J-04-128
Voir Ohadata J-04-118
Recouvrement de créance – Injonction de restituer – Biens étant la propriété du demandeur (non) – Restitution (NON).
Recouvrement de créance – Injonction de restituer – Opposition – Date de comparution – Délai excédant le délai légal (non) – Recevabilité (Oui).
N'excède pas le délai légal de trente jours, l'avenir d'audience qui tient compte du caractère franc du délai des voies de recours.
En matière mobilière, l'obligation de délivrance était liée à la propriété du bien, le demandeur n’est pas fondé à demander la restitution des biens, car il n’en est pas propriétaire.
II en est ainsi, lorsque malgré les contrats de crédit bail conclus entre le bailleur et le locataire, les cartes grises sont établies au nom du locataire.
(Cour d'Appel d'Abidjan, ARRET N° 158 du 02 février 2001, D. c/ SOGEFIBAIL , Le Juris-Ohada, n° 4/2003, octobre-décembre 2003, p. 50.).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Vu les réquisitions écrites du Ministère Public;
Ouï les parties en leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
EXPOSE DU LITIGE
Courant l'année 1997, D. sollicitait de la SOGEFIBAIL, un concours financier pour l'accomplissement de son activité commerciale.
Afin de garantir le remboursement de sa créance, la SOGEFIBAIL exigeait de son débiteur, des gages sur des véhicules lui appartenant;
A cet effet, et pour matérialiser ladite opération, la SOGEFIBAIL et D. concluaient différents contrats de crédit-bail portant sur lesdits véhicules;
Pour des loyers qu'elle estimait impayés, la SOGEFIBAIL obtenait de la juridiction présidentielle du Tribunal de Première Instance d’Abidjan Plateau, une ordonnance de restitution des véhicules susvisés;
D. formait alors opposition à ladite ordonnance;
Cependant, le tribunal saisi déclarait irrecevable ledit recours;
Estimant que la décision ainsi rendue lui faisait grief, D. par acte d’huissier en date du 18 août de l'an 2000, relevait appel du jugement civil N° 684 en date du 31 juillet 2000 susvisé, à l'effet de voir la Cour d'Appel de ce siège :
– l'infirmer;
Statuant à nouveau :
– Déclarer recevable l'acte d'opposition qu’il avait entrepris devant les premiers juges, à l'ordonnance de restituer N° 503/2000;
– Dire et juger que la SOGEFIBAIL n’était pas créancière envers lui, d’une telle obligation;
– Dire qu'il y avait compte à faire entre les parties;
En conséquence, rétracter ladite ordonnance;
Au soutien de son acte d'appel, D. reprochait aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise interprétation des articles 10 et 11 l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement de créances;
Alors qu'il ne lui avait été signifié l'ordonnance de restituer N° 503/2000, que le 23 mars 2000, il avait initié son acte d'opposition à ladite ordonnance le 07 avril 2000, soit moins de 15 jours après;
Ainsi, pour l'appelant, les disposition de l’article 10 précité, avaient par lui, été respectées;
Seulement, poursuivait-il, une erreur matérielle qui s’était glissée dans son exploit d’opposition avait indiqué que l’audience d’ajournement était pour le 31 avril 2000, alors que le mois d’avril expirait le 30;
De la sorte, les premiers juges avaient conclu que l’article 11 alinéa 2 de ladite loi, avait été violé en ce qu'il s'était écoulé plus de 30 jours entre la date d’opposition, en l'occurrence le 07 avril 2000 et celle de l'ajournement;
Néanmoins et afin de régulariser ladite erreur matérielle, D. expliquait qu’il avait auparavant, fait servir un avenir d’audience le 2 avril 2000, qui fixait la nouvelle date d’audience pour le 08 mai, étant donné que le 1er mai était un jour férié;
Ce faisant, l'appelant estimait avoir satisfait aux dites prescriptions légales;
Par ailleurs, toujours en la forme, D. notait que la requête aux fins de restitution de la SOGEFIBAIL a dû être déclarée irrecevable, dans la mesure où ladite société, qui n’était titulaire que d'un contrat de crédit bail, n'avait aucun droit à une restitution des véhicules litigieux, comme pouvaient l'attester les cartes grises qu'il produisait;
Subsidiairement au fond, l'appelant concluait à une reddition de compte entre les parties au litige, étant donné que la SOGEFIBAIL, qui se prétendait créancière de la somme de 206.405.836 F, n'avait produit aucun document attestant qu'il était redevable d'arriérés de loyers;
A l'opposé, il faisait pour sa part état de plusieurs règlements qu'il avait effectués, tel qu'il résultait des extraits de ses relevés bancaires, produits également au dossier;
En réponse, la SOGEFIBAIL concluait quant à elle, à la confirmation de la décision querellée;
En effet, selon elle, les articles 10 et 11 de l'Acte Uniforme sur le recouvrement simplifié de créances avaient bel et bien été violés par l'appelant;
Pour cela, elle faisait remarquer qu'au regard de tous les actes de procédure accomplis par D., afin de faire examiner son opposition devant les premiers juges, apparaissait qu'entre le 07 avril 2000, date de ladite voie de recours, et le 08 mai 2000, date d'ajournement en définitive, il s'était écoulé plus de 30 jours;
Dès lors, arguait-elle, ce fut à bon droit que le premier juge lui avait fait une application de la déchéance attachée à la violation des dispositions légales susvisées;
Par ailleurs, relativement au droit qu'elle avait de solliciter la restitution des véhicules litigieux, la SOGEFIBAIL observait que D., au vu du contenu du contrat de crédit-bail qui les liait, n'était qu'un locataire desdits véhicules;
Ainsi donc, selon elle, l'action en restitution qu'elle avait entreprise était tout à fait conforme aux prescriptions de l'article 19 de l'Acte Uniforme en cause;
Enfin, sur la reddition de compte sollicitée par l'appelant, l'intimée, rappelant les termes de l’article 1315 du code civil suivant lesquels il appartenait à D. de rapporter la preuve de sa libération;
C'est pourquoi, elle concluait au rejet de ce chef de demande;
En réplique, D. entendait préciser que le montant total du crédit viré par la SOGEFIBAIL sur son compte, au titre des contrats de crédit-bail en cause, s'élevait à la somme de 419.096.070 F;
Dès lors, il y avait manifestement un trop perçu de 908.987 F, en sorte qu'à ce jour, il n'était plus débiteur, mais plutôt créancier de la SOGEFIBAIL;
Le Ministère Public, pour sa part, s'en rapportait;
SUR CE
La SOGEFIBAIL ayant régulièrement été intimée, il y a lieu de rendre une décision contradictoire;
EN LA FORME
SUR LA RECEVABILITE DE L'APPEL INTERJETE PAR D.
D. a relevé appel par acte d'huissier, d'une décision qui ne lui a été signifiée;
Ledit appel est donc recevable, pour avoir été initié dans les forme et délai légaux;
AU FOND
SUR LA RECEVABILITE DE L'ACTE D'OPPOSITION DE D. DEVANT LES PREMIERS JUGES
Au regard des pièces produites au dossier, il apparaissait que l'ordonnance N° 503/2000 en date du 24 janvier 2000, ayant ordonné la restitution des véhicules objet du litige, a été signifiée le 23 mars de la même année à D.;
Le 14 avril 2000, D. formulait son acte d'opposition et ajournait la cause à l'audience du lundi 31 avril 2000, puis à celle du 08 mai, par un avenir d'audience;
Il résulte de la combinaison des articles 10 et 11 de l'Acte Uniforme sur le recouvrement simplifié de certaines créances, que l'acte d'opposition doit être formé dans le délai de 15 jours suivant la signification, et prévoir un ajournement à une date qui ne saurait excéder 30 jours, à compter de ladite voie de recours;
Au vu de ce qui précède, et en tenant compte du caractère franc des délais prévus par ledit Acte Uniforme, il y a lieu de constater que D., en formant son opposition à la date sus-indiquée, a agi dans ledit délai de 15 jours;
En outre, suivant le droit commun des règles applicables en matière de voies de recours, la juridiction n'est saisie que par l'acte introductif d'instance, en l'occurrence en ce qui concerne la présente cause, l'acte d'opposition;
Ainsi, quand bien même il est clair que dans le calendrier, le mois d'avril expire le 30, et non le 31, il n'en demeure pas moins que la date indiquée par D., dans son recours, est incluse dans le délai de 30 jours exigé par ledit Acte Uniforme;
En tout état de cause, l'avenir d'audience, bien que ne saisissant pas une juridiction, a, en l’espèce, indiqué une date d'évocation du litige, notamment le 08 avril 2000, qui n'excède le délai susvisé, en tenant toujours compte du caractère franc du délai des voies de recours;
Au total, il convient de dire que tant en ce qui concerne les délais d'exercice de son opposition que de celui d'ajournement, D. ne s'est mis en marge des prescriptions légales susvisées;
Dès lors, en statuant en sens contraire et en déclarant D. irrecevable en son opposition, les premiers juges ont procédé à une mauvaise appréciation des éléments de la cause;
Aussi, il y a lieu d'infirmer la décision attaquée en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau, il convient de déclarer D. recevable en son opposition formée contre l'ordonnance présidentielle N° 503/2000, prescrivant la restitution des véhicules objet du présent litige;
SUR LE BIEN-FONDE DE LA DECISION DE RESTITUTION
Aux termes de l'article 19 de l'Acte Uniforme sur le recouvrement simplifié de certaines créances, le créancier d'une obligation de délivrance d'un bien meuble corporel, peut solliciter ladite mesure devant le Président de la juridiction compétente;
En matière mobilière, l'obligation de délivrance est liée à la propriété du bien, qui pour les véhicules, se prouve par l'inscription du nom du propriétaire sur la carte grise;
Il ressort des cartes grises produites au dossier, que les véhicules dont la restitution est sollicitée par la SOGEFIBAIL, ont été établis au nom de D.,
Ainsi, en dépit des contrats de crédits-bails conclus entre la SOGEFIBAIL et D., et qui au reste l'ont été en marge de la réalité de l'opération menée par les parties, il y a lieu de dire et juger, que la SOGEFIBAIL n'est pas propriétaire des véhicules litigieux;
A ce titre, ladite société n'est donc pas fondée à en réclamer la restitution;
En statuant en sens contraire, l'ordonnance N° 50312000 rendue le 24 janvier 2000, mérite d'être rétractée;
La société SOGEFIBAIL ayant succombé, il lui faut supporter les dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en dernier ressort;
EN LA FORME
– Déclare D. recevable en son appel régulièrement relevé du jugement civil N°684 en date du 31 juillet 2000, rendu par le Tribunal de Première Instance d'Abidjan Plateau;
AU FOND
– L'y dit bien fondé;
– Infirme ledit jugement en toutes ses dispositions;
Statuant à nouveau;
– Reçoit O. en son opposition;
– Rétracte l'ordonnance N° 503/2000 ayant ordonné la restitution des véhicules suivants à la SOGEFIBAIL :
– 1 tracteur routier numéro de série 2024k38
– 1 tracteur OAF
– 1 tracteur routier numéro de série 2631 S31
– 1 tracteur routier numéro de série FTT 8533w
– 1 camion semi-remorque numéro de série s32c096920
– 1 semi-remorque Baraderie numéro de se rie 97325
– semi-remorque numéro de serie 318
– semi-remorque numéro de série 317
– camion Mitsubishi 563869
– tracteur routier numéro de série 2631 S31
– semi-remorque Baraderie numéro de série 318
– 1 semi-remorque Baraderie numéro de série 96319
– Président : M. KHOUADIANI KOUADIO KOUAKOU Bertin.
N.B.
Cet arrêt a été cassé par la CCJA le 06 novembre 2003. Voir Ohadata J-04-118