J-04-163
1°/ SAISIE CONSERVATOIRE – SAISIE PRATIQUEE AU DOMICILE DU DEBITEUR EN PRESENCE D’UN TIERS – APPLICATION DES DISPOSITIONS REGISSANT LA SAISIE ENTRE LES MAINS D’UN TIERS (NON).
2°/ SAISIE CONSERVATOIRE – PROCEDURE DE VALIDATION (NON) – CONVERSION (Oui).
1°/ Lorsque la saisie est pratiquée par le créancier au domicile d’un tiers en présence d’un tiers, les dispositions régissant la saisie entre les mains d’un tiers ne sont pas applicables.
2°/ Les articles 69 et suivants de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’ayant institué que la conversion de la saisie conservatoire en saisie exécutive, il n’y a pas lieu de rejeter la demande en validation introduite par le saisissant.
Article 69 AUPSRVE ET SUIVANTS
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, JUGEMENT N° 1860 DU 21 NOVEMBRE 2000, Christian DERING c/ Ousseynou SOW).
LE TRIBUNAL,
VU les pièces du dossier;
OUI les Avocats des parties en leur déclaration respective;
Le Ministère Public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi :
ATTENDU que par exploit en date du 28 octobre 1999 de Me Elizabeth TINE, Huissier de Justice à Dakar, Christian DERING a assigné Ousseynou SOW en déclaration de responsabilité, paiement de la somme de 1.123.572 F CFA au titre de réparation de véhicule, outre les frais et intérêts de droit à compter de l’assignation et validation de la saisie conservatoire pratiquée;
QU’en outre, l’exécution provisoire de l’action de Christian DERING introduite dans les forme délai de la loi doit être déclarée recevable;
AU FOND :
1°) SUR LES FAITS :
ATTENDU qu’il est constant comme il ressort du procès-verbal établi par le Commissaire Central de Dakar le 3 avril 1999 que ledit véhicule immatriculé sous le numéro DK 4….. L appartenant à Ousseynou SOW et conduit par Papa Abdoulaye FAYE a heurté le véhicule immatriculé sous le numéro DK-5277-M appartenant à Christian DERING qui était en stationnement dans le parking de l’immeuble SORANO et alors que le conducteur du premier véhicule manœuvrait pour se garer et que les coupelles de ses freins lâchaient, occasionnant ainsi des dommages au véhicule de DERING;
2°) SUR LA RESPONSABILITE :
ATTENDU que la responsabilité de Ousseynou SOW est recherchée sur le fondement de l’article 137 du COCC qui met à la charge du maître de la chose une responsabilité de plein droit qui ne peut être écartée ou atténuée que par le fait d’un tiers, la faute de la victime ou la force majeure;
ATTENDU que Ousseynou SOW s’en rapporte à la sagesse du Tribunal;
ATTENDU que la responsabilité de Ousseynou SOW ne peut être discutée, l’accident étant survenu au cours d’une manœuvre de son préposé, les freins du véhicule accidenteur ayant lâché;
QU’il échet dès lors de le déclarer entièrement responsable de l’accident survenu le 3 avril 1999 sur le fondement de l’article 137 du COCC;
3°) SUR LA REPARATION :
ATTENDU que Christian DERING sollicite la condamnation de Ousseynou SOW à lui payer la somme de 1.123.572 F CFA au titre de la réparation de son véhicule estimée par le devis de réparation établi par la SEAS;
ATTENDU que Ousseynou SOW estime que les dommages consistant en une portière enfoncée comme déclaré par son préposé, les Policiers Enquêteurs n’ayant relevé aucun dégât matériel d’une importance incertaine, ne peut valoir une réparation d’un montant de 1.123.572 F CFA;
QUE selon lui, le devis estimatif en date du 8 juillet 1999 établi par la SEAS ne présente aucune sincérité, que pour la réparation de la portière avant droit enfoncée, il est prévu un remplacement avec ajustement de la porte, la peinture pour une main d’œuvre de 16 heures pour un montant de 156.400 F CFA contrairement au devis qui fixe pour le même travail avec des fournitures diverses, la somme de 879.175 F CFA;
QU’il a sollicité en conséquence que le devis soit écarté des débats et que soit ordonné une expertise à la charge de Christian DERING pour évaluer les dégâts et fixer leur coût;
ATTENDU qu’il résulte du procès-verbal de police que les dégâts consistent en une portière avant enfoncée éraflée et trouée;
QUE l’examen du devis établit par la Société Etoile Automobile Sénégal dite SEAS laisse apparaître que l’estimation des réparations porte sur une porte avant droite, le coût des divers travaux étant fixée à la somme de 1.123.572 F CFA;
ATTENDU que Ousseynou SOW ne justifie pas que le devis ne porte pas sur les dégâts effectivement matérialisés par le procès-verbal de police;
QU’il échet dès lors de dire qu’il n’y a pas lieu à ordonner une expertise et de le condamner à payer à Christian DERING, la somme de 1.123.572 F CFA à titre de réparation de son véhicule, outre les frais et intérêts de droit à compter de la date de l’assignation;
4°) SUR LA VALIDATION DE LA SAISIE CONSERVATOIRE :
ATTENDU que Christian DERING fait valoir que le véhicule de SOW circulait sans assurance; que n’ayant aucune garantie pour le paiement du montant nécessaire à la remise en état de son véhicule, il sollicite la validation de la saisie conservatoire pratiquée le 30 septembre 1999;
ATTENDU qu’en revanche, Ousseynou SOW sollicite l’annulation du procès-verbal de saisie en date du 30 septembre 1999 qui serait établi en violation des articles 105, 107, 110, 112 et 114 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, ces dispositions prévoyant à peine de nullité, la justification d’une copie du procès-verbal de saisie au débiteur lui-même huit jours après la saisie;
QUE selon lui, les articles 112 et 114 protègent le droit des tiers à refuser la garde des biens saisis, l’éventualité d’un recours à un séquestre, la possibilité d’exercice d’un droit de rétention; que l’article 105 dudit Acte Uniforme dispose que lorsque la saisie porte sur des biens qui sont détenus par un tiers et dans les locaux d’habitation de ce dernier, elle doit être autorisée par la juridiction du lieu où sont situés les bien s;
ATTEND qu’il convient de relever avec Christian DERING, que la saisie sur le véhicule de SOW a été pratiquée suivant exploit en date du 30 septembre 1999 au domicile de Ousseynou SOW où l’huissier a trouvé Allé FALL son beau-frère; que donc les dispositions qui concernent la saisie entre les mains d’un tiers sont inapplicables en l’espèce; qu’il échet dès lors de rejeter le moyen tiré de l’annulation du procès-verbal de saisie conservatoire;
ATTENDU toutefois que ladite saisie est régie par les dispositions de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement; Christian DERING devra se conformer aux dispositions des articles 69 et suivants instituant la conversion de la saisie conservatoire en saisie-vente; qu’il n’y a donc pas lieu à valider la saisie;
5°) SUR l’EXECUTION PROVISOIRE :
ATTENDU qu’il y a urgence pour que le véhicule de DERING soit remis en état; qu’il échet d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement jusqu’à concurrence de la somme de 500.000 F CFA;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort :
EN LA FORME :
Reçoit l’action de Christian DERING.
AU FOND :
Déclare Ousseynou SOW entièrement responsable de l’accident survenu le 3 avril 1999 sur le fondement de l’article 137 du COCC;
Le condamne à payer à Christian DERING la somme de 1.123.572 Francs à titre de réparation de son véhicule outre les frais et intérêts de droit à payer à compter de la date de l’assignation.
Dit n’y avoir pas lieu à valider la saisie conservatoire;
Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement jusqu’à concurrence de la somme de 500.000 F CFA.
Condamne Ousseynou SOW aux dépens.
OBSERVATIONS
Par Ndiaw DIOUF, agrégé des Facultés de droit, Directeur du CREDILA
1.123.572 F CFA : c’est la somme réclamée par le propriétaire d’un véhicule pour la réparation d’une porte enfoncée à la suite d’un accident de la circulation. Une telle somme peut paraître excessive au regard des dégâts causés. C’est du moins le sentiment du défendeur à l’action qui a réclamé une expertise pour une détermination plus juste de l’indemnité. Le Juge n’a accédé à cette demande. Il appartient à d’autres de dire si le prix d’une portière de voiture peut se chiffrer en millions de francs.
Pour notre part, nous nous bornerons à jeter un regard sur le problème sous-jacent, à savoir le problème des suites de la saisie conservatoire qui avait été pratiquée par le propriétaire du véhicule endommagé. Se fondant sur ce que le véhicule circulait sans assurance et qu’il n’avait aucune garantie de paiement des sommes nécessaires pour la remise en état du véhicule, il avait demandé au Tribunal la validation de la saisie conservatoire pratiquée.
Le défendeur, en ce qui le concerne, a fait valoir que les dispositions régissant la saisie entre les mains d’un tiers n’ont pas été respectées et qu’il y avait lieu d’annuler la saisie ainsi pratiquée. Ce système ne pouvait pas prospérer car, comme l’a justement rappelé le Tribunal, il n’y a pas lieu d’appliquer en l’espèce les dispositions régissant la saisie pratiquée entre les mains d’un tiers. En effet, la saisie a été pratiquée au domicile du saisi, même si c’était en présence d’un tiers. En tout état de cause, le Tribunal n’aurait en aucun cas pu annuler la saisie, cette question relevant de la compétence du Juge de l’exécution visé à l’article 49 AU/RVE.
Le rejet des moyens de défense opposé ne signifiait pas cependant que le demandeur allait obtenir totale satisfaction. Sa demande, en ce qu’elle tendait à la validation de la saisie, ne pouvait être que rejetée, une telle procédure n’étant pas prévue par l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Aujourd’hui, le créancier qui a pratiqué une saisie conservatoire et qui veut passer au stade de l’exécution signifie seulement un acte de conversion. Hélas ! Beaucoup de créanciers ignorent que le législateur communautaire leur a simplifié la tâche en les dispensant désormais de la procédure de validation.