J-04-135
PROCEDURES COLLECTIVES – ETABLISSEMENTS BANCAIRES – DIFFICULTES – DESIGNATION DE L’ADMINISTRATEUR PROVISOIRE – CONFLIT DE COMPETENCES ENTRE LA COMMISSION BANCAIRE DE L’AFRIQUE CENTRALE (COBAC) ET LE TRIBUNAL – – COMPETENCE DE LA COBAC (Oui).
DIRECTEUR GENERAL – imprudences inexcusables – cessation des paiements – FAILLITE PERSONNELLE (Oui).
I – Les compétences du Tribunal et de la COBAC (Commission Bancaire de l’Afrique Centrale) ne sont pas en conflit car il rentre dans les attributions de cette dernière de contrôler les conditions d’exploitation des établissements de crédit et de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur bon fonctionnement tandis que le Tribunal assure le respect de la loi sur les procédures collectives et contrôle la régularité et la légalité des actes posés par la COBAC dans la matière spéciale des établissements de crédit. Dès lors, n’a pas de violé l’article 52 AUPCAP, le Tribunal qui prend acte de la désignation, par la COBAC, d’un administrateur provisoire substitué au dirigeant statutaire.
II – La faillite personnelle du Directeur Général doit être prononcée, en application des articles 196.5 et 197 de l’AUPCAP, dès lors que l’on relève à son encontre un ensemble d’éléments traduisant une comptabilité non-conforme mais également et surtout la poursuite d’une exploitation déficitaire qui ont conduit l’établissement à la cessation des paiements; imprudences inexcusables eu égard à l’importance et à la nature de l’exploitation.
(Tribunal de Première Instance de Libreville – Jugement, Répertoire n° 001/ 2000-2001 du 5 janvier 2001, Samson NGOMO c/ Jean Géo PASTOURET et B.P.G. c.
REPUBLIQUE GABONAISE
UNION-TRAVAIL-JUSTICE
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE LIBREVILLE
CHAMBRE COMMERCIALE
REPERTOIRE N° 001/2000-2001 DU 05 JANVIER 2001.
A l'audience publique de la Chambre Civile : du Tribunal Judiciaire de Première Instance c de Libreville (République Gabonaise), tenue au Palais de Justice de ladite ville, au lieu habituelle de ses audiences, en date du Cinq du Mois de Janvier
De l’An Deux Mille Un à 17 heures
Et en laquelle siégeaient :
Mr Jacques LEBAMA, Président du Tribunal PRESIDENT;
MmeADJIBABATOUKOUR, Vice~Président du Tribunal MEMBRE;
Mr Jean Juste LEMBOUMBA, Vice-Président MEMBRE;
Maître ADA ESSONO Edith GREFFIER CIVIL;
En présence de Mr François MANGARI ... PROCUREUR DE LA REPU~LIOUE;
A ETE RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :
ENTRE : Samson NGOMO, assisté de Maîtres NDIMINE et POUZERE, Avocats à la Cour; PARTIE DEMANDERESSE D'UNE PART
ET : Jean Géo PASTOURET ET B.P.G., assistée de Maîtres OBAME ONDO et PELLEGRIN
Avocats à la Cour;
PARTIE DEFENDERESSE D'AUTRE PART
Sans que les présentes puissent nuire ou préjudicier aux droits et intérêts respectifs des parties
en cause, mais au contraire, sous les plus expresses réserves de fait et de droit;
POINT DE FAIT : Par requête en date à Libreville du 05/06/2000 Sieur NGOMO Samson par la plume de ses conseils a sollicité L'autorisation au Président du Tribunal d'assigner sieur Jean Géo PASTOURET et la B.P.G aux fins de réintégration.
Et advenue l'audience de ce jour, le Tribunal vidant son délibéré, a rendu le jugement dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL; Sur le rapport de Mme ADJI BABA TOUKOUR, Vice-Président du
Tribunal
VU les pièces du dossier;
– Ouï Maîtres NDIMINE et POUZERE en leurs demande;
Ouï Maîtres OBAME ONDO et PELLEGRIN leurs réponse responsive - Le Ministère public représenté;
APRES EN AVOIR DELIBERE CONFORMEMENT A LA LOI.
FAITS ET PROCEDURE
Par jugement rendu le 23/12/1999, le Tribunal de ce siège, statuant en matière commerciale a admis la Banque Populaire du Gabon au bénéfice du redressement judiciaire.
Par requête en date du 05/06/2000, NGOMOi Samson, assisté de Mes NDIMINE ET POUZERE, Avocats au Barreau du Gabon, a saisi le Tribunal aux fins de : !
1°) Constater que la nomination par la COBAC de Jean Géo PASTOURET n'est pas régulière
2°) Dire qu'il demeure l'organe dirigeant de la Banque Populaire et le réintégrer à son poste de Directeur Général et débouter les défendeurs de leur demande reconventionnelle.
Le 25 Juillet 2000 et en application de l'article 195 de 1’Acte Uniforme OHADA sur les procédures collectives, la procédure a été communiquée au Ministère Public en la personne de Monsieur le Procureur de la République, lequel a dans un réquisitoire en date du 27 Novembre 2000, conclu à l'irrecevabilité de la demande principale et fait état de l'inopportunité de la demande en déclaration de faillite personnelle sollicitée par voie reconventionnelle
A l'appui de sa requête, NGOMO Samson sous la plume de son avocat expose et soutient qu'à la faveur de certaines circonstances, la commission Bancaire, en abrégé, COBAC, l'a destitué de sa fonction de
Directeur Général de la Banque Populaire du Gabon (B.P .G) pour nommer Mr Jean Géo PASTOURET en qualité d'administrateur provisoire;
Qu'ensuite, le Tribunal, statuant le 23/12/1999, a admis la Banque en redressement judiciaire mais concluait en ces termes : « Prend acte de la nomination par la COBAC de Monsieur Jean Géo PASTOURET en qualité d'administrateur provisoire »;
Que cette expression qui est équivoque a crée une situation proche de la thèse de la faillite virtuelle désormais abandonnée et le Tribunal a manqué de déployer ses prérogatives en se contentant de constater une décision à laquelle il est étranger;
Qu'à cet égard, et en application de l'article 52 de l'acte Uniforme portant organisation des procédures collectives, le Tribunal avait l'obligation de laisser en place les organes dirigeants/et de leur adjoindre une assistance;
Qu'en aucun cas les actes de la COBAC ne sauraient primer sur les décisions du Tribunal car la COBiAC est une autorité administrative chargée de prendre des mesures conservatoires jusqu'à la décision du Tribunal qui exerce une censure incontournable dans le cadre des
procédures collectives;
Qu'ainsi et dans la mesure où le Tribunal ne s'est pas prononcé expressément sur la question, il convient de le réintégrer dans ses fonctions de Directeur de la B.P .G.;
Qu'en ce qui concerne les arguments adverses, le Tribunal retiendra d'une part qu'il n'a jamais adressé au Juge-commissaire la demande en réintégration et son ordonnance est à cet égard non-avenue et d'autre part que c'est en toute connaissance de cause qu'il s'est abstenu de faire un recours contre l'organisme qui l'a destitué;
Qu'enfin s'agissant de la demande reconventionnelle, il relève qu'il est étonnant que les administrateurs formulent une telle demande sans solliciter la conversion du redressement en liquidation tout en concluant à la viabilité de la Banque;
Que cette incohérence révèle le caractère de la demande qui est fondée sur des arguments forts légers et irréversiblement inopérants;
Qu'en effet les fautes invoquées à l'appui de la demande ne sont ni avérées ni n'entraînent la sanction réclamée;
Que par exemple, ne constitue pas une escroquerie le fait pour une banque de ne pas libérer rapidement un crédit mis en place;
Qu'en définitive l'ensemble des faits à lui reprochés ont été commis dans un contexte de dénigrement délibérément organisé et c'est pourquoi le Tribunal devra en tenir compte;
En réplique à la demande principale Jean Géo PASTOURET, es-qualité d'administrateur provisoire de la B.P .G, EDO Rufin Dubernard, syndic judiciaire, tous assistés de Maîtres PELLEGRIN Hardorff et OBAME ONDO, avocats au Barreau du Gabon, ont fait les observations suivantes :
Le requérant avait déjà saisi le juge commissaire d'une demande similaire lequel s'est déclaré incompétent; et alors qu'il n'a exercé aucun recours contre cette décision, ni contre le jugement de redressement, ni enfin contre la décision de la COBAC, il porte aujourd'hui sa requête devant le Tribunal; !
Qu'à cela ne tienne, elle ne sera pas accueillie car c'est fort justement que le Tribunal a pris acte de la décision de la COBAC nommant Jean Géo PASTOURET en lieu et place de NGOMO Samson;
Que la COBAC est issue d'une Convention entre des Etats souverains et les pouvoirs que lui confèrent cette Convention sont étendus mais n'entrent nullement en conflit avec l'autorité du Tribunal en matière de Procédures Collectives;
Qu'il s'agit d'une Convention constituant une loi spéciale sur les établissements de crédit tandis q\le l'Acte Uniforme OHADA est générale et concerne toutes les autres entreprises en difficultés;
Qu'à cet égard les décisions de la COBAC sont exécutoires au sens de l'article 3 de.1' annexe à la convention portant harmonisation de la réglementation bancaire en Afrique Centrale, et le Tribunal a parfaitement accompli sa mission en désignant un syndic et un juge commissaire en application de l'article 35 de l'Acte Uniforme sur les Procédures collectives;
Qu'à titre reconventionnelle, ils sollicitent la mise en faillite personnelle de NGOMO Samson, car la moralisation de la vie des affaires est à ce prix;
Qu'ils indiquent que l'ancienne direction Générale est à l'origine de la situation difficile que connaît actuellement la B.P .G., laquelle direction Générale a commis des fautes de gestion évidentes et posé des actes contraires aux règles et usages de la profession bancaire ainsi qu'il résulte du rapport dressé par les administrateurs provisoire et judiciaire;
Qu'en effet selon les administrateurs, il a été relevé entre autre actes fautifs, une occultation permanente de la réalité financière de l'établissement, un détournement des fonds du Fodex, une escroquerie aux clients, l'absence de politique du risque, l'octroi de crédits sans dossier, l'omnipotence de la Direction Générale et l'existence d'un compte dit « Direction Générale »;
Qu'enfin, les commissaires aux comptes ont, dans leur rapport, émis des réserves de nature à révéler la non-tenue d'une comptabilité conforme, et c'est pourquoi le Tribunal accédera à la demande;
SUR CE : ENDROIT :
1- SUR LA DEMANDE PRINCIP ALE
Attendu que la demande en réintégration formulée par NGOMO Samson est articulée autour du Jugement en date du 23/12/1999 auquel il est fait grief de n'avoir rien décidé quant au sort des dirigeants sociaux et de s'en être passivement rapporté à la décision de la COBAC;
Que l'examen d'une telle demande conduit nécessairement à interpréter ledit jugement pour faire les observations qui suivent;
Attendu qu'en vertu de l'article 2 de l'annexe à la Convention portant création d'une commission bancaire de l'Afrique Centrale, tous les établiss,ements de crédit lui sont assujettis et sont tenue,s de se conformer à ses décisions;
Que les articles 13 et 14 indiquent que la COBAC peut prononcer notamment la suspension ou la démission des dirigeants responsables, elle est aussi habilitée à désigner un administrateur provisoire ayant pouvoir d'administrer, diriger et même de déclarer la cessation des paiements de l'établissement;
Qu'il ressort de ces dispositions, auxquelles la banque populaire du Gabon et Mr NGOMO Samson sont assujettis, que la COBAC peut en vertu de ses prérogatives légales, et d'office, substituer le dirigeant statutaire;
Qu'il s'ensuit que lorsque dès le 09 Novembre 1999 la COBAC destituait le requérant pour nommer Monsieur Jean Géo PASTOURET, et lorsque ensuite prenant le relais le Tribunal prononçait la mise en redressement judiciaire de la Banque Populaire, en prenant acte de cette situation, il n'a nullement violé l'article 52 de l'Acte Uniforme Ohada sur les procédures collectives mais a constaté que la Direction et l'administration de la personne morale concernée étaient effectivement assurées par un administrateur provisoire bancaire;
~~-
Que dès lors c'est à juste titre que le Tribunal, constatant que les règles de la profession bancaire étaient appliquées, a pris acte de cette nomination en substitution des anciens organes, et l'a implicitement maintenue tout en lui adjoignant un syndic et un juge commissaire;
Attendu qu' il résulte de ce qui précède qu'à l'analyse, les compétences du Tribunal et de la COBAC ne sont pas en conflit car il entre dans les attributions de cette dernière de contrôler les conditions d'exploitation des établissements de crédit et de prendre les mesures nécessaires pour assurer leur bon fonctionnement tandis que le Tribunal assure le respect de la loi sur les procédures collectives et contrôle la régularité et la légalité des actes posés par la COBAC dans la matière spéciale des établissements de crédit;
11- SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE
Attendu que l'article 196.5° de l'acte Uniforme OHADA sur les Procédures Collectives dispose qu'à toute époque de la procédure, la juridiction compétente prononce la faillite personnelle des personnes qui ont commis des actes de mauvaise foi ,des imprudences ou qui ont enfreint gravement des règles et usages du commerce tels que définis par l'article 197;
Que selon l'article 197 du même texte, sont notamment présumés actes de mauvaise foi, imprudences, inexcusables ou infractions graves aux règles et usages du commerce : « l'absence d'une comptabilité conforme aux règles comptables et aux usages reconnus de la profession eu égard à l'importance de l'entreprise, la poursuite abusive d'une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire l'entreprise qu'à la cessation des paiements »;
Attendu que selon le rapport des administrateurs provisoire et judiciaire que la Direction Générale de la B.P.G. a, de façon permanente, occulté la réalité financière de l'établissement; et que pendant que la Banque était « illiquide » (sic), aucun acte n'a été entrepris pour aviser les organes statutaires et envisager le rétablissement de sa solvabilité;
Qu'il résulte des pièces dudit rapport que Mr NGOMO Samson es-qualité de Directeur Général de la B.P.G a émis des chèques de banque sans provision (cf pièces n° 6}, qu'il a procédé à des transferts non effectués mais débités sur les comptes des clients avec remise des copies fictives des avis de telex; que des ordres de correspondant n'ont pas été exécutés alors que les fonds ont été utilisés à d'autres fins;
Attendu qu'il ressort du même rapport que pour faire face à des opérations de guichet il a dû recourir à des emprunts auprès des particuliers contre des chèques de banque sans provision remis à ceux-ci (cf pièce n° 3 du rapport);
Qu'enfin le rapport des commissaires aux comptes et leur déposition à la barre du Tribunal ont révélé qu! :'une partie importante des engagements est constituée de découverts n'ayant pas fait l'objet de mesure ide recouvrement au 31/12/1999 et des incidents de paiements caractérisés sur les crédits octroyés à la clientèle;
Que les commissaires aux comptes ont dans leur rapport Général sur l'exercice clos le 31/12/1999 conclu « qu'en raison des constatations faites, ils sont d'avis que les comptes annuels ne sont pas réguliers et sincères et ne donnent pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice écoulé »;
Attendu qu'en définitive l'ensemble de ces éléments traduisent une comptabilité non-conforme mais également et surtout la poursuite d'une exploitation déficitaire qui ont conduit l'entreprise à la cessation des paiements;
Que davantage, ils traduisent des imprudences inexcusables eu égard à l'importance et à la nature de l'exploitation; toute chose qui conduisent à prononcer la faillite personnelle du dirigeant en cause;
Qu'enfin, il sera indiqué surabondamment que la faillite personnelle s'applique sans distinction à toutes les procédures collectives et non pas seulement en cas de liquidation judiciaire;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, en premier ressort après débats non publics;
– Constate que la nomination par la COBAC de Jean Géo PASTOURET est régulière et conforme aux prescriptions de la Convention portant création de la COBAC;
– En conséquence, dit n'y avoir lieu à la remettre en cause;
– Déclare NGOMO Samson en état de faillite personnelle pour une durée de trois ans;
– Ordonne la publication du présent dispositif à la diligence du greffe au journal officiel et dans le journal habilité à recevoir les annonces légales;
– Dit que mention de ce jugement sera portée au Registre du commerce et du crédit mobilier, ainsi qu'au casier judiciaire de l'intéressé; - Condamne NGOMO Samson aux dépens.
Ainsi jugé et prononcé en audience publique les jour, mois et an que dessus;
En foi de quoi, le Présent jugement a été signé après lecture faite par Monsieur le Président du Tribunal qui l'a rendu et par le Greffier.