J-04-151
VOIES D'EXECUTION – SAISIE-VENTE – SAISIE-VENTE DE DIVERS MATERIELS D'EQUIPEMENT MEDICAUX – ACTION EN DISTRACTION.
EXCEPTION DE CAUTION A FOURNIR PAR LES ETRANGERS – ARTICLES 123 ET 124 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – APPLICATION DE LA CAUTION EN MATIERE DE REFERE (NON) – REJET (OUI).
IRRECEVABILITE DE LA DEMANDE EN DISTRACTION – ARTICLE 141 ALINEA 2 AUPRSVE – NON-SIGNIFICATION DE LA DEMANDE – CAUSE D'IRRECEVABILITE (NON).
EXCEPTION D'INCOMPETENCE – CONTRAT DE VENTE – CLAUSE ATTRIBUTIVE DE JURIDICTION – ARTICLES 125 ET 127 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – OBLIGATION LEGALE DE PROPOSER L'INCOMPETENCE IN LIMINE LITIS – IRRECEVABILITE (OUI).
SURETES MOBILIERES – CONTRAT DE VENTE – CLAUSE DE RESERVE DE PROPRIETE – NANTISSEMENT DU MATERIEL SUR ACCORD DU VENDEUR – SURETE CONSENTIE AU CREANCIER SAISISSANT – DROIT DE SUITE – REALISATION DU MATERIEL – REJET DE LA DEMANDE EN DISTRACTION.
A l'examen des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 141 AUPRSVE, l'irrecevabilité n'est prévue que pour la demande en distraction qui ne contient pas de précisions sur les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué par le tiers. Les différentes significations prévues ne sont assorties d'aucune sanction.
Article 123, 124, 125 ET 127 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBO-DIOULASSO (BURKINA FASO), Ordonnance de référé n° 64 du 30 mai 2003, Société TIME INTERNATIONAL COL-LTD c/ Banque Internationale pour le Commerce, l'Industrie et l'Agriculture du Burkina (BICIA-B) & la Clinique Centrale du Houet).
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS DES PARTIES
Par exploit d'huissier en date du 12 mai 2003, la Société TIME INERNATIONAL a fait citer la BICIA-B et la Clinique Central du Houet en liquidation, à comparaître par-devant le juge des référés du Tribunal de grande instance de céans à l'effet de voir ordonner la distraction d'un appareil Scanner CT, model SCT-4800 TCZ, de marque SHIMADZU à son profit.
La Société TIME expose que le 10 juin 1999 elle a vendu au Docteur DEBE Zoumana et à monsieur Hussein EZZEDDINE un appareil scanner avec une clause de réserve de propriété jusqu'au règlement intégral du prix ainsi que l'atteste les articles 13 et 14 du contrat de vente n° 187 du 10 juin 1999 signé entre les parties; que ledit matériel a été affecté par les acheteurs à l'exploitation de la clinique centrale du Houet, SARL unipersonnelle; que le 20 février 2003, la BICIA-B, créancière de la clinique a pratiqué une saisie-vente de divers matériels d'équipement médicaux dont le scanner revendiqué; que la vente a été fixée au 14 mai 2003 suivant une annonce parue dans l'Observateur Paalga du 06 mai 2003; que cependant la saisie a été pratiquée contre la SARL Clinique Centrale qui n'a aucun droit de propriété sur ledit scanner dont les acquéreurs sont monsieur Hussein EZZEDDINE et le Docteur DEBE.
La Société TIME soutient que suite à la défaillance des acquéreurs dans le règlement du prix, les parties avaient amiablement convenu de la reprise du scanner par le fournisseur qu'il est et suivant accord en date du 04 décembre 2002; que c'est entre les mains de son mandataire que la BICIA-B a fait saisir et procéder à l'enlèvement de l'appareil par voie d'huissier; qu'il résulte clairement du contrat de vente du 20 juin 1999 et de l'accord du 4 décembre 2002 que la Clinique Centrale, débitrice saisie, n'est pas propriétaire du scanner; que l'unique et légitime propriétaire reste le fournisseur à savoir la Société TIME International; que c'est pourquoi elle sollicite qu'il soit fait droit à sa requête en application de l'article 141 alinéa 1er de l'acte uniforme OHADA portant recouvrement simplifié et voies d'exécution qui précise que le tiers qui se prétend propriétaire d'un bien saisi peut demander à la juridiction compétente d'en ordonner la distraction; que le juge de référé est compétent au regard de l'urgence et l'absence de contestation sérieuse (article 464 du code de procédure civile).
En réplique la BICIA-B soulève, avant tout débat au fond, deux exceptions, la première tirée de l'article 123 du code de procédure civile relative à la caution à fournir par les étrangers et la seconde, de l'article 141 de l'acte uniforme sur le recouvrement simplifié et les voies d'exécution (RSVE) sur la recevabilité de la demande aux fins de distraction;
La BICIAB fait valoir que la Société Time International est une société libanaise, installée au Liban; qu'en tant que demanderesse principale, elle est tenue, lorsque le défendeur le requiert, de payer la caution « judicatum solvi » que par ailleurs l'article 141 alinéa 2 de l'acte uniforme/RSVE précise : « à peine d'irrecevabilité la demande doit préciser les élément sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué. Elle est signifiée au créancier saisissant, ou saisi et éventuellement au gardien ... »; qu'en l'espèce l'assignation faite à la requête de la Société TIME n'a pas été notifiée au gardien de l'appareil saisi à savoir l'huissier instrumentaire; que partant la requête aux fins de distraction mérite d'être déclarée irrecevable.
Répondant aux exceptions soulevées la société TIME International reconnaît être une société de droit libanais, tout en précisant qu'elle a une représentation au Burkina; qu'en outre la caution judicatum solvi prévue à l'article 123 du code de procédure civile n'est exigée que devant le Tribunal et non devant le juge des référés; que s'agissant de l'irrecevabilité de la demande, cette exception doit être rejetée également car l'article 141 de l'acte uniforme/RSVE parle de signification faite éventuellement au gardien du bien saisi; qu'en tout état de cause elle n'avait pas connaissance de la désignation d'un séquestre.
Abordant le fond de la requête, les défendeurs concluent au rejet de celle-ci en faisant valoir que la Société TIME International a, par lettre en date du 15 novembre 1999 adressée au Directeur général de la BICIA-B, expressément donné son accord pour le nantissement de l'appareil scanner en précisant que « ce nantissement devra porter sur 50 % du coût total de l'appareil ... »; qu'elle ne peut donc plus se prévaloir de la clause de propriété contenue dans le contrat de vente du scanner.
La clinique centrale du Houet en liquidation fait remarquer que le point 15 du contrat de vente du scanner prévoit une clause attributive de juridiction qui précise qu'en cas de désaccord ou de litige entre les parties, « la juridiction compétente à trancher sur ceux-ci sera le Tribunal du Liban », que partant le juge burkinabè doit se déclarer incompétent.
DISCUSSION
I - SUR LES EXCEPTIONS DE PROCEDURE SOULEVEES
a) Sur la caution « judicatum solvi »
Attendu qu'aux termes de l'article 123 du code de procédure civile : « sous réserve de conventions et des accords internationaux, tous étrangers demandeurs principaux ou intervenants, sont tenus, si le défendeur le requiert avant toute exception, de fournir caution personnellement de payer les frais et dommages-intérêts auxquels ils pourraient être condamnés ».
Attendu qu'à la lecture, les dispositions dudit article semble être de portée générale en ce sens qu'il n'opère pas de distinction entre les diverses juridictions;
Attendu toutefois qu'il y'a lieu de faire remarquer que l'institution de cette caution vise essentiellement à garantir les frais et dommages auxquels le demandeur étranger s'expose; que cela est si vrai que l'article 124 suivant dispense le demandeur de fournir caution s'il justifie que les immeubles situés au Burkina Faso sont suffisants pour en répondre;
Attendu que l'application de la caution en matière de référé est difficilement concevable dans la mesure où des condamnations à des dommages-intérêts, ne peuvent être prononcées; que par ailleurs la caution est incompatible avec une procédure dont la célérité et l'urgence sont conditions essentielles (cf. Cézar-Bru et Hebraud, Traité des référés et des ordonnances sur requête, T. 1, n° 43);
Attendu qu'il convient des lors de rejeter l'exception caution à fournir par les étrangers soulevée par la BICIA-B;
b) Sur l'irrecevabilité de la requête
Attendu qu'à l'examen des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 141 de l'acte uniforme/RSVE, l'irrecevabilité n'est prévue que pour la demande en distraction qui ne contient pas de précisions sur les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué par le tiers; que les différentes significations prévues ne sont assorties d'aucune sanction;
Attendu qu'il y a lieu de relever en l'espèce que la requête a été signifiée au créancier saisissant et au débiteur saisi et que l'article 36 de l'acte uniforme/RSVE précise que le débiteur saisi est réputé gardien des objets saisis à moins que la juridiction compétente n'en ordonne sur requête la remise à un séquestre qu'il désigne conformément à l'article 103 du même acte uniforme; qu'en l'espèce l'huissier instrumentaire commis par le créancier saisissant et qui a été érigé en gardien du bien saisi ne subi aucun grief dès lors que le créancier a reçu signification de la demande en distraction; qu'il convient de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée;
c) Sur l'incompétence tirée de la clause attributive de juridiction
Attendu qu'à l'article 15 du contrat de vente du scanner, les parties ont convenu que les litiges qui naîtront seront tranchés par le Tribunal du Liban;
Attendu que cette clause relative à une incompétence ratione loci n'est pas d'ordre public contrairement à l'incompétence ratione materiae (article 127 code de procédure civile); que partant et conforment à l'article 125 du code de procédure civile l'incompétence territoriale doit être proposée in limine litis; qu'en l'espèce la Clinique Centrale du Houet a soulevé ladite exception après les débats sur le fond de la requête aux fins de distraction qu'il convient dès lors de la déclarer irrecevable;
2 - SUR LA MESURE SOLLICITEE
Attendu que la Société TIME International se fondant sur le contrat de vente du scanner contenant une clause de réserve de propriété sollicite, en tant que tiers propriétaire la distraction dudit appareil de la saisie opérée par la BICIA-B;
Attendu que de par cette clause le vendeur reste toujours propriétaire de la chose vendue; que c'est ainsi que la Société TIME Internationale propriétaire a par lettre du 15 novembre 1999 adressée à la BICIA-B, donné son accord express pour nantissement de son scanner à hauteur de 50 % du coût total de l'appareil;
Attendu que ladite sûreté a été consentie à la BICIA-B, tiers ayant garanti une partie des engagements des acheteurs envers le vendeur, la société TIME International; que c'est tout logiquement que faute de paiement à l'échéance, la BICIA-B, créancière nantie, exerce son droit de suite et procède à la réalisation du matériel;
Attendu qu'il convient dès lors de débouter la société TIME Internationale de sa requête aux fins de distraction;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en la forme des référés et en premier ressort;
Rejetons les exceptions soulevées par les défendeurs;
Déclarons la Société TIME International recevable;
La déboutons de demande;
Mettons les dépens à sa charge.