J-04-13
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – BON DE COMMANDE DE MARCHANDISES – IMITATION DE SIGNATURE – ART. 1384 AL. 4 DU CODE CIVIL BURKINABE – RESPONSABILITE DES MAITRES ET COMMETTANTS (OUI) – OPPOSITION MAL FONDEE.
Les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés. Aussi, les factures résultant de commandes émises par un employé en imitant la signature du directeur général et en utilisant le cachet de la société doivent être honorées par ladite société.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 279 du 03 avril 2002, Géo Sciences Techniques (GST) c/ Bureau d'Etudes et de Recherches Appliquées Eau et Environnement (BERA)).
LE TRIBUNAL,
Par requête en date du 03 octobre 2001, Géo Sciences Techniques, 01 BP 1620 Ouagadougou 01, agissant aux poursuites et diligences de son Directeur Général Monsieur AZAR Christophe, a sollicité l'autorisation de faire signifier au Bureau d'Etudes et de Recherches Appliquées Eau et Environnement (BERA) 01 BP 1169 Ouagadougou 01 dont le siège social est à Ouagadougou, une injonction de payer la somme de 3.214.022 F CFA;
Il expose que cette somme représente le montant de plusieurs factures impayées à ce jour; que toutes les démarches par lui entreprises pour recouvrer le paiement de cette somme sont restées vaines;
Le 13 novembre 2001 Géo Sciences Techniques, a par acte de maître Toussaint Abel COULIBALY, Huissier de justice à Ouagadougou, fait signifier l'ordonnance d'injonction de payer n° 851/2001 à lui délivrée par le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 11 octobre 2001 au pied de sa requête;
Contre cette ordonnance, BERA a par acte en date du 23 novembre 2001 de maître COULIDIATY Madeleine, Huissier de justice a Ouagadougou, formé opposition; par le même acte, il a donné assignation à Géo Sciences Techniques et au Greffier en chef du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir déclarer l'ordonnance d'injonction de payer n° 851/2001 à lui notifiée nulle;
Au soutien de sa demande, il expose que la société BERA a été surprise de recevoir une correspondance en date du 24 juillet 2001 de la part des Etablissements Géo Sciences Techniques lui demandant de procéder au règlement de factures impayées, dans la mesure où elle n'a passé aucune des commandes dont le paiement des factures lui est réclamé; que par contre, ces commandes ont été passées par le sieur MILLOGO Flavien Paul, ex-employé de la société BERA qui a imité la signature du Directeur Général pour obtenir la livraison des marchandises; que la société BERA a déposé une plainte avec constitution de partie civile contre le sieur MILLOGO Flavien Paul et autres; que les établissements Géo Sciences Techniques se trompent de créancier comme il le lui a signifié dans une correspondance n° 238/2001/DN/700 du 27 juillet 2001; que c'est pour ces raisons que la société BERA s'oppose à ce qu'il soit donné suite à l'ordonnance à lui notifiée le 13 novembre 2001 et demande à ce qu'elle soit déclarée nulle; qu'à défaut de cela, il demande à ce qu'il soit ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction pénale vide sa saisine, et ce conformément à l'article 4 du code de procédure pénale;
Au fond, les établissements Géo Sciences Techniques par son conseil maître SOME B. Mathieu Avocat à la Cour, déclare que l'ordonnance d'injonction de payer qui est délivrée à son client est valable et doit être exécutée;
Attendu que l'ordonnance d'injonction de payer a été rendue le 11 octobre 2001 et signifiée à BERA le 13 novembre 2001;
Que contre cette ordonnance, BERA a formé opposition par acte d'huissier le 23 novembre 2001;
Attendu que les conditions de forme des articles 10 et 11 de l'acte OHADA sur le recouvrement simplifié des créances ont été respectées;
Qu'il convient donc de recevoir l'opposition de BERA en la forme;
Attendu qu'il est constant que les Etablissements Géo Sciences Techniques ont livré des marchandises suite à des commandes qu'il a reçues et qui portaient la signature du Directeur Général de la Société BERA et leur sceau;
Que c'est par la suite que l'on s'est rendu compte que c'est le sieur MILLOGO Flavien, employé de la société BERA, qui a émis ses bons de commande en imitant la signature du Directeur;
Attendu cependant que l'article 1384 alinéa 4 du code civil dispose que « les maîtres et commettants sont responsables du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés »;
Attendu que le sieur MILLOGO Flavien était employé par la société BERA à l'époque des faits;
Que les commandes qu'il a émises en imitant la signature du Directeur Général et en utilisant le cachet de la société ont été considérées par les Etablisséments Géo Sciences Techniques comme étant des commandes émises par la société BERA qui est un de ses clients.
Que c'est donc à bon droit que ces commandes ont été honorées;
Attendu qu'en retour la société BERA doit honorer les factures qui lui ont été transmises par Géo Sciences Techniques suite à ces commandes, quitte à se retourner contre son employé;
Qu'il échet par conséquent de dire que l'opposition formée par la société BERA est mal fondée. Qu'il convient donc de la condamner à payer aux Etablissements Géo Sciences Techniques la somme de 3.214.022 F CFA en principal outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement, en matière civile et en premier ressort,
EN LA FORME
Déclare l'opposition formée par la société BERA contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 851 du 11 octobre 2001 recevable;
AU FOND
La dit mal fondée.
Condamne la société BERA à payer aux Etablissements Géo Sciences Techniques la somme de 3.214.022 F CFA outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande;
Condamne la société BERA aux dépens.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant.
On peut s'étonner de ce que le tribunal ait fait application, au recouvrement d'une créance délictuelle, d'une procédure prévue pour les créances contractuelles.