saisie en date respectivement des 12 et 14 juillet 2000 qui violeraient, selon elle, les dispositions des articles 157.1 ) et 160 de l'Acte Uniforme susvisé;
Attendu que pour déclarer « la SIB mal fondée en sa demande d'annulation des exploits susvisés », la Cour d'Appel, après avoir relevé qu' « aux termes de l'ordonnance N° 3260 du 02 août 2000 du Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, la Société Ivoirienne de Banque, dite SIB a été autorisée à assigner en référé d'heure à heure, sur le fondement des articles 221 et suivants du code de procédure civile organisant la mission et les œuvres du juge des référés statuant comme juge de l'urgence », a considéré qu' « en basant son action sur le fondement des dispositions susvisées, la SIB a nécessairement entendu recourir au juge des référés statuant en matière d'urgence... en l'espèce, la demande de la SIB tendant à voir lever le blocage irrégulier de son compte revêt le caractère d'urgence conférant compétence au juge des référés... »; que, cependant, en se prononçant sur les nullités invoquées par la requérante, la Cour d'Appel a affirmé que « la procédure de référé ordinaire dont l'usage a été prescrit par l'ordonnance autorisant l'assignation, n'exigeant pas de se conformer aux exigences du Traité OHADA, c'est mal à propos que la SIB soulève les exceptions de nullité prévues dans le cadre de la procédure de contestation de saisie réglementée par le Traité OHADA… »;
Attendu que de l'énonciation de ces motifs, il résulte que la Cour d'Appel, bien qu'ayant retenu la compétence du juge des référés statuant en matière d'urgence pour connaître de la demande de la requérante, s'est abstenue, sur le seul fondement des articles 221 et suivants du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, de se prononcer sur les nullités qui y sont invoquées, alors même que celles-ci l'ont été dans le cadre d'une contestation de saisie attribution de créances régulièrement élevée par la requérante; que, nonobstant l'application en la cause des articles précités qui traitent uniquement des procédures d'urgence et fixent en matière de référés les modalités de saisine du juge des référés, la procédure de contestation de saisie attribution de créances de laquelle procède la demande de la requérante est régie par les dispositions de l'Acte Uniforme susvisé, notamment en ses articles 49, 169 à 172; qu'aux termes de l'article 10 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, lesdites dispositions, « directement applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure », s'imposaient à la Cour d'Appel, qui était tenue de s'y conformer, et par suite, de statuer sur les nullités soulevées par la requérante; que dès lors, s'étant abstenue de le faire et ayant elle-même relevé, d'une part, qu' « en basant son action sur le fondement des dispositions susvisées [les articles 221 et suivants du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative], la SIB a nécessairement entendu recourir au juge des référés statuant en matière d'urgence ...en l'espèce, la demande de la SIB tendant à voir lever le blocage irrégulier de son compte revêt le caractère d'urgence conférant compétence au juge des référés... », alors, au demeurant, qu'il résulte des dispositions de l'article 49 de l'Acte Uniforme susvisé, seules applicables en l'espèce, que le juge des référés statuant en matière d'urgence est compétent « pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée », la Cour d'Appel ne pouvait sans se contredire, affirmer, à tort, d'autre part, que « la procédure de référé ordinaire dont l'usage a été prescrit par ordonnance autorisant l'assignation, n'exigeant pas de se conformer aux exigences du Traité de l'OHADA, c'est mal à propos que la SIB soulève les exceptions de nullité prévues dans la procédure de contestation de saisie réglementée par le Traité de l'OHADA »; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision; qu'il échet en conséquence, de casser l'arrêt attaqué et d'évoquer sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens;
Sur l'évocation
Attendu que par exploit en date du 30 août 2000, la SIB a relevé appel de l'ordonnance de référé N° 3116 rendue le 18 août 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan et dont le dispositif est ainsi conçu :
« Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais à présent, vu l'urgence;
Nous déclarons incompétent;
– Condamnons la SIB aux dépens »;
Attendu que dans ses conclusions en cause d'appel en date du 7 septembre 2000, la SIB a demandé de déclarer recevable, comme ayant été fait dans les forme et délai légaux, l'appel qu'elle a relevé de l'ordonnance de référé N° 3116 du 18 août 2000 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan et d'infirmer purement et simplement ladite ordonnance, motifs pris de ce que, d'une part, sur la compétence du juge des référés ou juge des urgences, il ressort des dispositions combinées des articles 169 et 172 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, que la juridiction compétente en matière de contestation reste le Tribunal, dont la décision est susceptible d'appel dans un délai de 15 jours; qu'au niveau du Tribunal, le juge des urgences reste le Président du Tribunal, ainsi que cela ressort expressément des articles 49 de l'Acte Uniforme précité et 221 du code de procédure civile; qu'en l'espèce, il est constant que suivant exploit d'huissier en date du 12 juillet 2000, CIENA a pratiqué saisie attribution sur les comptes de la SIB dans les livres de la BCEAO, et il est également établi que dans l'exploit de dénonciation en date du 14 juillet 2000 délaissé à la SIB, CIENA, se soumettant aux dispositions impératives de l'article 160 de l'Acte Uniforme précité, a indiqué que la juridiction compétente était le Tribunal de Première Instance d'Abidjan, sans ignorer que le juge des urgences de cette juridiction reste le Président du Tribunal; que dès lors, le juge des référés, en se déclarant incompétent pour connaître d'une instance en contestation et en fondant sa décision sur l'article 222 du code de procédure civile, a erré; qu'en d'autres termes, il a fait une confusion entre les instances en contestation de saisie attribution de créances et les instances relatives aux difficultés d'exécution, les premières ayant pour objet de soumettre au juge, toute contestation ou litige relatif aux conditions de forme et de fond des mesures d'exécution, alors que les secondes concernent les litiges se rapportant à la formule exécutoire attachée au titre; qu'en tout état de cause, la juridiction compétente pour traiter de manière urgente de toute contestation relative à la saisie attribution de créances, est la juridiction des référés; que, d'autre part, se prévalant de la violation des articles 157.1) et 160 alinéa 5 de l'Acte Uniforme précité, la SIB a demandé de déclarer nuls les exploits de saisie et de dénonciation de saisie, en ce qu'ils ne contiennent respectivement « aucune mention de la forme du débiteur saisi, la Société Ivoirienne de Banque » ni « la preuve des mentions à porter verbalement à la connaissance du débiteur, ni celle de ce que le débiteur a effectivement reçu lecture de la mention à porter à sa connaissance »; que toutes ces mentions étant prescrites à peine de nullité, la SIB a sollicité la mainlevée de ladite saisie; qu'enfin, la SIB a formulé une exception de compensation et, à cet effet, a énoncé que par arrêt N° 104 du 04 juillet 1990, la Cour d'Appel de Bouaké a confirmé le jugement N° 173 du 27 juin 1986 du Tribunal de Première Instance de Bouaké condamnant Monsieur Bokossa Babadjide Célestin et CIENA à lui payer la somme de 19.177.016 FCFA en principal, outre les intérêts et frais; que suite à ces décisions, CIENA et Monsieur Bokossa Célestin lui doivent au total 58.133.143 FCFA, soit 19.177.016 FCFA en principal et 38.956.127 FCFA au titre des intérêts de droit; que la SIB elle-même ayant été condamnée à payer à CIENA, suivant arrêt N° 69 en date du 25 mars 1992 de la Cour d'Appel de Bouaké, la somme de 22.783.000 FCFA et les intérêts produits par ladite somme à ce jour, étant de 28.542.372 FCFA, le montant total de la créance de CIENA s'élève donc à 51.325.372 FCFA; qu'en l'absence de toute décision de justice autorisant la capitalisation des intérêts échus, CIENA ne peut appliquer l'anatocisme, et dès lors, par application du mécanisme de la compensation, les deux créances réciproques s'opposent, et il en ressort un solde créditeur de 6.807.771 FCFA en faveur de la SIB; que c'est en faisant usage de ce mécanisme que la SIB a, par exploit d'huissier en date du 16 septembre 1998, pratiqué saisie attribution entre ses propres mains; que ladite saisie a été dénoncée à CIENA le 22 septembre 1999 et, le 18 février 1999, la SIB lui signifiait un certificat de non contestation de saisie suivie d'une sommation de payer; qu'ainsi, la créance de CIENA étant éteinte par le mécanisme de la compensation, c'est mal à propos qu'il a pratiqué saisie attribution sur ses comptes à la BCEAO; qu'il échet par suite, d'en ordonner mainlevée; qu'en conséquence, après infirmation de l'ordonnance querellée, la SIB demande de :
– dire et juger que l'exploit de dénonciation a été délaissé en violation des dispositions de l'article 160 alinéas de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
– dire et juger nul, de nullité absolue, l'exploit de saisie attribution en date du 12 juillet 2000 pour violation de l'article 157 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
– conséquemment, ordonner la mainlevée de la saisie attribution en date du 12 juillet 2000;
– dire et juger que la SIB et CIENA ont deux (02) créances réciproques qui s'opposent, d'où il ressort un solde créditeur de six millions huit cent sept mille sept cent soixante onze FCFA (6.807.771 FCFA) en faveur de la SIB;
– constater que la SIB a pratiqué saisie-arrêt entre ses propres mains pour sûreté, conservation et avoir paiement de son dû;
– constater que CIENA n'a élevé aucune contestation à ladite saisie;
– conséquemment, sa créance est éteinte par le mécanisme de la compensation;
– et partant, ordonner la mainlevée de la saisie attribution pratiquée par CIENA;
– condamner CIENA aux entiers dépens distraits au profit de la SCPA Abel KASSI & Associés, Avocats aux offres de droit;
Attendu que pour sa part, dans ses conclusions en date du 19 septembre 2000, CIENA a plaidé principalement en la forme, l'irrecevabilité de l'appel de la SIB pour forclusion, aux motifs que ledit appel, relevé le 30 août 2000 de l'ordonnance de référé N° 3116 a été interjeté, en violation des dispositions de l'article 228 du code de procédure civile, après le délai de 8 jours prévu par ledit article; que, subsidiairement au fond, CIENA a demandé la confirmation de ladite ordonnance, aux motifs que le 12 juillet 2000, relativement au recouvrement d'une créance de 115.760.101 FCFA que la SIB lui devait, il avait pratiqué saisie attribution sur les fonds de la SIB détenus par la BCEAO; que ladite saisie ayant été régulièrement dénoncée à la SIB le 14 juillet 2000, celle-ci l'assignait en contestation de saisie le 21juillet 2000; que toutefois, sans procéder à l'enrôlement de cette assignation, la SIB, « abandonnant la procédure prescrite par les dispositions du Traité de l'OHADA », a assigné CIENA en référé d'heure à heure, et le juge des référés s'est alors déclaré incompétent à juste raison; que par ailleurs, la Cour Suprême de Côte d'Ivoire ayant, par arrêt N° 184/97 en date du 23 juillet 1997, ordonné la reprise automatique des poursuites entreprises contre la SIB, le juge des référés ne pouvait en l'espèce que se déclarer incompétent, en application des dispositions de l'article 222 du code de procédure civile; qu'en outre, suite à une instance en compensation introduite par la SIB, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan s'est déclaré également incompétent; que dès lors, les prétentions de la SIB ne reposant sur aucun fondement juridique sérieux, il échet de les déclarer mal fondées et, en conséquence, confirmer l'ordonnance querellée;
Attendu que dans ses conclusions non datées en réplique à celles prises par CIENA, la SIB, sur la recevabilité de l'appel, a conclu qu'aux termes de l'article 172 de l'Acte Uniforme précité, « la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d'appel dans les quinze (15) jours de sa notification... »; qu'il résulte expressément de cette disposition, que le délai d'appel est de quinze jours et court à compter de la notification de la décision entreprise; qu'en l'espèce, l'appel ayant été interjeté le 30 août 2000 sans que la décision ait été notifiée, c'est mal à propos que CIENA tente de faire croire à l'irrecevabilité dudit appel, alors que les dispositions des articles 221 et 222 du code de procédure civile, qu'il invoque, n'ont pas vocation à s'appliquer en la matière; qu'il échet par conséquent, de passer outre l'exception d'irrecevabilité excipée par CIENA et rejeter du débat ses conclusions du 19 septembre 2000, pour dépôt tardif et violation des dispositions impératives de l'article 228 nouveau du Code de procédure civile et, en conséquence, lui adjuger l'entier bénéfice de ses écritures;
Sur la tardiveté de l'appel de la SIB
Attendu qu'il est constant comme résultant des pièces du dossier, que la procédure de saisie attribution de créances initiée par CIENA le 12 juillet 2000 au préjudice de la SIB et celle relative à la contestation de la même saisie élevée par la SIB et ayant abouti à l'ordonnance de référé N° 3116 du 18 août 2000, dont appel, ont été exercées sous l'empire des dispositions de l'Acte Uniforme susvisé;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 28, 336 et 337 de l'Acte Uniforme susvisé, que celui-ci a édicté des règles de fond et de procédure qui, aux termes du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, sont seules applicables en cette matière dans les Etats parties, « nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure »; qu'ainsi, l'article 172 du même Acte Uniforme ayant énoncé que « la décision de la juridiction tranchant la contestation est susceptible d'appel dans les quinze jours de sa notification... », c'est donc le délai fixé par cette disposition qui doit être considéré pour apprécier la recevabilité de l'appel; que dès lors, l'exception soulevée par CIENA, exclusivement fondée sur la violation de l'article 228 du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, est irrecevable;
Sur la compétence du juge des référés
Attendu qu'il ressort de l'analyse ci-dessus du moyen de cassation retenu, que l'article 49 de l'Acte Uniforme susvisé confère au « Président de la juridiction statuant en matière d'urgence ou au magistrat délégué par lui » compétence « pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée... »; qu'en vertu de cette disposition, le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, statuant en référé d'heure à heure, était bien compétent pour statuer en matière de contestation de saisie attribution de créances sur la mainlevée de ladite saisie; qu'il s'ensuit qu'en se déclarant « incompétent à connaître de la contestation formée par la SIB à l'encontre de la saisie attribution en date du 12 juillet 2000 pratiquée à la requête de CIENA... », aux motifs que « … l'article 222 alinéa 2 du code de procédure civile fait interdiction aux ordonnances de référé de faire grief à une décision rendue par une juridiction supérieure; dès lors, ordonner la mainlevée sollicitée reviendrait à anéantir l'arrêt suscité de la Cour Suprême », alors que la Cour Suprême avait seulement ordonné dans son arrêt N° 184/97 du 23 juillet 1997, auquel il est fait référence, « la reprise automatique des poursuites entreprises contre la SIB, en vertu de l'arrêt N° 69 en date du 25 mars 1992 de la Cour d'Appel de Bouaké, Chambre Civile et Commerciale », sans se prononcer sur la régularité ou la validité de la saisie attribution de créances exercée dans le cadre de cette « reprise automatique des poursuites », le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a, à tort, méconnu sa compétence; qu'il échet en conséquence, d'infirmer en toutes ses dispositions, l'ordonnance querellée et de statuer sur les mérites des demandes formulées par la SIB;
Sur la nullité de l'exploit de saisie attribution de créances fondée sur la violation de l'article 157.1) de l'Acte Uniforme susvisé :
Attendu que l'article 157.1) de l'Acte Uniforme susvisé dispose : « Le créancier procède à la saisie par un acte signifié au tiers par l'huissier ou l'agent d'exécution;
Cet acte contient, à peine de nullité :
1) l'indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s'il s'agit de personnes morales, de leur forme, dénomination et siège social »;
Attendu que l'exploit de saisie attribution de créances du 12 juillet 2000 signifié par CIENA à la BCEAO, tiers saisi, mentionne pour toutes indications relatives à la SIB, débiteur saisi, ce qui suit : « la Société Ivoirienne de Banque en abrégé SIB, N° de compte... »; que la SIB étant une personne morale, ni sa forme ni son siège social n'ont été indiqués comme l'exige l'article 157.1) sus-énoncé de l'Acte Uniforme susvisé, qui sanctionne ces omissions de nullité; qu'il s'ensuit que ledit exploit, établi en violation de la disposition sus-énoncée, doit être déclaré nul; qu'ayant servi de base à la saisie attribution de créances initiée par CIENA, celle-ci doit également être déclarée nulle, et il échet en conséquence, d'en ordonner mainlevée;
Sur la nullité de l'exploit de dénonciation de saisie fondée sur la violation de l'article 160 de l'Acte Uniforme susvisé :
Attendu que la saisie attribution de créances pratiquée par CIENA étant nulle, il n'y a pas lieu de se prononcer sur la nullité de l'exploit de dénonciation de saisie;
Sur l'exception de compensation :
Attendu qu'il ressort des pièces du dossier de la procédure, que la SIB, par exploit d'assignation en date du 11 mars 1999, a saisi le Tribunal de Première Instance d'Abidjan d'une demande en compensation et reddition de compte, sur laquelle ledit Tribunal s'est déclaré, par jugement N° 11 du 12 janvier 2000, « territorialement incompétent »; qu'à l'analyse, cette demande a le même objet et est relative aux mêmes créances réciproques dont fait état présentement la SIB; que le jugement précité n'ayant fait l'objet d'aucun recours et étant ainsi devenu définitif, il échet en conséquence, de déclarer l'exception de compensation de la SIB irrecevable;
Attendu que CIENA ayant succombé, doit être condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– Casse l'arrêt N° 48 rendu le 21 janvier 2001 par la Cour d'Appel d'Abidjan;
Evoquant et statuant sur le fond :
– Déclare irrecevable la demande de forclusion tirée de la tardiveté de l’appel relevé par le Complexe Industriel d’Elevage et de Nutrition Animale, dit CIENA;
– Dit que le Juge des référés est compétent en l'espèce pour statuer;
– Infirme en conséquence en toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé N° 3116 du 18 août 2000 rendue par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan;
– Dit que l'exploit de saisie attribution en date du 12 juillet 2000 étant nul, ladite saisie est également nulle;
– Ordonne en conséquence mainlevée de ladite saisie;
– Déclare irrecevable l'exception de compensation de la Société Ivoirienne de Banque, dite SIB;
– Condamne le Complexe Industriel d'Elevage et de Nutrition Animale, dit CIENA, aux dépens.
– Président : M. Seydou BA.
Note
La saisie attribution pratiquée par la CIENA entre les mains de la BCEAO, étant contestée par la SIB, il se posait à la CCJA deux problèmes :
D'une part, quel est le juge compétent pour connaître de la mainlevée de la saisie attribution; d'autre part, l'exploit de saisie attribution de créances était-il valable ?
1 - Le juge compétent pour connaître de la mainlevée de la saisie attribution de créance :
En décidant que le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, statuant en référé d'heure à heure, est bien compétent pour connaître de la mainlevée de la saisie attribution litigieuse, sur le fondement de l'article 49 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution, la CCJA ne fait que confirmer et conforter sa jurisprudence sur la question. (voy. arrêts N°s 4 du 10 janvier 2002, juris OHADA N° 2/02 p 18; 21 du 26 décembre 2002, juris OHADA N°1/03 p 9; 12 du 18 avril 2002 Juris OHADA N°3/02, p 10; 11 du 19 juin 2003, Juris OHADA N°3/03 p 26). Dès lors, en se déclarant incompétent, le Président du Tribunal a, à tort, méconnu sa compétence, car l'article 49 suscité lui donne pouvoir pour statuer sur tout litige ou toute autre demande relative à une mesure d'exécution forcée.
Il était par conséquent compétent pour connaître des exceptions de nullité soulevées par le débiteur saisi. En décidant autrement, la Cour d'Appel n'a pas donné de base légale à sa décision. Ce qui a justifié la cassation de ladite décision.
2 - La validité de l'exploit de saisie attribution de créance :
L'exploit de saisie attribution contenait-elle mentions prescrites par l'article 157-1 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution ?
En effet, conformément à l'article suscité, l'exploit doit indiquer les noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s'il s'agit de personnes morales, de leur forme, dénomination et siège social.
Il en résulte qu'en l'espèce, le débiteur saisi étant une personne morale, sa forme et son siège social devraient être indiqués dans l'exploit. Or, il ressort de l'analyse du dossier, que ces mentions ont été omises de l'exploit ayant servi de base à la saisie attribution de créances pratiquée par la CIENA.
L'omission étant sanctionnée par la nullité, l'exploit doit être déclaré nul. La nullité s'étend à la saisie attribution, de sorte que la mainlevée doit être ordonnée.
Là encore, la CCJA, en sanctionnant l'omission par la nullité de l'exploit de saisie attribution de créances, ne fait que consolider sa jurisprudence en la matière (voy. arrêt N° 8 du 21 mars 2002, juris OHADA N° 4/02 p 29; Pour la nullité d'un PV constatant une saisie attribution, arrêt N° 7 du 21 mars 2002, p. 4).
BROU Kouakou Mathurin