J-04-166
Saisie des droits d’associé – Adjudication – DéFAUt de paiement du prix – Revente sur folle enchère – Article
320 AUPSRVE – Applicabilité (Oui).
Lorsque dans le cadre de la vente sur saisie des droits d’associé, l’adjudicataire ne verse pas le prix dans le délai fixé, la revente sur folle enchère devra, faute de réglementation, être réglée en référence aux dispositions prévues pour la saisie immobilière, notamment celles de l’article
320 AUPSRVE.
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, JUGEMENT N°1591 DU 28 AOUT 2001, S.G.B.S. c/ Me Amadou Moustapha NDIAYE).
LE TRIBUNAL
VU les pièces du dossier;
OUI les avocats des parties en leurs conclusions respectives;
Le Ministère public entendu et après en avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que par exploit en date du 10 novembre 2000 de Me Ndèye Tegue Fall LO, Huissier de justice à Dakar, la Société générale de Banques au Sénégal dite SGBS a assigné Me Amadou Moustapha NDIAYE, Notaire à Dakar et la SAIM ORION pour voir :
ordonner la poursuite de la procédure de revente sur folle enchère des 475 parts sociales détenues par Monsieur Mounir BOURGI dans la SARL AL AFIFA;
désigner un autre Notaire à l’effet d’y procéder; que l’exécution provisoire du jugement à intervenir a été sollicitée;
Attendu que par conclusions en date du 02 juillet 2001, la SAIM ORION a sollicité la condamnation de la SGBS à lui payer la somme de 100 000 000 pour procédure abusive;
EN LA FORME
Attendu que par conclusions en date du 29 juin 2001, Me Amadou Moustapha NDIAYE, par l’organe de son conseil, soulève une exception d’irrecevabilité de l’action de la SGBS aux motifs que :
d’abord, ladite action tendant à la procédure de revente des parts sociales saisies sur Mounir BOURGI manque de fondement légal;
ensuite, la revente sur folle enchère ne peut se faire que si l’adjudicataire n’a pas payé le prix d’adjudication, or, en l’espèce, le certificat attestant le paiement du prix d’adjudication délivré à l’adjudicataire rend irrecevable toute action ayant pour objet de remettre en cause l’adjudication;
Attendu que la SGBS invoque une atteinte portée à un prétendu droit de poursuivre une procédure de revente sur folle enchère comme prévu au cahier des charges;
Qu’elle a effectivement engagé cette procédure comme il ressort de l’exploit de notification de vente sur folle enchère en date du 10 octobre 2000 versé aux débats après que Me Amadou Moustapha NDIAYE lui ait délivré une attestation constatant le non paiement du prix d’adjudication de 152 000 000 francs par la SAIM ORION;
Qu’elle justifie ainsi d’un intérêt pour voir ses prétentions appréciées avec succès ou être rejetées par le Tribunal de Céans;
Qu’il échet dès lors de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par Me Amadou Moustapha NDIAYE;
Attendu que les demandes principale et reconventionnelle introduites dans les formes et délai légaux sont recevables;
AU FOND
1°) - SUR LA DEMANDE PRINCIPALE
Attendu que la SGBS dans ses conclusions en date du 02 janvier 2001 soutient qu’elle avait entrepris de poursuivre la vente des 475 parts sociales détenues par Mounir BOURGI dans la SARL AL AFIFA suite à un jugement en date du 21 janvier 1998 qui avait validé la saisie arrêt;
Qu’au jour de la vente fixée au 08 septembre 2000, les 475 part sociales ont été adjugées à Me Boubacar WADE qui déclarera command au profit de la SAIM ORION;
Qu’aux termes de l’article 3 du Cahier des charges, il était prévu que « l’adjudicataire sera tenu d’acquitter du prix d’adjudication entre les mains du Notaire au plus tard dans les 20 jours de l’adjudication; passé ce délai, la revente des parts sociales sur folle enchère sera poursuivie… »;
Que le 5 octobre 2000 après l’expiration du délai de 20 jours, Me Amadou Moustapha NDIAYE lui a délivré une attestation « constatant le non paiement entre ses mains du prix d’adjudication de 152 000 000 francs »;
Que muni de cette attestation, elle a entrepris une procédure de revente sur folle enchère fixée au vendredi 3 novembre 2000 à 10 heures en l’Etude du Notaire sus nommé, les notifications et la publicité prévues par les dispositions de l’article 243 de l’Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (PSRVE) étant faites, advenue la date du 3 novembre 2000, Me TOURE, Clerc de Me Amadou Moustapha NDIAYE le représentant, a notifié aux parties qu’il ne pouvait pas procéder à la revente sur folle enchère au motif que le prix d’adjudication dans la première vente a été payé entre ses mains;
Et se fondant sur l’article 320 de l’AU/PSRVE, il a soutenu que l’adjudicataire conserve le droit de payer le prix d’adjudication jusqu’au jour de la revente sur folle enchère;
Que selon la SGBS, les dispositions de l’article 320 de l’AU/PSRVE insérées dans le Titre VIII qui organise la saisie immobilière n’ont pas vocation à s’appliquer, que la saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières est organisée par le VII de l’Acte Uniforme en ses articles 236 à 245 qui renvoient pas à l’article 320;
Que même si l’article 320 devait s’appliquer, il prévoit outre l’exécution des conditions de l’adjudication que l’adjudicataire consigne une somme suffisante fixée par le président de la juridiction compétente pour faire face aux frais de procédure de folle enchère;
Que le 3 novembre 2000, la SAIM ORION n’a justifié d’aucune ordonnance fixant une consignation, ni d’une consignation;
Que la SGBS soutient également que l’AU/PSRVE s’est inspiré du décret français n° 92755 du 31 juillet 1992 instituant de nouvelles règles relatives à la procédure d’exécution pour l’application de la loi 91650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles de recouvrement, les articles 178 à 193 du décret ayant leur pendant dans les articles 236 à 245 de l’AU/PSRVE, ce qui autorise la référence aux usages en vigueur dans le droit positif français admis en matière d’adjudication des parts de société à responsabilité limitée;
Qu’ainsi, il est d’usage en droit français de rédiger le Cahier des charges prévu par l’article 190 al. 1er du décret français (241 AU/PSRVE) en s’inspirant de l’article 642 de l’ancien Code de procédure civile français relatif aux ventes sur saisie de rentes;
Que selon la SGBS, l’article 648 du Code de procédure civile sus indiqué qui renvoie à des dispositions prévues pour la saisie immobilière applicables à la saisie des rentes ne vise pas l’article 738 de l’Ancien Code de procédure civile français qui est le correspondant de l’article 320 de l’AU/PSRVE,
Que donc dans la pratique en matière d’adjudication en matière de parts sociales, la faculté pour l’adjudicataire de faire échec à une procédure de folle enchère en procédant au paiement du prix le jour prévu pour la revente sur folle enchère n’est pas admise;
Que la SGBS fait enfin valoir que l’adjudication en matière de parts sociales ne peut être définitive que si l’adjudicataire a reçu agrément de ses co-associés;
Que détenant seule les autres 25 parts sociales qui avait appartenu à Nawal KASSEM, elle n’a pas donné son agrément à la SAIM ORION qui serait une société du Groupe Mounir BOURGI;
Attendu qu’en réponse aux moyens développés par la SGBS sus indiqué, Me Amadou Moustapha NDIAYE a sollicité son débouté en relevant que la SAIM ORION a été déclarée adjudicataire des parts sociales saisies par la SGBS sur Mounir BOURGI pour la somme de 152 000 000 Francs et a payé le prix comme en fait foi l’attestation de paiement du prix délivrée le 10 novembre 2000 même si le même paiement a été fait de manière discontinue en versant d’abord 30 000 000 francs ensuite 7 082 838 francs et enfin celle de 112 197 162 francs;
Que si la SGBS a entrepris la procédure de vente sur folle enchère sur la base de l’attestation de non paiement à elle délivrée avant que la SAIM ORION ne verse le reliquat du prix, cependant cette dernière a réglé l’intégralité du prix d’adjudication avant la date fixée pour la revente sur folle enchère, devenue alors sans objet;
Que selon lui-même si le paiement a été effectué au-delà des 20 jours prévus par l’article 3 du Cahier des charges, il n’y avait plus lieu à revente sur folle enchère des parts sociales conformément à l’article 320 de l’AU/PSRVE applicable en l’espèce sans qu’il soit besoin de recourir à la loi française;
Attendu que la SAIM ORION sollicite également le débouté de la SGBS de ses demandes estimant que selon la loi, l’adjudicataire peut payer le pris jusqu’au jour de la date fixée pour la revente sur folle enchère;
Qu’elle a payé la totalité du prix comme il résulte de l’attestation qui lui a été délivrée;
Que donc la revente ne peut être poursuivie;
Attendu que la SGBS verse aux débats :
une attestation délivrée le 5 octobre 2000 par Me Amadou Moustapha NDIAYE constatant le non paiement entre ses mains du prix d’adjudication de 152 000 000 francs;
un exploit en date du 10 octobre 2000 de Me Ndèye Tegue Fall LO, Huissier de justice à Dakar de notification devente sur folle enchère des 475 parts que détient Mounir BOURGI dans la SARL AL AFIFA;
Attendu que Me Amadou Moustapha NDIAYE a produit une attestation établie le 10 novembre 2000 constatant la totalité du paiement du prix d’acquisition de 152 000 000 francs;
Attendu que l’article 240 de l’AU/PSRVE dispose qu’à défaut de vente amiable réalisée dans les conditions des articles 115 à 119 ci-dessus, la vente forcée est effectuée sous forme d’adjudication à la demande du créancier sur la présentation d’un certificat délivré par le Greffe attestant qu’aucune contestation n’a été formée dans le mois suivant la dénonciation de la saisie ou, le cas échéant, d’une décision judiciaire rejetant la contestation soulevée par le débiteur;
Que cette adjudication n’est pas réglementée par l’AU/PSRVE;
Qu’il convient de noter qu’en France, pour l’adjudication des parts sociales de SARL, l’usage est de se référer aux dispositions des articles 642 et suivants de l’Ancien Code de procédure civile relatifs aux ventes sur saisie de rentes;
Que l’article 648 renvoie aux règles et formalités prescrites au titre de la saisie immobilière par les articles 701, 702, 703, 704, 705, 707, 711, 712, 713, 714, et 741 pour l’adjudication des rentes;
Que l’article 649 dispose que faute par l’adjudicataire d’exécuter les clauses de l’adjudication, la rente sera vendue à sa folle enchère et il sera procédé ainsi qu’il est dit aux articles 734, 735, 738, 739 et 740;
Que le texte de l’article 738 de l’ancien Code de procédure civile français est identique à celui de l’article 320 de l’AU/PSRVE aux termes duquel « jusqu’au jour de la revente, si le fol enchérisseur justifie qu’il a exécuté les conditions de l’adjudication et consigné une somme suffisante fixée par le Président de la juridiction compétente pour faire face aux frais de la procédure de folle enchère, il n’y a pas de nouvelle adjudication;
Attendu que dès lors faute de réglementation, l’adjudication des parts sociales doit être réglée en référence aux dispositions prévues pour la saisie immobilière notamment celle de l’article 320 sus visé, aucune disposition légale contraire n’existant;
Attendu que suivant le Cahier des charges établi par Me Sadel NDIAYE, l’adjudicataire devait s’acquitter du prix d’adjudication entre les mains du Notaire au plus tard dans les 20 jours de l’adjudication, passé ce délai la revente des parts sociales devait être poursuivie;
Attendu que le 8 septembre 2000, les 475 parts sociales détenues par Mounir BOURGI à la SARL AL AFIFA ont été adjugées à Me Mouhamadou BA, Avocat à la Cour, à la somme de 152 000 000 francs, la déclaration de command pour le compte de la SAIM ORION ayant été faite le même jour;
Que muni de l’attestation délivrée par Me Amadou Moustapha NDIAYE le 5 octobre constatant le non paiement du prix d’adjudication, la SGBS a poursuivi la vente sur folle enchère des 475 parts sociales et notifié ladite vente fixée au vendredi 3 novembre 2000 à Mounir BOURGI, à la SARL AL AFIFA et à la SAIM ORION suivant exploit en date du 10 octobre 2000;
Attendu que si le Notaire en refusant de poursuivre la vente sur folle enchère a justifié le paiement intégral du prix de 152 000 000 francs, tel n’est pas le cas pour la deuxième condition fixée par l’article 320 de l’AU/PSRVE à savoir la consignation d’une somme suffisante pour faire face aux frais de procédure de folle enchère par le fol enchérisseurs, condition cumulative à l’exécution des conditions de l’adjudication pour faire obstacle à la nouvelle adjudication;
Attendu qu’il échet, ceci étant d’ordonner la poursuite de la procédure de la revente sur folle enchère des 475 parts sociales détenues par Mounir BOURGI dans le SARL AL AFIFA par Me Amadou Moustapha NDIAYE, Notaire à Dakar.
2°) - SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA SAIM ORION
Attendu que compte tenu du sort réservé à la demande principale, il y lieu de débouter la SAIM ORION de sa demande en dommage intérêts;
3°) – SUR L’EXECUTION PROVISOIRE
Attendu qu’il résulte des circonstances de la cause, la revente sur folle enchère devant être effectuée depuis le mois de novembre 2000, qu’il y a urgence suffisante pour que l’exécution provisoire du présent jugement soit ordonnée;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Rejette l’exception d’irrecevabilité soulevée par Me Amadou Moustapha NDIAYE;
Reçoit les demandes principale et reconventionnelle
AU FOND
Ordonne la poursuite de la procédure de revente sur folle enchère des 475 parts sociales détenues par Mounir BOURGI dans la SARL AL AFIFA par Me Amadou Moustapha NDIAYE, Notaire à Dakar;
Déboute la SAIM ORION de sa demande en dommages intérêts;
Ordonne l’exécution provisoire du jugement;
Ainsi fait jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier
OBSERVATIONS
Par Ndiaw DIOUF, agrégé des Facultés de droit, Directeur du CREDILA
L’article 320 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution qui, en matière de saisie immobilière, règle les conséquences de l’établissement, par le fol enchérisseur, de l’exécution des conditions du cahier des charges, est-il applicable à la saisie des parts d’une société à responsabilité limitée ? Telle est la question qui se posait dans l’affaire qui a donné lieu au jugement du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar du 28 août 2001.
Dans cette affaire, la personne déclarée adjudicataire des parts sociales saisies sur un associé n’avait pas payé le prix d’adjudication dans le délai fixé par le cahier des charges. S’appuyant sur une stipulation de ce cahier des charges qui prévoit la revente des parts sur folle enchère si l’adjudicataire ne s’acquitte pas du prix dans les 20 jours, le saisissant a entrepris une procédure de revente sur folle enchère. Le notaire chargé de la vente a soutenu, se fondant sur l’article 320 AU/RVE applicable en matière de saisie immobilière, que l’adjudicataire conserve le droit de payer le prix jusqu’au jour de la revente. Le Tribunal, même s’il n’en tire pas les mêmes conséquences que le notaire, a déclaré applicable cette disposition. La démarche qui a été la sienne ne nous paraît pas satisfaisante. Le Tribunal a, en effet, appliqué une règle à une situation qui, manifestement, échappe à son champ d’application, simplement parce que le texte qui la formule est identique à un texte français qui conduit à la même solution. Il est temps que le juge sénégalais se rappelle que le Droit français est, au Sénégal, un droit étranger qui n’a vocation à y recevoir application que si la mise en œuvre des règles de conflit de lois dans l’espace conduit à une telle application.