J-04-122
Recouvrement de créance – Injonction de payer – Requête – Mentions – Personne morale – Dénomination sociale indiquée par le cachet apposé sur la requête – Respect des exigences légales (Oui).
Voies d'exécution – Sursis à exécution – Mesure prévue par le traité ou le règlement de procédure de la CCJA (non) – Incompétence de la CCJA.
La requête aux fins d’injonction de payer contient bien la dénomination sociale de la personne morale, dès lors qu’il a été apposé, indiquant en toutes lettres, la dénomination sociale.
La CCJA est incompétente à connaître d’une demande de sursis à exécution, dès lors qu’aucune disposition, ni du Traité OHADA, ni du Règlement de Procédure, ne lui permet d'ordonner le sursis à l’exécution d’une décision rendue par une juridiction nationale.
(CCJA, ARRET N° 20/2003 du 06 novembre 2003, CI-TELCOM devenue Côte d'ivoire TELECOM contre Société Ivoirienne d'Assurances Mutuelles dite SIDAM, Le Juris-Ohada, n° 4/2003, octobre- décembre 2003, p. 29, note Brou Kouakou Mathurin.- Recueil de jurisprudence CCJA, n° 2, juillet-décembre 2003, p. 5).
1°) Sur le renvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l'affaire Société Côte d'Ivoire TELECOM contre Société Ivoirienne d'Assurances Mutuelles dite SIDAM, par arrêt N° 623/01 en date 14 novembre 2001 de la Cour Suprême, Chambre judiciaire, formation civile de Côte d'Ivoire, saisie d'une requête aux fins de sursis à l'exécution de l'arrêt N° 748 rendu le 15 juin 2001 par la Cour d'Appel d'Abidjan; requête formulée le 17 août 2001 par Maître BOKOLA Lydie Chantal, Avocat à la Cour d'Appel d'Abidjan, y demeurant 15, Avenue du Docteur Crozet, immeuble SCIA no 09, 2ème étage, porte 20, 01 B.P. 2722 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de Côte d'Ivoire TELECOM;
2°) Sur le renvoi, en application de l'article 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique, devant la Cour de céans, de l'affaire Société Côte d'Ivoire TELECOM contre Société Ivoirienne d'Assurances Mutuelles dite SIDAM, par arrêt N° 158/02 en date du 14 février 2002 de la Cour Suprême, Chambre judiciaire, formation civile de Côte d'Ivoire, saisie d'un pourvoi initié le l6 août 2001 par Maître BOKOLA Lydie Chantal, Avocat à la Cour d’appel d’Abidjan y demeurant 15, Avenue du Docteur Crozet, immeuble SCIA n° 09, 2ème étage, porte 20, 01 B.P. 2722 Abidjan 01, agissant au nom et pour le compte de la Société Côte d'Ivoire TELECOM, en cassation de l'arrêt N° 748 rendu par la Cour d'Appel d'Abidjan le 15 juin 2001, au profit de la Société d'Assurances Mutuelles dite SIDAM, demeurant à Abidjan Plateau, 34 Avenue Houdaille, immeuble SIDAM, 01 B.P. 1217 Abidjan 01, arrêt dont le dispositif est le suivant :
« En la forme :
– Déclare la SIDAM recevable en son appel régulier;
Au fond :
– L'y dit bien fondée;
– Infirme le jugement entrepris;
– Rejette l'exception d'irrecevabilité de la requête aux fins d'injonction de payer;
– Dit qu'il n'y a pas déni de justice;
– Restitue à l'ordonnance d'injonction de payer N° 7110/99 du 25 novembre 1999, son plein et entier effet;
– Condamne la CI-TELECOM aux dépens ».
La requérante invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation tels qu'ils figurent à la requête annexée au présent arrêt;
Sur le rapport de Monsieur le Juge Doumssinrinmbaye BAHDJE :
Vu les articles 13, 14 et 15 du Traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique;
Vu les dispositions du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA;
Attendu que l'affaire objet de la requête aux fins de sursis à exécution est connexe à celle renvoyée par la Cour Suprême de Côte d'Ivoire par son arrêt N° 158 du 14 février 2002; qu'il échet en conséquence, de joindre les deux procédures pour y être statué par une même décision;
Attendu que de l'examen des pièces des dossiers de la procédure, il ressort que par ordonnance d'injonction de payer N° 7110/99 du 25 novembre1999, le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan a condamné la Société Côte d'Ivoire TELECOM à payer à la Société Ivoirienne d'Assurances Mutuelles dite SIDAM, la somme de 71.547.267 FCFA, au titre de primes dues dans le cadre d'une Convention d'assurances dite « Maladie protection sociale » signée par Côte d'Ivoire TELECOM, en vue d'assurer la couverture médicale de son personnel estimé à 3.201 personnes; que Côte d'Ivoire TELECOM a fait opposition à l'exécution de cette ordonnance, motif pris de ce que la somme réclamée était contestable, car du fait du retrait de nombreux agents en cours d'exécution du contrat, pour cause de décès, licenciement, démission et retraite, l'assiette de la couverture sociale a été considérablement modifiée; que par jugement N° 442 du 29 mai 2000, le Tribunal de Première Instance d'Abidjan a rétracté ladite ordonnance pour créance incertaine; que sur appel de la SIDAM, la Cour d'Appel d'Abidjan, par arrêt N° 748 du 15 juin 2001, a annulé le jugement précité et restitué à l'ordonnance N° 7110/99 du 25 novembre 1999, son plein et entier effet; que Côte d'Ivoire TELECOM a, par exploit du 16 août 2001, formé un pourvoi en cassation contre l'arrêt N° 748 du 15 juin 2001 de la Cour d'Appel; qu'elle a ensuite présenté au Président de la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, une requête aux fins de sursis à l'exécution de ce même arrêt; que par ordonnance N° 177/C S/JP/2001 du 27 août 2001, le Président de la Cour Suprême a suspendu l'exécution de l'arrêt N° 748 du 15 juin 2001; que le 14 novembre 2001, la Cour Suprême a rétracté l'ordonnance présidentielle N° 177/CS/JP/2001 du 27 août 2001 et s'est dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans; que le 14 février 2002, la Cour Suprême s'est également dessaisie du dossier objet du pourvoi en cassation formé par Côte d'Ivoire TELECOM;
Sur la demande de sursis à exécution
Attendu que Côte d'Ivoire TELECOM a demandé à la Cour Suprême de Côte d'Ivoire, sur le fondement de l'article 214 nouveau du code ivoirien de procédure civile, commerciale et administrative, le sursis à l'exécution de l'arrêt N° 748 du 15 juin 2001 de la Cour d'Appel d'Abidjan, aux motifs suivants :
– l'exécution de l'arrêt est de nature à entraîner pour elle, des conséquences excessives et des préjudices irréparables pouvant même porter atteinte à l'ordre public;
– la SIDAM sera dans l'impossibilité de lui restituer les sommes indûment perçues si l'arrêt est exécuté avant la décision définitive de la Cour Suprême;
– cette exécution la mettra dans l'impossibilité de faire face à ses obligations et d'honorer ses engagements vis-à-vis de l'Etat de Côte d'Ivoire, dans le cadre de la convention de concession;
Attendu que la Cour Suprême a rétracté l'ordonnance présidentielle N° 177/CS/JP/2001 du 27 août 2001 ayant suspendu l'exécution de l'arrêt N° 748 en date du 15 juin 2001 de la Cour d'Appel d'Abidjan, et s'est ensuite dessaisie du dossier au profit de la Cour de céans;
Attendu qu'aucune disposition ni du Traité susvisé, ni du Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, ne permet à celle-ci d'ordonner le sursis à l'exécution d'une décision rendue par une juridiction nationale; qu'il y a lieu, dès lors, de se déclarer incompétente à connaître de la demande de sursis à exécution formulée par Côte d'Ivoire TELECOM;
Sur le pourvoi dirigé contre l'arrêt N° 748 du 15 juin 2001
Sur le premier moyen pris en sa première branche
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt déféré d'avoir violé les dispositions de l'article 4 alinéa 1 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution, pour n'avoir pas, selon la requérante, sanctionné le défaut d'indication, par la SIDAM, de sa dénomination sociale dans sa requête aux fins d'injonction de payer;
Mais attendu que l'examen de la requête aux fins d'injonction de payer fait apparaître clairement qu'il a été apposé un cachet indiquant en toutes lettres la dénomination sociale, à savoir “Société Ivoirienne d'Assurances Mutuelles”; qu'ainsi et contrairement aux affirmations de la demanderesse au pourvoi, la requête contient bien la dénomination sociale de la SIDAM; qu'il s'ensuit que le moyen pris en sa première branche manque en fait et doit être rejeté;
Sur le premier moyen pris en sa seconde branche
Attendu qu'il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir violé les dispositions de l'article 4 alinéa 2 du même Acte Uniforme pour n'avoir pas, selon la requérante, relevé la nullité de la requête aux fins d'injonction de payer, alors que celle-ci ne contient pas le décompte des différents éléments de la créance;
Mais attendu que la requérante ne prouve pas avoir soutenu devant le juge du fond le moyen dont elle fait état à l'appui de son pourvoi; que ce moyen nouveau, mélangé de fait et de droit, doit être déclaré irrecevable;
Sur le second moyen
Attendu qu'il est également reproché à l'arrêt déféré d'être mal motivé, en ce qu'il a retenu que « la base de calcul de la créance serait justifiée, car il appartient à Côte d'Ivoire TELECOM de communiquer à temps à la SIDAM, la liste des adhérents sortis »; que toujours selon le moyen, en tenant un tel raisonnement, la haute juridiction n'a pas donné une base légale à sa décision, caractérisée par l'obscurité et l'insuffisance de motifs;
Mais attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué, que c'est après avoir souverainement apprécié les faits que la Cour d'Appel a conclu que la base de calcul était justifiée; qu'il n'y a ni insuffisance de motifs ni obscurité; qu'il s'ensuit que le moyen doit être rejeté;
Attendu que la requérante ayant succombé, doit être condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après en avoir délibéré :
– Se déclare incompétente sur la demande de sursis à exécution;
– Rejette le pourvoi;
– Président : M. Seydou BA.
Note
L'arrêt rendu par la CCJA est intéressant à plus d'un titre.
D'abord, elle se déclare incompétente à connaître d'une demande de sursis à l'exécution d'une décision rendue par une juridiction nationale.
Ensuite, elle précise que l'indication de la dénonciation sociale d'une personne morale, dans la requête aux fins d'injonction de payer, ne s'entend pas seulement de la mention manuscrite, mais l'apposition du cachet de la société indiquant en toutes lettres, la dénomination, suffit.
1 - L'incompétence de la CCJA à ordonner le sursis l'exécution d'une décision :
En se déclarant incompétente à connaître de la demande de sursis à exécution formulée par Côte d'Ivoire TELECOM, la CCJA ne fait que tirer les conséquences des décisions antérieures rendues quant à l'application des articles 180, 181 et 214 du Code de Procédure Civile Ivoirien. En effet, depuis l'arrêt du 11 octobre 2002, la CCJA décide qu'en application de l'article 10 du Traité OHADA, les articles 180, 181 et 214 du Code de Procédure Civile Ivoirien ne sont plus applicables en matière d'exécution forcée, car violent l'article 32 de l'Acte portant voies d'exécution (sur la question, cf. notre article sur le bilan de l'application des Actes Uniformes par la CCJA, in juris OHADA N° 3/03 p.7 et ss.).
Il faut relever que pour permettre à la CCJA de se prononcer sur la demande de sursis à l'exécution, la Cour Suprême a rétracté d'abord l'ordonnance présidentielle qui avait suspendu l'exécution de la décision, et s'est dessaisie du dossier, objet du pourvoi, et l'a renvoyé devant la CCJA.
Il semble que la Cour Suprême a tiré les conséquences de l'arrêt de cassation de la CCJA du 11 octobre 2001.
Ce qui conforte la CCJA dans son interprétation de l'article 32 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution.
Ainsi, la CCJA vient d'affirmer de façon claire et sans équivoque, qu'elle est incompétente à connaître de la demande de sursis à exécution, une telle mesure n'étant prévue par aucune disposition ni du Traité, ni du Règlement de Procédure.
Il revient alors aux Etats parties d'y réfléchir, quand on sait qu'il y a des décisions dont l'exécution peut être de nature à troubler l'ordre public.
Si rien n'est prévu pour donner compétence en pareille hypothèse à la CCJA, c'est l'ordre public des Etats parties qui en sortirait affaibli.
2 - La dénomination sociale des personnes morales :
Aux termes de l'article 4 de l'Acte Uniforme portant recouvrement simplifié de créances, la requête aux fins d'injonction de payer doit contenir, à peine d'irrecevabilité, pour les personnes morales, notamment leur dénomination.
Comment doit-elle être indiquée ?
A priori, on pourrait, dans la mesure où l'indication se fait dans la requête, penser à l'inscription pure et simple de la dénomination de la personne morale.
Mais l'arrêt de la CCJA vient préciser que le cachet apposé sur la requête et qui indique en toutes lettres, la dénomination, vaut indication de celle-ci.
Ainsi, par cet arrêt, le justiciable OHADA doit comprendre d'une part, que tant que le Traité ou le Règlement de Procédure ne sont pas modifiés dans ce sens, la CCJA ne peut ordonner la suspension de l'exécution d'une décision d'une juridiction nationale; d'autre part, l'indication de la dénomination sociale d'une personne peut se faire à travers le cachet apposé sur la requête, encore faut-il qu'elle soit faite en toutes lettres.
BROU Kouakou Mathurin