J-04-159
DISTRACTION D’OBJETS SAISIS – – PREUVE DE LA PROPRIETE DES BIENS – PRODUCTION DE DOCUMENTS ETABLIS UNILATERALEMENT PAR LE DEMANDEUR ET N’AYANT PAS DATE CERTAINE – REJET DE LA DEMANDE EN L’ABSENCE DE TOUTE AUTRE PIECE JUSTIFICATIVE.
Il y a lieu de rejeter la demande en distraction lorsqu’en l’absence de pièces justificatives du droit de propriété qu’il allègue, le demandeur qui se borne à produire des documents qu’il a lui-même établis, ne prouve pas suffisamment ses prétentions, alors surtout que la clause de réserve de propriété qu’il prétend avoir stipulée dans le contrat ne peut opérer faute de publicité.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, JUGEMENT N° 117 DU 15 JANVIER 2002, Ali MEHSEIN c/ Société ULMAN, Jamal SALEH, Me Ndèye Tegue FALL LO et Me Mademba GUEYE).
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
JUGEMENT N° 117 DU 15 JANVIER 2002
LE TRIBUNAL
VU les pièces du dossier;
OUI les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère Public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi :
Attendu que par exploit du 3 juillet 2000, Aly MEHSEIN a assigné la Société ULMAN, JAMAL SALEH et Ndèye Tégue FAll LO, Huissier en distraction d’objets saisis, et ce sous le bénéfice de l’exécution provisoire;
Attendu que par écritures du 29 janvier 2001, la société ULMAN sollicite 2 000 000 francs à titre de dommages intérêts pour procédure abusive et l’exécution provisoire;
EN LA FORME :
Attendu que les demandes principales et incidentes sont recevables pour avoir été introduites dans les forme et délai légaux;
AU FOND :
Attendu que par écritures du 24 juillet 2000, Ali MEHSEN expose que depuis plusieurs années, ses relations contractuelles avec Jamal SALEH s’effectuent suivant la formule du contrat dépôt vente; qu’en tant que grossiste, il remet une certaine quantité de marchandises au dépositaire; que celui-ci les met en vente et, au fur et à mesure qu’il enregistre des rentrées financières, il verse le prix convenu au déposant, et le reliquat constitue sa marge bénéficiaire; que chaque opération est matérialisée par un bon de dépôt spécifiant de façon précise et détaillée la quantité de marchandise, le prix unitaire et le prix total; qu’en outre, le contrat initial comporte une clause de réserve de propriété puisque si la marchandise déposée reste invendue pendant une certaine période, le déposant a la faculté de la retirer pour la vendre à sa guise à d’autres commerçants détaillants; qu’ainsi les marchandises déposées restent sa propriété exclusive et qu’il convient par conséquent de les distraire de la saisie;
Attendu que par écritures du 29 janvier 2000, la société ULMAN indique que le contrat et la facture produite sont établis sur papier libre et n’ont fait l’objet d’aucun enregistrement et n’ont donc aucune date certaine; que s’agissant de marchandises importées, le demandeur devrait produire les factures reçues de ses propres fournisseurs ainsi que les documents de dédouanement pouvant seuls présenter une relative fiabilité, qu’à défaut de simples documents sous seing privé, sans authenticité et sans date certaine, ne sauraient en aucune manière lui être opposables;
Attendu que le défendeur souligne en outre qu’il y a une collusion manifeste entre les sieurs MEHSEN et SALEH justifient ainsi le débouté mais également sa demande reconventionnelle pour procédure abusive;
Attendu que la facture produite est unilatéralement établie par le demandeur; qu’elle ne comporte pas de date certaine, qu’il en est de même du contrat versé au dossier; que ce contrat ne spécifie pas les marchandises objet du dépôt-vente pour qu’une identité certaine avec celles saisies soit établie; qu’en l’absence de toutes autres pièces justificatives de son droit de propriété allégué, notamment de factures émanant de ses propres fournisseurs ou de documents délivrés par l’administration des douanes justifiant leur importation, le demandeur ne prouve pas suffisamment ses prétentions, alors surtout que la clause de réserve de propriété qu’il prétend avoir stipulée dans le contrat ne peut en aucun cas opérer faute de publicité dans les conditions des articles 59, 60 et 63 de l’Acte Uniforme sur le droit commercial général; qu’il échet donc de le débouter de toutes demandes;
Attendu que la seule insuffisance de preuve de la propriété ne suffit pas à établir une collusion frauduleuse entre le revendiquant et le débiteur saisi d’autant plus que le créancier saisissant n’apporte aucun élément de preuve dans ce sens; qu’il échet donc de le débouter de sa demande reconventionnelle;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en premier ressort;
Reçoit en la forme les demandes principales et incidentes;
AU FOND :
Déboute Ali MEHSEIN et la société ULMAN de leurs demandes respectives;
Condamne Ali MEHSEIN aux dépens;
Ainsi fait jugé et prononcé, les jour, mois et an que dessus;
Et ont signé le Président et le Greffier. /.
Observations de Ndiaw DIOUF, agrégé des Facultés de droit, Directeur du CREDILA
Lorsqu’un tiers qui n’est pas personnellement tenu estime que des biens qui lui appartiennent sont englobés dans une saisie-vente, il peut exercer une action en distraction. Il faut cependant, pour qu’une telle action puisse prospérer, qu’il apporte la preuve de son droit de propriété. Si les moyens de preuve n’établissent pas suffisamment son droit de propriété, la demande doit être rejetée. C’est ce que rappelle le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar dans le jugement ci-dessus reproduit.
Il a décidé de rejeter une demande formulée par un tiers qui s’est borné à produire des documents établis par ses soins et n’ayant pas date certaine. Le Tribunal a rappelé au passage que la clause de réserve de propriété invoquée par le demander est tout aussi inopérante puisqu’elle n’est pas opposable au tiers faute de publicité.