J-04-15
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – ARTICLE 13 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – PRETENTIONS EMISES CONTRE UNE PERSONNE DEPOURVUE DU DROIT D'AGIR (NON) – SOCIETE DE FAIT (OUI) – ART. 1200 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL BURKINABE – OBLIGATION IN SOLIDUM – FRACTIONNEMENT DE LA CREANCE (NON).
Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude.
On n'a pas à rechercher les associés d'une société avec laquelle on traite. C'est en cas d'inexécution que l'identité de ceux-ci devient importante en vue de l'engagement de leurs responsabilités. Dès lors, le fait pour des personnes d'apposer leurs signatures sur une décharge suffit à engager leurs responsabilités pleines et entières quand bien même cellesci se déclareraient étrangères à la société cocontractante; et même, si sur un plan purement formel, leurs noms ne figurent pas sur les documents de ladite société, il y a société de fait engageant leurs responsabilités solidaires.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 316 du 17 avril 2002, Société DONG FANG c/ Maison de la Come).
LE TRIBUNAL,
FAITS ET PROCEDURE
Par une ordonnance n° 465 du 30 mai 2001, la Présidente du Tribunal de grande instance de Ouagadougou a fait suite à la requête afin d'injonction de payer présentée par la Société DONG FANG représentée par son Directeur Général DONG FANG contre la Maison de la Corne représentée par OUEDRAOGO Mamoudou, TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain et portant sur une somme de 1.500.000 F;
Dans sa requête DONG FANG expliquait qu'il avait passé un contrat de fourniture de 4 tonnes de cornes noires et blanches avec la Maison de la Corne pour un montant de 2.900.000 F livrables au plus tard le 31 décembre 2000; que pour ce faire, il a versé au total 1.897.000 F à son cocontractant; que celui-ci a pu lui livrer la marchandise d'un montant de 367.000 F; que depuis lors, la Maison de la Corne s'est montrée incapable d'honorer le reste de ses engagements; que non seulement elle ne livra pas les cornes, mais ne restitua pas non plus le reliquat de la somme versée; qu'il invoque les dispositions de l'acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution;
L'ordonnance rendue le 30 mai 2001 a été notifiée les 13 juin et 12 juillet 2001 respectivement à NIKIEMA Romain et OUEDRAOGO Mamoudou; Contre ladite ordonnance, deux oppositions ont été formées, la première émanant de TOUGMA Faustin et NIKEMA Romain date du 26 juin 2001 et la seconde de OUEDRAOGO Mamoudou le 3 août 2001;
Dans leur opposition TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain expliquent qu'ils sont étrangers à ce contrat, qu'étant artisans spécialisés dans le traitement des cornes, ils ont été approchés par OUEDRAOGO Mamoudou, responsable de la Maison de la Corne pour un contrat de sous-traitance; que leurs tâches se résumaient à couper les cornes que Mamoudou leur apportait; que pendant les premiers moments, les cornes leur étaient régulièrement apportées; que par la suite, les livraisons se sont faites rares au point qu'ils étaient obligés eux-mêmes de chercher des cornes afin d'éviter les ruptures;
Les premiers opposants poursuivent qu'à nos jours, ils sont eux-mêmes victimes de OUEDRAOGO Mamoudou dans la mesure où le travail qu'ils ont abattu n'a pas été payé; que leur consentement a été surpris par Mamoudou OUEDRAOGO qui les a amenés à signer sur la décharge de 1.500.000 F; que d'ailleurs, sur ladite décharge Mamoudou OUEDRAOGO figure comme l'unique responsable de la Maison de la Corne; que les contrats ne produisant d'effets qu'entre les parties, ils concluent à leur mise hors de cause et demandent la condamnation de Mamoudou OUERDRAOGO à leur payer la somme de 350.000 F à titre de dommages et intérêts;
Dans son acte d'opposition, OUEDRAOGO Mamoudou invoque que la Maison de la Corne n'est pas une personne juridique; qu'elle ne peut donc valablement agir; que tous les actes de la procédure lui ont été pourtant notifiés; qu'il renvoie à la lecture de l'article 13 du code de procédure civile qui édicte « est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir »; que quant au fond, la Société DONG FANG n'ignore pas qu'il est en association avec TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain; qu'elle devrait donc opérer un partage et ne le poursuivre que pour sa part; qu'à ce titre, sa responsabilité se limite à 547.000 F;
Les deux oppositions ont été enrôlées respectivement à l'audience du 18 juillet et à celle du 22 août 2001, après l'échec des tentatives de conciliation; chacun des dossiers a été programmé à l'audience du 30 janvier 2002 puis renvoyé à celle du 6 mars, date à laquelle le Tribunal a ordonné la jonction des deux procédures avant de les mettre en délibéré au 17 avril 2002;
Advenue cette audience, le Tribunal a statué en ces termes :
DISCUSSIONS
SUR LA FORME
Attendu que les oppositions ont été formées dans les forme et délai prescrits par la loi, qu'il échet les recevoir et statuer sur leurs mérites;
AU FOND
Attendu qu'il est constant que la Société DONG FANG a passé un contrat avec la Maison de la Corne portant sur des cornes d'une valeur de 2.900.000 F; qu'un versement de 1.897.000 F a été fait; que la livraison n'a pu porter que sur 367.000 F;
Attendu qu'il n'est pas non plus contesté que OUEDRAOGO Mamoudou, NIKIEMA Romain et TOUGMA Faustin ont signé une décharge portant sur la somme de 1.500.000 F; qu'à nos jours, NIKIEMA Romain et TOUGMA Faustin réfutent toute appartenance à la Maison de la Corne et se réclament tiers au contrat initial;
Attendu qu'en traitant avec la Maison de la Corne, la Société DONG FANG n'avait pas à en rechercher les associés, que c'est en cas d'inexécution que l'identité de ceux-ci devient importante en vue de l'engagement de leurs responsabilités; que le fait pour TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain d'apposer leurs signatures sur la décharge de la somme versée suffit à engager leurs responsabilités pleines et entières quand bien même que ceux-ci se réclameraient étrangers à la société cocontractante; que même si sur un plan purement formel leur nom ne figure pas sur les documents de la Maison de la Corne, il y a société de fait engageant leurs responsabilités solidaires avec OUEDRAOGO Mamoudou;
Que le contrat de sous-traitance dont se prévalent NIKIEMA Romain et TOUGMA Faustin ne saurait être invoqué du seul fait que ces derniers ont signé la décharge; qu'il y a dès lors solidarité conformément aux articles 1200 et suivants du code civil; que la Société DONG FANG est donc fondée à réclamer le paiement de sa créance à chacun des défendeurs;
Attendu que TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain demandent subsidiairement le fractionnement de la créance; que ladite demande ne peut être accueillie, le créancier d'une obligation solidaire pouvant aux termes de l'article 1203 en réclamer le paiement intégral à l'un quelconque des codébiteurs;
Attendu que OUEDRAOGO Mamoudou soulève in limine litis l'irrecevabilité de la demande, motif pris de ce que la Maison de la Corne ne jouit pas de la personnalité juridique; que cet argument est inopérant; que s'il est vrai que la personnalité juridique commence avec l'inscription au registre du commerce et du crédit mobilier, formalité non accomplie par la Maison de la Corne, il est aussi vrai que c'est lui qui a signé le contrat sous cette appellation; que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude; qu'il échet passer outre cette exception;
Attendu que subsidiairement OUEDRAOGO Mamoudou invoque le bénéfice de la division; que la dette étant solidaire, aucune suite favorable ne peut être donnée à sa demande;
Attendu que TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain demande reconventionnellement la condamnation de OUEDRAOGO Mamoudou à leur payer la somme de 350.000 F représentant le reliquat de la somme due au titre du contrat de sous-traitance; qu'il échet les renvoyer à mieux se pourvoir, la présente cause ne pouvant se confondre à l'action récursoire que les codébiteurs solidaires ont après paiement de la dette commune.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
Ordonne la jonction de la présente procédure avec celle du R.G. n° 773/2001.
EN LA FORME
Reçoit OUEDRAOGO Mamoudou en son opposition.
AU FOND
Condamne la Maison de la Corne et ses représentants OUEDRAOGO Mamoudou, TOUGMA Faustin et NIKIEMA Romain à payer à DONG FRANG la somme de 1.530.000 F en principal, outre les intérêts de droit à compter du présent jugement.
Déboute DONG FANG du surplus de sa demande.
Condamne la Maison de la Corne et ses représentants aux entiers dépens.