J-04-146
VOIES D’EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE DE CREANCES – JURIDICTION COMPETENTE – JURIDICTION DU SIEGE SOCIAL – TOUTE AUTRE JURIDICTION TERRITORIALEMENT INCOMPETENTE – MAINLEVEE (Oui).
L’article 54 détermine, d’une part, la juridiction territorialement compétente à autoriser toutes saisies conservatoires et, d’autre part, les conditions requises pour obtenir l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur.
Ce texte de portée spéciale est celui qui régit dorénavant toutes les saisies conservatoires et donc y compris les questions de compétence territoriale, primant ainsi sur tout autre texte de portée générale ou toutes dispositions contraires en vertu de l’article 336. Dès lors, les saisies conservatoires de créances autorisées par un juge autre que celui du domicile du débiteur ont été autorisées par un juge territorialement incompétent et sont par conséquent entachées d’irrégularités, leur mainlevée pleine et entière doit être ordonnée.
(Tribunal de Première Instance de Libreville – Ordonnance de référé, Répertoire n° 052/ 2003-2004 du 4 novembre 2004, Sociétés INTERBOIS & GRT SARL c/ Sieur Loubinou Patrick).
REPUBLIQUE GABONAISE
UNION- TRAVAIL- JUSTICE
COUR D'APPEL JUDICIAIRE DE LIBREVILLE
TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE LIBREVILLE
REPERTOIREN° 052 / 2003 - 2004
ORDONNANCE DE REFERE du 04 NOVEMBRE 2003
AFFAIRE : STES INTERBOIS & GRT SARL (Mes BASSA & ITCHOLA) CONTRE : Sieur LOUBINOU Patrick (Me EYUE)
Par devant Nous, LEBAMA Jacques, Président du Tribunal de Première Instance de Libreville,
Juge des urgences tenant audience publique de référé au Palais de Justice de ladite ville; Assistée de Maître Michelle Sandra BETOE, GREFFIER CIVIL;
1) - La société INTERBOIS SARL, ayant son siège social à la BP 15 MOUILA;
2) - La société GABON ROUTE TRANSPORT (GRT), ayant son siège social à la BP 15 MOUILA;
– Monsieur DE FLANDRE Bernard;
Représentés par leurs Conseils, Martres BASSA et CHAMBRIER REMANDA du cabinet ITCHOLA MANO, Avocats au barreau du Gabon,
DEMANDEURS;
Qui exposent qu1un litige les oppose à LOUBINOU Patrick au sujet d’une prétendue créance totalement contestée de 200.000.000 F CFA et sur cette base erronée LOUBINOU a cru devoir pratiquer saisie conservatoire de créances sur leurs comptes pris individuellement par exploit d’huissier du 21 OCTOBRE 2003;
Que cependant, la même saisie avait déjà été pratiquée le 16 JUILLET 2003;
Qu1ils avaient successivement saisi le Juge des référés pour à titre principal, soulever l’incompétence juridictionnelle de LIbreville d’une part
Que cependant, la même saisie avait déjà été pratiquée le 16 JUILLET 20ü3;
Qu'ils avaient successivement saisi le Juge des référés pour à titre principal, soulever l'incompétence juridictionnelle de Libreville d'une part et subsidiairement contester la matérialité de la créance du SIEUR LOUBINOU dans son quantum et en ordonner la mainlevée jusqu'à droit connu;
Que nonobstant les dispositions des articles 10, 23, 24, 54 et 55 de l'AUPSRVE combinés à l'article 397 du Code de Procédure Civile et l'article 26 du Contrat de société les liant, le Juge des référés a non seulement retenu sa compétence, mais les a en outre débouté;
Que pendant que l'affaire était déférée au Juge d'Appel, LOUBINOU assisté de son Conseil se faisait remettre par la SNBG la somme de 205.000.000 F CFA établis à l'ordre de celui-ci;
Que toutefois, par arrêt du 16 OCTOBRE 2003, la Cour d'Appel de référé statuant à jour fixe infirmait ladite ordonnance attaquée tant sur la question de la compétence que sur le fondement même de la saisie' . ,
Qu'avant même que cet arrêt ne soit signifié, Sieur LOUBINOU par une requête en date du même jour que l'arrêt a fait pratiquer à nouveau des saisies au mépris de l'arrêt de la Cour d'Appel du 16 OCTOBRE 2003;
Que dans tous les cas, ils réaffirment l'incompétence territoriale du juge des requête du Tribunal de LIbreville à avoir autorisé la mesure présentement contestée sur le fondement de l'article 10 du Traité de l'OHADA, ainsi que des articles 336 de l'AUPSRVE; Ainsi que des textes sus-évoqués précédemment;
Qu'en outre, ils invoquent la suprématie des décisions de la Cour d'Appel sur celle du Tribunal de Première Instance
Que c'est pourquoi, ils ont fait assigner LOUBINOU Patrick aux fins de :
– Constater que la saisie conservatoire de créances pratiquée le 21 ŒCTOBRE 2003 est manifestement abusive et viole les dispositions de l'arrêt du 16 OCTOBRE 2003;
– Ordonner en conséquence, la nullité de cette saisie et sa mainlevée pure et simple;
– Dire et juger qu'en cas de nouvelle saisie, le Sieur LOUBINOU sera tenu au paiement de la somme de 10.000.000 F CFA par jour jusqu'à nouvelle mainlevée par application de l'article 6 du Code de Procédure Civile;
A COMPARU EGALEMENT :
Sieur LOUBINOU Patrick ayant élu domicile en l'étude de son Conseil, Maître EYUE, Avocate au barreau du Gabon,
DEFENDEUR;
Lequel en réponse plaide la compétence des juridictions de Libreville à connaître ledit différend;
Qu'il s'appuie sur les articles 400 du Code de Procédure Civile et 26 de l'Acte Uniforme sur le Droit des sociétés Commerciales et du Groupement d'intérêt économique;
Qu'en outre, il fait référence à certains papier à entête, ainsi que le cachet utilisé, ainsi que les relevés d'identité bancaires;
Qu'en outre, il évoque le bien-fondé de sa créance;
Qu'il indique que celle-ci résulte d'un protocole d'accord signé le 31 JANVIER 2001.
Que de même, il fait état d'un relevé de compte attestant le premier versement représentant la somme de 100.000.000 F CFA, ainsi que le témoignage de Monsieur CHASLERIE, EXpert Comptable;
Que surabondamment, il prétend que l'arrêt de la Cour d'Appel invoqué est un arrêt à jour fixe, donc provisoire;
SUR QUOI :
Les débats étant clos, Nous avons mis l'affaire en délibéré au 04 NOVEMBRE 2003, puis Nous avons statué ainsi qu'il suit :
1° - SUR NOTRE INCOMPETENCE :
Attendu que selon l'article 54 de l'AUPSRVE toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut, par requête solliciter de la juridiction compétente du domicile ou du lieu ou demeure le débiteur, l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur tous les biens mobiliers corporels ou incorporels de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances de nature à en menacer le recouvrement;
Attendu que le texte précité détermine sinon fixe d'une part la juridiction terri roi ria le ment compétente à autoriser toutes saisies conservatoires et d'autre part, les conditions requises pour obtenir l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens mobiljers corporels ou incorporels de son débiteur;
Attendu Qu'en la cause ledit texte de portée spéciale est celui qui régit dorénavant toutes les saisies conservatoires et donc y compris les Questions de compétence territoriale, primant ainsi sur tout autre texte de portée générale ou toutes dispositions contraires à l'article 54 de l'Acte Uniforme précité, en vertu de l'article 336 dudit acte uniforme;
Attendu que par ailleurs non seulement, il est de droit consacré que le siège social est le domicile de la personne morale;
Que mais encore, l'article 23 de l'AUSCGIE précise que toute société a un siège social qui doit être mentionné dans les statuts; Qu'à cet égard, l'article 4 et 26 desdits statuts dont Sieur
LOUBINOU a été signataire ainsi que d'autres actes établis postérieurement par les parties en litiges et versés au dossier indiquent clairement et précisément que "le siège social est fixé à MOUILA, BP 15 ";
Qu'en outre, "toutes contestations entre les Associés relatives aux affaires sociales, pendant la durée de la société ou sa liquidation, seront jugées conformément à la Loi et soumises à la Juridiction des Tribunaux compétents du siège social;
Attendu que par ailleurs, il résulte des pièces du dossier que le siège social des sociétés INTERBOIS, GRT est localisé par une adresse ou une indication géographique suffisamment précise, tel Que requis par l'article 25 de l'AUSCGIE;
Que dès lors, l'évidence qui caractérise notre saisie commande de tirer les conséquences qui en découlent;.
Attendu que surabondamment, le moyen tiré sur le caractère provisoire de l'arrêt de la Cour d'Appel à jour fixe du 16 OCTOBRE 2003 ne saurait s'opposer à Nous dès lors que les décisions de référé" ont une certaine autorité de la chose jugée, sauf en cas de survenance de circonstances nouvelles et rétractation de ladite décision ou sauf si le Juge du Fond a statué autrement, que la . décision provisoire rendue par le Juge des référés de Première Instance ou d'Appel;
Que les décisions de la Cour d'Appel s'imposent au Juge de Première Instance;
Attendu qu'en définitive en raison de l'ensemble des motifs qui précèdent, il y a lieu de dire et juger que les saisies conserva- toires de créances querellées ont été autorisées par un Juge territorialement incompétent;
2 ° - SUR LA MAINLEVEE DES SAISIES CONSERVATOIRES DES CREANCES :
Attendu que l'examen du moyen précédent ayant révélé l'incompétence territoriale du juge ayant autorisé les saisies querellées;
Il y a lieu de dire qu’elles sont entachées d'irrégularités et d'ordonner par conséquent leur mainlevée pleine et entière;
3°- SUR L'ASTREINTE :
Attendu qu'en raison du caractère d'ordre public des règles de compétence d'une part, et en vue de prévenir toute nouvelle saisie postérieurement à notre décision, et en violation de la règle de la compétence territoriale sus-évoquée;
Il Y a lieu d'assortir notre ordonnance d'une astreinte comminatoire de 10.000.000 F CFA par jour de retard pour toute nouvelle saisie intervenue par mépris desdites règles;
PAR CES MOTIFS :
LE JUGE DES URGENCES :
Statuant par ordonnance contradictoire en matière commerciale et en premier ressort;
AU PRINCIPAL :
Renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront;
MAIS DES A PRESENT : VU L'URGENCE :
– Disons et jugeons que l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire des créances des sociétés INTERBOIS, GABON ROUTE TRANSPORT et DEFLANDRE Bertrand a été prise en violation des règles de compétence territoriales y relatives;
– En conséquence, ordonnons leur mainlevée pure et simple;
– Disons qu'en cas de nouVelle saisie conservatoire sur les créances ou biens meubles des requérants par mépris des règles de compétences territoriales y relatives, LOUBINOU sera tenu à une astreinte comminatoire de 10.000.000 F'CFA par jour, jusqu'à mainlevée desdites saisies; ,
– Ordonnons l'exécution sur minute de notre ordonnance avant enregistrement et nonobstant appel;
– Condamnons le défendeur aux dépens;
ET AVONS SIGNE AVEC LE GREFFIER./-