J-04-158
DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – NECESSITE D’UNE INDICATION DES ELEMENTS SUR LESQUELS SE FONDE LE DROIT DE PROPRIETE – CONSEQUENCE – OBLIGATION DE PRECISER LE MODE D’ACQUISITION DES BIENS.
Il résulte de l’article 141 AUPSRVE que le tiers qui se prétend acquéreur d’un bien saisi peut en demander la distraction à la condition de préciser les éléments sur lesquels il se fonde pour établir son droit de propriété, ce qui suppose l’établissement du mode d’acquisition du bien dont la distraction est poursuivie.
Article 141 AUPSRVE
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, AUDIENCE PUBLIQUE ORDINAIRE N° 226 DU 31 JANVIER 2001, SOGEI SARL, Matar DIAGNE, Kikou TOURE c/ IMMOTROPIC SARL, Joseph COLLURE, Gnagna SECK).
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier;
OUI les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que suivant exploit en date des 29 septembre & 2 octobre 2000, servi par Me Bernard SAMBOU, Huissier de justice à Dakar, la Société Générale d’Equipement Industriel dite SOGEI et les sieurs Matar DIAGNE & Kikou TOURE ont fait assigner la Société IMMOTROPIC SARL, le sieur Joseph COLLURE & la dame Gnagna SECK, Huissier de justice à Dakar, en distraction des objets saisis suivant procès verbal du 7 août 2000;
1° / EN LA FORME
ATTENDU que l’action a été introduite dans les forme et délai prescrits par la loi; qu’il échet de la déclarer recevable;
2° / AU FOND
ATTENDU que suivant conclusions en date du 15 janvier 2001, les demandeurs ont soutenu que les biens saisis suivant procès verbal du 07 août 2000 en vertu d’un jugement de condamnation du sieur Joseph COLLURA en date du 3 juin 1999 ne sont pas la propriété de ce dernier; qu’ils ont fait valoir que la facture délivrée par la Société Internationale Trading du 28 mai 2000 prouve à suffisance que l’ordinateur PC occasion de marque EL 20 Fexan 909, l’imprimante Hawlet Packard Desk Jet 610 C couleur, de même que les photocopieuses de marques respectives RICOH FT 313 & CANON PC 7 type F 12/200 appartiennent à la SOGEI, que les groupes électrogènes de puissances 125 & 165 KW sont la propriété du sieur TOURE qui les avait remis à la SOGEI suivant protocole d’accord du 3 juillet 2000 alors que par acte du 18 juillet 2000 fait à Pikine, le sieur Matar DIAGNE avait confié son groupe électrogène de puissance 120KWA à la SOGEI aux fins de le lui vendre, qu’il est précisé que la SOGEI reçoit, en dehors de ses activités principales, des particuliers, du matériel qu’elle vend pour leur compte moyennant commissions; qu’ils ont également soutenu que le compresseur d’air SRE saisi par procès verbal de recollement du 25 septembre 2000 appartient à la SOGEI, elle-même, en faisant valoir que cette propriété ne peut être discuté au vu de la facture établie par la GPL en date du 29 juin 2000 de laquelle il ressort que la GPL a vendu à la SOGEI un compresseur XAS 125 Atlas COPCO au prix de 30.000 frs; qu’ils ont produit à l’appui de leurs prétentions divers en pièces, notamment un procès verbal de saisie vente en date du 17 avril 2000, un procès verbal de recolement du 25septembre 2000, un protocole d’accord du 3 juillet 2000, une attestation du 18 juillet 2000, une facture établie par AFAFA International Trading le 28 mai 2000, un procès verbal de constat du 25 septembre 2000 et une facture du 29 juin 2000 délaissée par la GPL;
ATTENDU qu’en réplique, la Société Immotropic a rétorqué dans ses écritures du 15 janvier 2001 qu’aucune mention relative au paiement ne figure sur les factures produites et aucun reçu n’a été joint, ce qui remet en cause la sincérité même de ces pièces; qu’elle a fait valoir que les factures ne sauraient à elles seules constituer des preuves de la propriété réelle des objets; qu’elle a ajouté que le sieur Kikou TOURE qui a produit un protocole d’accord qui ne révèle en rien l’origine des biens qu’il revendique, n’a pas rapporté la preuve qu’il est le réel propriétaire du groupe électrogène saisi; que de surcroît, le procès verbal de saisie précise que les groupes saisis sont de puissances respectives de 80 KW, 210 KWA et 125 KWA alors que ces références ne correspondent pas aux spécifications des groupes électrogènes objet du protocole d’accord signé entre le sieur TOURE & la SOGEI qui sont respectivement de 125 KWA alors que la puissance du troisième groupe n’est pas précisée; qu’elle a également fait remarquer que l’attestation dans laquelle le sieur DIAGNE prétend avoir remis en dépôt vente un groupe électrogène de 210 KWA Moteur Berliet à la SOGEI nE prouve pas absolument que ce dernier en est le réel propriétaire dès lors qu’elle n’est accompagnée d’aucun reçu d’achat à son profit émanant d’une personne physique ou morale pouvant considérer ses allégations;
QU’elle a enfin fait valoir que les pièces versées aux débats par les demandeurs ne respectent pas les conditions de forme requises par le décret 780 du 23 juillet 1976, notamment en son article 59 repris par l’article 38 de l’Acte Uniforme relatif au droit commercial général, à savoir la précision des numéro et lieu d’immatriculation des biens;
ATTENDU qu’il est constaNt comme cela résulte du procès verbal de saisie vente du 7 avril 2000 qu’en vertu du jugement correctionnel en date du 3 juin 1999 ayant condamné le sieur Joseph COLLURA à payer la somme de 13 millions de francs à titre de dommages et intérêts avec exécution provisoire à hauteur de 11 millions de francs, la Société Immotropic a fait saisir entre les mains de la SOGEI trois groupes électrogènes de puissances respectives de 80 KWA, 210 KWA & 125 KWA, un micro-ordinateur EL 20 au complet et une photocopieuse petit modèle de marque CANON;
ATTENDU qu’en vertu de l’article 141 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut en demander la distraction à la condition toutefois de préciser les éléments sur lesquels il se fonde pour établir son droit de propriété invoqué; qu’il s’infère de ces dispositions que le tiers doit préciser le mode d’acquisition du bien dont la distraction est poursuivie;
ATTENDU qu’il importe de faire observer que l’omission des mentions prescrites par l’article 38 de l’Acte Uniforme sur le droit commercial général à toute personne physique ou morale immatriculée au registre du commerce ne peut aucunement avoir pour effet de dénuer les factures qui ne les comportent pas leur force probante en l’absence de texte qui la sanctionne;
ATTENDU d’une part que le protocole en date du 3 juillet 2000 dont se prévaut le sieur Kikou TOURE pour établir sa propriété sur les groupes électrogènes de puissances respectives de 125 KWA & 165 KWA ne peut aucunement valoir titre de propriété sur ces dits biens, qu’il s’y ajoute qu’aucun des groupes électrogènes saisis suivant le procès verbal du 7 avril 2000 n’a une puissance de 165 KWA;
ATTENDU qu’il en est de même de l’acte du 18 juillet 2000 invoqué par le sieur Matar DIAGNE pour revendiquer le groupe électrogène d’une puissance de 210 KWA; qu’il échet de rejeter la demande de distraction des biens;
ATTENDU à contrario qu’il résulte de la facture n° F. 134/2000/05 en date du 28 mai 2000 que la SOGEI a acquis auprès de la AFAFA International Trading diverses machines informatiques dont un ordinateur PC occasion de marque EIZO Flexcan 90705 à 181 000 Frs et une photocopieuse occasion de marque CANON PC-7 à 400 000 Frs; que ces biens correspondant exactement à ceux qui figurent tant sur le procès verbal de saisie vente du 7 avril 2000 que sur le procès verbal de recolement du 25 septembre; qu’ainsi ladite facture établit à suffisance le droit de propriété de la SOGEI sur ces dits biens;
QU’il échet d’ordonner leur distraction à son profit;
ATTENDU par ailleurs que la facture n° 0006/15 délivrée par la GPL à la SOGEI le 29 juin 2000 établit la propriété de celle-ci sur le compresseur saisi figurant sur le procès verbal de recolement est de marque SRE; qu’il échet par conséquent de rejeter la distraction de ce bien;
PAR CES MOTIFS
STATUANT publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME :
Reçoit l’action;
AU FOND :
ORDONNE la distraction au profit de la SOGEI de l’ordinateur de marque EIZO FLexan et de la photocopieuse de marque CANON PC-7, saisis suivant procès verbal de saisie vente du 7 août 2000;
DEBOUTE les demandeurs du surplus de leurs demandes;
ORDONNE en conséquence la continuation des poursuites pour les objets saisis non distraits;
MET les dépens à la charge des demandeurs;
Ainsi fait jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus;
ET ont signé le Président et le Greffier. /.
Observations de Ndiaw DIOUF, agrégé des Facultés de droit, Directeur du CREDILA
Il arrive très souvent qu’une saisie pratiquée par un créancier porte sur des biens appartenant à un tiers. Or, il ne faut pas qu’un tiers subisse les effets de la saisie alors qu’il n’est pas personnellement tenu de la dette. C’est la raison pour laquelle l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution a prévu, au profit du tiers qui se prétend titulaire d’un droit réel sur un ou plusieurs meubles saisis, une action particulière appelée action en distraction d’objets saisis.
Pour éviter cependant des actions fantaisistes, le législateur communautaire a, dans l’article 141 AU/RVE, subordonné la demande à des conditions très strictes. Il résulte de ce texte que celui qui exerce l’action doit préciser dans sa demande « les éléments sur lesquels se fonde le droit de propriété invoqué. A défaut d’indication de ces éléments, la demande doit être déclarée irrecevable.
Il convient d’observer que, même si le texte ne le prévoit pas expressément, le demandeur en distraction doit également fournir les preuves du bien-fondé de sa revendication ainsi que les pièces justificatives dont il dispose.
L’issue de la procédure dépendra des preuves produites : si les éléments de preuve sont de nature à justifier la propriété des biens, la saisie sera sans effet s’agissant des biens revendiqués; dans le cas contraire, la saisie poursuivra son cours.
Le Tribunal Régional de Dakar a, dans le jugement du 31 janvier 2001 ci-dessus reproduit, fait application de ces règles mais sans faire la distinction entre la recevabilité de la demande qui dépend des indications qu’elle contient et le bien fondé qui est subordonné à la pertinence des preuves produites.