J-04-121
Voies d'exécution – Saisie immobilière – Voies de recours – Appel Conditions – Jugement n'ayant pas statué dans les cas légaux énumérés -Recevabilité (NON).
L 'appel interjeté contre un jugement rendu en matière de saisie immobilière n’est pas recevable, dès lors que ledit jugement n'a statué ni sur le principe même de la créance, ni sur aucun des moyens de fond énumérés limitativement par l'article 300 de l'Acte Uniforme portant voies d’exécution.
Article 300 AUPSRVE
Article 301 AUPSRVE
Article 335 AUPSRVE
(CCJA, ARRET N° 21/2003 du 06 novembre 2003, Société Civile Immobilière « COD » contre La Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale dite CBAO S.A, Le Juris-Ohada, n° 4/2003, octobre-décembre 2003, p. 26, note Brou Kouakou Mathurin.- Recueil de jurisprudence CCJAn° 2, juillet-décembre 2003, p. 10).
Sur le pourvoi enregistré au greffe de la Cour de céans le 30 mai 2002, sous le N° 026/2002/PC, formé par Maître Ousmane DIAGNE, Avocat à la Cour, 141, Avenue Lamine Guèye à Dakar (SENEGAL), et pour le compte de la Société Civile Immobilière « COD », dans la cause opposant celle-ci à la Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale dite CBAO, Société Anonyme dont le siège est à Dakar, 1, place de l'Indépendance, ayant pour Conseils Maîtres François SARR et Associés, Avocats à la Cour, 33, Avenue Léopold Sedar Senghor à Dakar (SENEGAL), en cassation de l'arrêt N° 252 rendu le 26 avril 2001 par la Chambre Civile et Commerciale de la Cour d'Appel de Dakar (République du SENEGAL), et dont le dispositif est le suivant :
« Statuant publiquement, contradictoirement en matière de criées et en dernier ressort;
– Déclare l'appel irrecevable;
– Condamne la Société Civile Immobilière « COD » aux dépens »;
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation tel qu'il figure à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur Antoine Joachim OLIVEIRA, Second Vice Président :
Vu les dispositions des articles 13 et 14 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu, selon les pièces de la procédure, que par deux actes notariés ayant pour dates les 14 octobre 1993, 12 janvier 1994 et les 11 et 19 décembre 1996, la Compagnie Bancaire de l'Afrique Occidentale dite CBAO S,A. a accordé à la Société Nouvelle Brasseries Africaines dite NBA, deux ouvertures de crédit en comptes courants garanties par deux cautionnements hypothécaires souscrits par la Société Civile Immobilière « COD », portant sur la valeur de deux de ses immeubles, objet des titres fonciers N° 25964 DG et 10821 des Communes de Dakar et Gorée; qu'en raison de la défaillance, d'une part, de la société NBA, laquelle avait été ultérieurement mise en liquidation des biens par jugement N° 1538 du 08 août 2000 rendu par le Tribunal Régional Hors classe de Dakar, et, d'autre part, de la société « COD » , la CBAO S.A. a fait délivrer contre cette dernière, le 10 octobre 2000, un commandement aux fins de saisie réelle des deux immeubles désignés ci-dessus;
Que la « COD » a déposé, en vue de l'audience éventuelle prévue par l'article 270 alinéa 1er de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées et des voies d'exécution, des dires tendant à la nullité de la procédure de saisie immobilière engagée et fondés sur les articles 75 et 150 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, interdisant toutes les voies d'exécution tendant à obtenir le paiement des créances, exercées par les créanciers contre le débiteur objet de la procédure collective de liquidation de biens; que par jugement N° 27 du 02 janvier 2001, le Tribunal Hors classe de Dakar a rejeté ces dires comme ayant été déposés hors délai; que la « COD » a relevé appel dudit jugement devant la Cour d'Appel de Dakar, laquelle a, par arrêt N° 252 du 26 avril 2001 dont pourvoi, déclaré irrecevable cet appel;
SUR LE MOYEN UNIQUE
Vu l'article 300 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré l'appel irrecevable, alors que, selon le moyen, l'appréciation de la recevabilité de l'appel ne devait intervenir qu'après celle de la recevabilité des dires; d'où il suit qu'en déclarant, par application de l'article 300 de l'Acte Uniforme susvisé, irrecevable l'appel sans avoir examiné le « motif soulevé par le premier juge pour rendre sa décision, ce qui l'a privé de voir ses dires examinés au fond, alors que c'est cet examen au fond qui déterminait la recevabilité de l'appel », la Cour d'Appel de Dakar a fait une mauvaise application des articles 311 alinéa 1er, 335 et 300 dudit Acte Uniforme;
Mais attendu que l'article 300 alinéas 1 et 2 susvisé, relatif à l'exercice des voies de recours contre les décisions rendues en matière de saisie immobilière, dispose qu' « elles ne peuvent être frappées d'appel que lorsqu'elles statuent sur le principe même de la créance ou sur des moyens de fond tirés de l'incapacité d'une partie, de la propriété, de l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens saisis »;
Attendu qu'en l'espèce, le jugement N° 27 du 02 janvier 2001 n'a statué ni sur le principe même de la créance, ni sur aucun des moyens de fond énumérés limitativement par l'article 300 précité; que par conséquent, l'appel interjeté dudit jugement par la « COD » n'étant pas recevable, la Cour d'Appel de Dakar a fait une saine application de l'article 300 susvisé; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli;
Attendu que la Société Civile Immobilière « COD » ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, après en avoir délibéré :
– Rejette le pourvoi;
– Président : M. Seydou BA.
Note
A quelles conditions est recevable l'appel interjeté contre un jugement ayant rejeté les dires tendant à la nullité d'une procédure de saisie immobilière ?
Tel est le problème soumis à la CCJA, et qui rentre dans le cadre général des incidents de la saisie immobilière, à travers les articles 298 et suivants de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution.
Aux termes de l'article 300, les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière ne sont pas susceptibles d'opposition. Elles ne peuvent être frappées que d'appel, mais dans des conditions très précises, lorsque la décision statue :
– sur le principe même de la créance
– ou sur des moyens de fond tirés de l'incapacité de l'une des parties, de la propriété, de l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens saisis
Ce qui exclut donc les incidents concernant la régularité formelle de la procédure de saisie immobilière (voy. Anne-Marie H. Assi-Esso et Ndiaw Diouf, OHADA, Recouvrement des créances, Bruylant, éd. 2002. N° 547 et ss p 231).
Qu'en est-il en l'espèce ?
Devant la défaillance du débiteur et de la caution, le créancier fait délivrer à celle-ci un commandement aux fins de saisie réelle, des immeubles donnés en garantie au recouvrement du crédit consenti au débiteur.
Des dires tendant à la nullité de la procédure de saisie immobilière sont déposés par la caution, en vue de l'audience éventuelle. Ils sont rejetés par le Tribunal comme ayant été déposés hors délai. La caution réelle relève appel dudit jugement, et la Cour d'Appel de Dakar déclare irrecevable ledit appel.
C'est cet arrêt qui fait l'objet du pourvoi en cassation devant la CCJA, pour mauvaise application des articles 301 a1. 1, 335 et 300 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution, car selon le demandeur au pourvoi, l'appréciation de la recevabilité de l'appel ne devait intervenir qu'après celles des dires.
Après examen, la CCJA rejette le pourvoi, motifs pris de ce que le jugement frappé d'appel n'a statué ni sur le principe même de la créance, ni sur aucun des moyens de fond énumérés limitativement par l'article 300 de l'Acte suscité.
Le moyen invoqué est de pure forme, car relatif au délai de dépôt des dires. Il en résulte que le jugement frappé d'appel n'est pas de ceux prévus par l'article 300.
En confirmant l'arrêt de la Cour d'Appel de Dakar, la CCJA invite encore une fois les justiciables et leurs conseils, à apprendre à connaître davantage les Actes Uniformes OHADA, et particulièrement, celui relatif aux voies d'exécution, qui comporte beaucoup de subtilités, avec la saisie immobilière.
BROU Kouakou Mathurin