J-04-161
1/ SAISIE IMMOBILIERE – JUGEMENT STATUANT SUR DES INCIDENTS – JUGEMENT AYANT STATUE SUR DES DIRES FONDES A LA FOIS SUR L’INEXISTENCE DE LA CREANCE, L’ABSENCE DE TITRE EXECUTOIRE ET LA VIOLATION DES FORMALITES PRESCRITES PAR LES ARTICLES 269 ET 270 AU/RVE – APPEL – RECEVABILITE MAIS SEULEMENT EN CE QUI CNCERNE LES DISPOSITIONS DU JUGEMENT STATUANT SUR L’EXISTENCE DE LA CREANCE.
2/ SAISIE IMMOBILIERE – SAISIE DIRIGEE CONTRE LA CAUTION HYPOTHECAIRE – EXTINCTION DU PRET GARANTI – ANNULATION DE LA PROCEDURE (Oui).
1/ Lorsque le jugement rendu en audience éventuelle a statué sur des dires fondés à la fois sur l’inexistence de la créance invoquée, l’absence de titre exécutoire et la violation des formalités prescrites par les articles 269 et 270 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, l’appel est recevable mais seulement en ce qui concerne ses dispositions statuant sur l’existence de la créance.
2/ Il y a lieu d’annuler la procédure de saisie immobilière dirigée contre la caution hypothécaire lorsque celle-ci soutient sans être démentie que le prêt qu’elle a garanti est intégralement remboursé.
(COUR D’APPEL DE DAKAR, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE 1, ARRET N° 340 DU 15 JUIN 2001, Société Sénégal Construction International c/ Sérigne GAYE et Amady Damy BA).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
OUÏ les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusion;
Après en avoir délibéré conformément à la loi :
Statuant sur l’appel formé les 17 et 18 juillet 2000 par la Société Sénégal Construction International, en abrégé S.C.I, et les sieurs Sérigne GAYE et Amady Damy BA du jugement rendu le 4 juillet 2000 et par le juge des criées du tribunal Régional de Dakar, dont le dispositif est ainsi conçu :
« Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de saisie immobilière et en premier ressort;
En la forme :
Déclare les dires recevables;
AU FOND :
Les rejette;
Dit que la vente de l’immeuble objet du T.F. n° 29.677/DG sera poursuivie à l’audience du 29 août 2000 »;
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l’appel
Considérant qu’au soutien de leurs recours, les appelants font reproche au premier juge d’avoir rejeté leurs dires articulés autour de l’inexistence de la créance invoquée en fondement de la saisie, du défaut du titre exécutoire du saisissant, ainsi que la violation des formalités prescrites par les dispositions des articles 269 et 270 de l’Acte Uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
Mais constatant qu’en application de l’article 300 du Code de Procédure Civile, il échet de déclarer l’appel recevable contre les seules dispositions du jugement statuant sur l’existence de la créance;
Qu’il échet de le déclarer irrecevable pour le surplus
AU FOND :
Considérant qu’il est constant que se disant créancier de Amady Damy BA pour la somme en principal de 30 320 873 francs, Maguette WADE a poursuivi devant le juge des criées du Tribunal Régional de Dakar la vente forcée de son immeuble objet du T.F n° 34677/DG appartenant à Amady Damy BA;
Considérant qu’au soutien de leurs recours, les appelants exposent que la S.C.I. a bénéficié de deux prêts au niveau de la Banque Islamique du Sénégal dite B.I S. :
un premier prêt de 25 000 000 francs garanti jusqu’à hauteur de 35 000 000 francs par le cautionnement hypothécaire qu’il lui a consenti;
un deuxième prêt de 62 000 000 francs garanti cette fois par le cautionnement personnel et solidaire de Maguette WADE;
Qu’après avoir payé l’intégralité du premier prêt et la moitié du second, la SCI restait devoir la somme de 30 320 873 francs à la BIS, qui a fait jouer la garantie du sieur WADE pour recouvrer le reliquat de sa créance; que le sieur WADE ayant donc payé au titre de son cautionnement personnel et solidaire, la somme de 30.820.873 francs, a estimé être subrogé dans les droits de cette dernière, et a fait servir le commandement qui a donné lieu au jugement entrepris;
Que pour conclure à l’infirmation du jugement et à l’annulation de la procédure de vente, ils soutiennent que la subrogation dont se prévaut Maguette WADE ne saurait avoir d’effet à l’encontre de Amady Damy BA puisque aussi bien ce dernier n’a jamais garanti la créance dont le recouvrement est poursuivi;
Considérant que Maguette WADE pour sa part conclut à la confirmation du jugement;
SUR CE :
Considérant que les allégations des appelants quant à l’existence de deux créances distinctes, objets de garanties distinctes sont confortées par les documents produits aux débats :
Qu’en effet, il résulte d’une part de la copie exécutoire de l’acte d’ouverture de crédit passé les 10 et 13 novembre 1997 par devant Me Amadou M. NDIAYE notaire à Dakar, du certificat d’inscription en date du 28 novembre 1997, et du bordereau analytique en même date qui s’y trouve annexé, que la BIS a consenti un premier financement de 25 000 000 francs à la SCI, avec cautionnement hypothécaire de Amady Damy BA, consenti sur le TF n° 24677/DG, à hauteur de 35 000 000 francs, et d’autre part de la correspondance en date du 20 juin 2000 adressée par la banque à la SCI, de l’acte de nantissement de compte d’investissement en date du 18 mars 1998 et de l’acte de cautionnement personnel et solidaire en même date, que la SCI a bénéficié d’un second financement de 62.000.000 francs accordé par la même banque le 6 juin 1997, garanti cette fois par le nantissement accordé par Maguette WADE sur ses comptes d’investissement, ainsi que par son cautionnement personnel et solidaire;
Considérant que ces documents n’ont pas été contestés;
Considérant que Amady Damy BA soutient sans être démenti que le seul prêt qu’il a garanti a été intégralement remboursé, et que c’est en recouvrement du reliquat du second prêt que la BIS a fait jouer la garantie de Maguette WADE; qu’au demeurant, la garantie de WADE n’a pu l’être qu’au titre de ce prêt, le seul qu’il ait garanti;
Considérant cela étant, que les effets de la subrogation, conventionnelle ou légale, ne peuvent à l’évidence être utilement invoqués qu’à l’encontre de personnes pour le moins obligés à la dette dont elle est l’effet du paiement;
Que tel n’étant le cas en l’espèce, il échet de dire que c’est à tort que le premier juge a rejeté les dires des appelants;
Qu’il échet d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau, d’annuler la procédure de vente;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de criées et en dernier ressort;
Déclare l’appel recevable contre les chefs de jugement relatifs au principe de la créance;
Le déclare irrecevable pour le surplus;
AU FOND
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions;
Et statuant à nouveau, annule la procédure de vente poursuivie par Maguette WADE sur le T.F n° 24677 /DG appartenant à Amady Damy BA;
Condamne WADE aux entiers dépens;
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d’Appel de Dakar, Chambre civile et Commerciale en son audience publique et ordinaire du 15 juin 2001 séant au Palais de Justice de ladite ville Bloc des Madeleines à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Abdoulaye NDIAYE, Conseillers et avec l’assistance de Me El Hadji Boun Malick DIOP, Greffier;
Et ont signé le Président et le Greffier. /.
Observations de Ndiaw DIOUF, agrégé des Facultés de droit, Directeur du CREDILA.
L’appel est une voie de recours hiérarchique et lorsqu’il est exercé, l’affaire passe de la juridiction du premier degré à la juridiction du second degré avec toutes les questions de fait et de droit qu’elle comporte. Il faut dire cependant que la saisine de la juridiction d’appel est doublement limitée :
– d’une part, par l’acte d’appel puisque le juge d’appel n’est saisi que des dispositions du jugement critiquées par l’appelant(1);
– d’autre part, par l’étendue de la saisine du premier juge, les parties ne pouvant soumettre au juge d’appel, en raison de la règle de l’interdiction des demandes nouvelles, des questions qui n’ont pas été soulevées en première instance(2).
En matière de saisie immobilière, il faut ajouter une troisième limite; elle tient à la nature des moyens soulevés à l’occasion de l’audience éventuelle. C’est la leçon que l’on peut tirer de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Dakar le 15 juin 2001.
Des saisis avaient, dans leurs dires, soulevé des moyens tirés à la fois de l’inexistence de la créance, de l’absence de titre exécutoire et de la violation des formalités prescrites par les articles 269 et 270 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Saisie de l’appel formé par les disants contre le jugement qui a rejeté les dires , la Cour d’appel a, s’appuyant sur les dispositions de l’article 300 alinéa 2 de l’Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution(3) (4), déclaré ce recours recevable, mais seulement en ce qui concerne les dispositions du jugement statuant sur l’existence de la créance. Une manière de dire que si le jugement rendu à l’audience éventuelle a statué sur des moyens visés par l’article 300 et des moyens non visés par ce texte, la saisine de la juridiction d’appel est limitée aux seules dispositions statuant sur les premiers. Cette décision est, à notre avis, tout à fait fondée car la recevabilité de l’appel est appréciée en fonction des moyens soumis aux premiers juges.
Il convient cependant d’observer que même si la saisine est limitée à certaines dispositions du jugement attaqué, la juridiction d’appel peut, si l’appel est fondé, infirmer ce jugement dans toutes ses dispositions. C’est ce qu’a rappelé la Cour d’appel dans l’arrêt susvisé. La caution hypothécaire dont l’immeuble était saisi et qui faisait partie des appelants a soutenu, sans être démentie, que le seul prêt qu’elle avait garanti a été intégralement remboursé. La Cour d’appel en a déduit que c’est à tort que les premiers juges ont rejeté les dires(5) et qu’il y avait lieu d’infirmer le jugement dans toutes ses dispositions et d’annuler la procédure.