J-04-129
Voies d'exécution – Saisie attribution – Titre exécutoire – Elément – Arrêt revêtu de la formule exécutoire.
Est constitutif d’un titre exécutoire, au sens de l'article 33 de l’Acte Uniforme portant voies d’exécution, l’arrêt revêtu de la formule exécutoire qui a servi à pratiquer la saisie attribution.
Article 33 AUPSRVE
(Cour d'Appel d'Abidjan, ARRET N° 162 du 02 février 2001, Ivoire Ingenierie c/ T. et A., Le Juris-Ohada, n° 4/2003, octobre-décembre 2003, p. 55, note).
LA COUR,
Vu les pièces du procès;
Ouï les parties en leurs conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort sur l'appel relevé le 29 décembre 2000 par la Société IVOIRE INGENIERIE dite 21, de l'ordonnance de référé N° 4360 rendue le 14/11/2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan, signifiée le 26 décembre 2000, qui l'a déclarée mal fondée en sa demande, l'en a déboutée et l'a condamné aux dépens;
Considérant que la Société 21, concluant par ses Conseils, Maîtres KONATE, BAME et KOYO, que par exploit en date des 02 et 12 octobre 2000, les ayants droit des feus T. et A. ont fait pratiquer une saisie attribution de créances, sur ses comptes ouverts dans les livres de la BIAO et la SGBCI-VRIDI;
Que cette saisie lui a été dénoncée par exploit d'Huissier du 16 octobre 2000;
Que cette saisie attribution a été pratiquée par les intimés, en vertu de l'arrêt N° 649 rendu le 23 mai 2000 par la Cour d'Appel de céans, pour avoir paiement de la somme principale de 9.200.000 FCFA;
Considérant qu'après ce rappel, l'appelante fait grief à l'ordonnance querellée d'avoir violé les dispositions des articles 33 et 153 du Traité OHADA portant voies d'exécution;
Qu'elle soutient que le Juge des référés, qui savait pertinemment que l'arrêt en vertu duquel la saisie attribution de créances a été pratiquée, ne constituait pas un titre exécutoire, a choisi de se réfugier derrière le fait que la société 21 aurait reconnu devoir qu'elle aurait commencé à payer et que l'arrêt serait passé en force de chose jugée;
Qu'elle explique que le fait pour elle de reconnaître devoir aux ayants droit de T. et A., ne confère pas à l'arrêt 649 du 23 mai 2000, la nature d'un titre exécutoire au sens de l'article 153 du Traité OHADA suscité, qui dispose que « tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, peut pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers, les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations »;
Que ce texte exige pour être procédé à une saisie attribution de créances un titre exécutoire qui doit constater une créance liquide et exigible;
Qu'elle fait savoir que le dispositif de l'arrêt N° 649, en vertu duquel la saisie a été pratiquée, dispose :
« Réformant l'ordonnance N° 615 du 15 février 2000, ramène à 1.200.000 FCFA le montant du loyer, qui prend effet à compter du 30 octobre 1998, date de l'assignation en révision »;
Que nulle part, cet arrêt ne la condamne à payer aux ayants droit de T. et A., une quelconque somme, sinon il a fixé le loyer qui doit être payé;
Qu'en ne formant pas de pourvoi en cassation contre cet arrêt, c'est parce qu'elle savait désormais que le loyer à payer est de 1.200.000 FCFA;
Que du 30 octobre 1998, jusqu'au prononcé de cette décision, elle se devait de payer un différentiel, lequel s'élève à 9.200.000 FCFA;
Que le fait pour elle de reconnaître devoir cette somme ne signifie pas que l'arrêt N° 649 du 23 mai 2000 est devenu de facto un titre exécutoire au sens de l'article 153 du Traité OHADA;
Que si cet arrêt est passé en force de chose jugée, il n'est pas pour autant devenu un titre exécutoire, comme l'exige l'article 153 précité;
Qu'elle fait valoir que l'arrêt N° E49 ne remplissait pas la condition élémentaire de titre exécutoire en vertu de l'article 33 du Traité OHADA portant voies d'exécution, et qui dispose : « constituent des titres exécutoires :
1/ Les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire et celles qui ne sont pas exécutoires sur minute »;
Que l'arrêt N° 649 a été délivré sous forme d'expédition et non sous forme de grosse;
Qu'il ne constitue pas un titre exécutoire;
Que les créances n'ayant donc pas de titre exécutoire, une décision de mainlevée de la saisie aurait été fondée et justifiée, ce que le Juge des référés n'a pas fait, de sorte que sa décision mérite d'être infirmée;
Considérant que pour leur part, les ayants droit de T., concluant par l'organe de leur Conseil, Maître YAO Emmanuel, exposent que le 30 novembre 1989, feu T., leur père, donnait en location à la société IVOIRE INGENIERIE, deux villas à usage d'habitation et un dépôt industriel, le tout sur un terrain de 2.548 mètres carrés sis à Abidjan, en Zone 4 C;
Que le loyer convenu était de 150.000 FCFA par mois;
Qu'au décès de T., en 1994, ses ayants droit ont décidé de l'augmentation du loyer;
Que devant le refus de la Société IVOIRE INGENIERIE de procéder à ladite augmentation, le Juge des loyers a, par ordonnance avant dire droit N° 124/ADD/CIV/48 rendue le 05 mars 1996, ordonné une expertise;
Que l'expert commis a estimé la valeur locative globale des constructions à la somme de 2.026.000 FCFA;
Qu'en tenant compte des aménagements effectués par la Société IVOIRE INGENIERIE, la valeur locative résultante des locaux au 25 janvier 1996 a été fixée à la somme de 1.519.515 FCFA;
Qu'il était apparu que la société IVOIRE INGENIERIE louait à 150.000 F, les locaux qui à dire d'expert, valaient 1.519.515 FCFA;
Que le Juge des référés, dans son appréciation souveraine, fixait le loyer à 800.000 FCFA par ordonnance N° 293 CIV 4/8 rendue le 18 juin 1996, date de l'assignation en révision;
Que l'ordonnance précitée précisait in fine que les loyers couraient à compter du 25 janvier 1996;
Que le 28 avril 1998, la Société 21 leur a servi un exploit de demande de renouvellement de bail commercial;
Que le 08 juillet 1998, ceux-ci acceptaient le renouvellement dudit bail, tout en invitant la société 21 à signer un nouveau contrat conforme aux dispositions du Traité OHADA et à réviser le loyer;
Que la société 21 a refusé lesdites propositions, se refusant à engager des pourparlers;
Que par ordonnance avant dire droit N° 620 rendue le 16 février 1999, le Juge des loyers invitait les parties à signer un nouveau contrat de bail conforme au Traité OHADA;
Que par ordonnance N° 615 rendue le 15 février 2000, le Juge des loyers fixait le loyer à 2.000.000 FCFA;
Que par acte d'Huissier du 11 avril 2000, la Société 21 relevait appel des ordonnances N° 620/ADD du 16/02/1999 et 615 du 15 février 2000 rendues par le Juge des loyers du Tribunal d'Abidjan;
Que suivant arrêt contradictoire N° 649 du 23 mai 2000, la Cour d'Appel de céans, réformant l'ordonnance N° 615 du 15 février 2000, a ramené à 1.200.000 FCFA le montant du nouveau loyer, qui prend effet à compter du 30 octobre 1998, date de l'assignation en révision;
Que suivant exploit d'Huissier en date du 14 septembre 2000, ils ont signifié à la Société 21, 1'arrêt N° 649 du 23 mai 2000;
Qu'en exécution dudit arrêt, ils pratiqueront saisie attribution de créances suivant exploit du 02 octobre 2000, pour avoir paiement de la somme de 9.200.000 FCFA;
Qu'en guise de paiement partiel, elle délaissera au même Conseil, un chèque de 1.600.000 FCFA et souhaitera payer le reliquat par tempérament;
Que contre toute attente, ils recevront par exploit d'Huissier en date du 07 novembre 2000, une assignation en référé aux fins de voir ordonner la mainlevée de leur saisie attribution;
Que par ordonnance N° 4360 du 14 novembre 2000, le Juge des référés l’a déboutée de sa demande;
Que la Société 21 a relevé appel de cette ordonnance;
Considérant qu’après ce rappel, les ayants droit de T. soutiennent que contrairement aux allégations de la société 21, ils ont un titre exécutoire au sens de l'article 33 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution, selon lequel, est un titre exécutoire toutes les décisions juridictionnelles revêtues de la formule exécutoire sur minute;
Qu'en l'espèce, leur saisie attribution a été pratiquée en vertu de la grosse dûment exécutoire de l'arrêt civil N° 649 du 23 mai 2000, dont copie est produite;
Qu'ils font valoir par ailleurs, qu'aucune violation n'a été faite à l'article 153 précité tant la créance est liquide et exigible;
Qu'ils rappellent que la Cour réformait l'ordonnance N° 615 du 15 février 2000, en ramenant à la somme de 1.200.000 FCFA le montant du loyer, et en disant que le nouveau loyer devait prendre effet à compter du 30 octobre 1998, date de l'assignation en révision;
Qu'en décidant de faire agir le loyer de 1.200.000 FCFA sur une période antérieure au prononcé de l'arrêt (23 mai 2000), tout en sachant que pendant cette période, le loyer qui avait été payé était l'ancien taux, 800.000 FCFA, la Cour venait ainsi de condamner la Société 21 à payer le différentiel de 400.000 FCFA pour la période allant du 30 octobre 1998 au 23 mai 2000;
Que c'est la somme de ce différentiel qui est de 9.200.000 FCFA, qui a été portée à la connaissance de la Société 21, qui l'a reconnue par voie de correspondance;
Qu'ils concluent donc à la confirmation de la décision attaquée;
Considérant que la BIAO et la SGBCI VRIDI, bien que régulièrement citées en leurs services contentieux respectifs, n'ont ni comparu, ni conclu;
DES MOTIFS
EN LA FORME
Considérant que l'appel régulièrement intervenu est recevable;
AU FOND
Considérant que les arrêts sont par nature exécutoires;
Qu'en tout état de cause, l'arrêt N° 649 du 23 mai 2000 est revêtu de la formule exécutoire;
Qu'il résulte de ce qui précède, que les ayants droit de T. sont munis d'un titre exécutoire à l'appui de leur saisie attribution;
Considérant que s'agissant du caractère liquide et exigible de la créance, il ne souffre d'aucune contestation;
Qu'en effet, l'arrêt N° 649 du 23 mai 2000 de la Cour d'Appel de céans, en fixant le loyer à 1.200.000 F en lieu et place de 800.000 F à compter de la date d'assignation en révision, a condamné la Société 21 à payer désormais le nouveau loyer, c'est-à-dire 1.200.000 F, et c'est la différence de 400.000 F entre l'ancien et le nouveau loyer qui donne 9.200.000 F, montant de la créance;
Qu'en tout état de cause, en s'exécutant par le paiement des loyers dus, la Société 21 a tacitement reconnu devoir ladite somme aux intimés;
Qu'il convient en conséquence, de confirmer l'ordonnance querellée qui a rejeté la demande de la mainlevée de saisie attribution;
Considérant que l'appelante succombe, il faut la condamner aux dépens;
PAR CES MOTIFS
EN LA FORME
– Déclare la Société 21 recevable en son appel relevé de l'ordonnance de référé N° 4360 rendue le 14/11/2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan;
AU FOND
– L'y dit mal fondée;
– L'en déboute;
– Confirme ladite ordonnance;
Président : M. CHAUDRON Maurice.
Note
L'arrêt ayant servi de base à la saisie attribution pratiquée était-il un titre exécutoire ?
En répondant par l'affirmative, aux motifs que l'arrêt était revêtu de la formule exécutoire, la Cour d'Appel n'a fait qu'appliquer l'article 33 de l'Acte Uniforme portant voies d'exécution.