J-04-126
Voies d'exécution – Titre exécutoire – Procès-verbaux de conciliation étrangers – Exécution sur le territoire ivoirien – Condition – Exequatur (Oui).
Les procès-verbaux de conciliation, titres exécutoires au sens de l’article 33 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution, doivent être soumis à l’exequatur avant toute exécution sur le territoire ivoirien, lorsqu’ils émanent de l’étranger.
(Cour d'Appel d'Abidjan, ARRET N° 182 du 06 février 2001, M.L. c/ M.T., Le Juris-Ohada, n° 4/2003, octobre-décembre 2003, p. 44, note BROU Kouakou Mathurin).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ensemble l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties;
Considérant que par exploit d'Huissier de Justice en date du 8 décembre 2000, M.L. a relevé appel de l'ordonnance de référé rendue le 29 novembre 2000 par le Président du Tribunal de Première Instance d'Abidjan, qui en la cause, a statué comme suit :
« … Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, vu l'urgence et par provision, déclarons recevable l'action initiée par M.F., l'y disons bien fondé; constatons que le procès-verbal de vérification précédant la vente, suivi d’enlèvement du 17 novembre 2000 est irrégulier, en prononçant en conséquence la nullité; ordonnons la restitution des véhicules litigieux au demandeur, sous astreinte comminatoire de 300.000 F par jour de retard;
Considérant qu'au soutien de son appel, M.L. expose que suite à sa plainte déposée devant le doyen des Juges d'Instruction du Tribunal de Lomé contre M.T., les parties ont signé le 31 juillet 2000, en présence du Président du Tribunal, un procès-verbal de conciliation revêtu de la formule exécutoire, en vertu de l'article 33 de l'Acte Uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution; qu'aux termes de ce procès-verbal, M.T. a offert en garantie du paiement de sa dette, outre des garantie bancaires, des sûretés réelles portant sur des biens dont des véhicules en Côte d'Ivoire;
Considérant que l'appelant ajoute que M.T. ayant failli à l'exécution volontaire de son engagement et entrepris d'organiser son insolvabilité, il s'est vu contraint de procéder à l’exécution forcée du procès-verbal de conciliation u 31 juillet 2000;
Que pour ce faire, il a sollicité et obtenu l'apposition de la formule exécutoire de l'Etat de Côte d'Ivoire, et a fait procéder à une vérification suivie d'appréhension des véhicules le 16 novembre 2000;
Considérant que M.L. reproche au Premier Juge d'avoir préjudicié au principal en prononçant la nullité du procès-verbal de vérification suivi d'enlèvement du 16 novembre 2000;
Que de surcroît, c'est à tort que la Juridiction Présidentielle a jugé qu'une décision d’exequatur était nécessaire avant toute exécution forcée, et qu'une saisie aurait dû précéder le procès-verbal litigieux;
Considérant que l'appelant estime qu'aux termes de l'article 33 de l'Acte Uniforme relatif aux voies d'exécution, l’exequatur n'est pas exigée pour les procès-verbaux de conciliation signé par le Juge et les parties;
Que par ailleurs, le grief résultant du défaut de saisie préalable n'est pas plus fondé, s'agissant de l'appréhension d'un bien en vertu d'un titre exécutoire, matière soumise aux dispositions des articles 219 et suivants de l'Acte Uniforme précité;
Considérant qu'il soutient aussi que dans le cas particulier où le bien a été appréhendé pour être remis à un créancier gagiste, l'acte de remise ou d'appréhension vaut saisie et il est procédé à la vente, selon les modalités applicables à la saisie vente;
Considérant que de façon subsidiaire, il sollicite la suppression de l'astreinte compte tenu de sa totale bonne foi;
Considérant que l'intimé conclut à la confirmation de l'ordonnance entreprise; qu'il explique que c'est à juste titre que le Premier Juge a estimé que l'exequatur du procès-verbal de conciliation était nécessaire;
Qu'il précise que les procès-verbaux visés par l'article 33 et non soumis à exequatur, sont ceux du fer et non ceux provenant de l'étranger;
Que par ailleurs, il indique que la connaissance de la régularité des actes de procédure relève de l'office du Juge des référés;
Qu'en annulant les procès-verbaux des 16 et 17 novembre 2000, le Premier Juge n'a nullement préjudicié au principal;
Qu'il sollicite en conséquence la confirmation de l'ordonnance entreprise;
DES MOTIFS
Considérant que l'appel relevé par L. l'a été dans les forme et délai prescrits par la loi, qu'il y a lieu de le déclarer recevable;
AU FOND
Considérant que s'il est exact que l'article 33 de l'Acte Uniforme portant sur les procédures simplifiées de recouvrement de créances et voies d'exécution énumère les procès-verbaux de conciliation parmi les titres exécutoires, il n'en demeure pas moins vrai que ces procès-verbaux, s'ils émanent de l'étranger, doivent être soumis à l’exequatur avant toute exécution sur le territoire ivoirien;
Que dès lors, c'est à juste titre que le Premier Juge a prononcé la nullité du procès- verbal de vérification suivi d'enlèvement, établi en vertu d'un titre non exécutoire en Côte d'Ivoire;
Considérant que F, qui a justifié son droit de propriété sur les véhicules litigieux, subit un énorme préjudice, du fait de la saisie desdits véhicules;
Qu'en conséquence, c'est à bon droit que le Premier Juge en a ordonné la restitution, sous astreinte comminatoire de 300.000 F par jour de retard, à compter de la signification de la décision à intervenir;
Qu'il convient dès lors de confirmer l'ordonnance sur ce point;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare l'appel de L. recevable;
AU FOND
– L'y dit mal fondé;
– L'en déboute;
– Confirme l'ordonnance entreprise;
– Président : M. SEKA ADON Jean-Baptiste.
Note
A quelles conditions, un titre exécutoire étranger peut être exécuté sur le territoire ivoirien ?
Tout en reconnaissant que les procès-verbaux de conciliation sont des titres exécutoires au sens de l'article 33 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution, la Cour précise que lorsqu'ils émanent de l’étranger, ils doivent être soumis à l'exequatur avant toute exécution sur le territoire ivoirien. A défaut, le procès-verbal de vérification suivi d'enlèvement doit être déclaré nul.
Cette décision est conforme à l'article 33 al. 2e de l'Acte suscité, en ce sens que les actes et décisions juridictionnelles étrangères, de même que les sentences arbitrales étrangères, ne sont en principe, exécutoires dans l'Etat du for, que s'ils ont préalablement obtenu l'exequatur dont les conditions sont prévues, en Côte d'Ivoire, par les articles 345 et suivants du Code de procédure civile.
BROU Kouakou Mathurin