J-04-17
VOIES D'EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – ADJUDICATION – DECISION JUDICIAIRE D'ADJUDICATION – ANNULATION – ARTICLE 566 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – TIERCE OPPOSITION – RECEVABILITE (OUI) – ART.
301 AUPSRVE – OBLIGATION DE NOTIFIER L'APPEL A TOUTES LES PARTIES – INOPPOSABILITE DES CONSEQUENCES TIREES DE L'APPEL (OUI).
ART. 145 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – INTERVENTION VOLONTAIRE – DEFAUT DE QUALITE – EXPIRATION DU DELAI PREFIX – IRRECEVABILITE (OUI) – ARTICLES
299 ET
308 AUPSRVE – DEMANDES INCIDENTES – DECHEANCE.
ART. 19 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – INTENTION DE METTRE FIN A L'INSTANCE D'APPEL – RETRACTATION DE L'ARRET – CONFIRMATION DU JUGEMENT D'ADJUDICATION.
L'adjudicataire est partie à tout procès susceptible de remettre en cause son droit sur la parcelle adjugée. Dès lors, les conséquences tirées d'un appel qui ne lui a pas été notifié conformément à l'art.
301 AUPSRVE ne peuvent lui être opposables.
(COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Arrêt n° 61 du 07 juin 2002, Société TAMOIL BURKINA SA c/ Société de Pétrole TAGUI SA).
LA COUR,
FAITS ET PROCEDURE
Dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière diligentée à la requête de Monsieur Salif Déré OUEDRAOGO, le Tribunal de grande instance de Ouagadougou a par jugement en date du 12 septembre 2001 adjugé au profit de la Société TAMOIL BURKINA SA trois immeubles saisis sur la tête de la Société de Pétrole TAGUI SA et abritant des stations service;
La Société de pétrole TAGUI SA a relevé appel de cette décision et statuant sur ce recours par arrêt n° 97 en date du 07 décembre 2001, la Cour d'appel de OUAGADOUGOU a annulé ledit jugement.
Par exploit en date du 19 décembre 2001 la Société TAMOIL BURKINA SA élisant domicile au cabinet SAGNON-ZAGRE Avocats associés a assigné, la Société TAGUI SA en liquidation représentée par ses Syndics liquidateurs et Monsieur Salif Déré OUEDRAOGO en tierce opposition contre cet arrêt dont elle demande la rétractation pure et simple.
Au soutient de sa demande elle indique que l'arrêt du 07 décembre 2001 préjudicie gravement à ses intérêts alors qu'elle n'a été ni partie ni représentée à ce procès;
Elle expose à ce propos que le 12 septembre 2001 au terme des enchères à l'audience des criées du Tribunal de grande instance de Ouagadougou, elle a été déclarée adjudicataire des trois immeubles mis en vente;
Qu'à ce titre elle a accompli toutes les formalités légales pour parvenir au paiement du prix et des frais soit la bagatelle somme de plus de 575.000.000 FCFA et à la jouissance des immeubles dont la propriété lui est acquise du fait de l'adjudication;
Que c'est contre toute attente qu'elle apprenait que par arrêt en date du 07 décembre 2001 la Cour d'appel a annulé le jugement d'adjudication alors que TAMOIL BURKINA SA prise en sa qualité d'adjudicataire n'a jamais reçu une quelconque notification d'un recours formé contre le jugement d'adjudication; Que TAMOIL qui n'a été ni partie ni représentée, est manifestement restée étrangère à cette procédure en appel qui lui est gravement préjudiciable en ce qu'elle annule une acquisition qu’elle a faite au prix total de plus 575.000.000 millions de FCFA.
Que la société TAMOIL BURKINA sollicite en conséquence la rétractation de l’arrêt du 07 décembre 2002 en application des dispositions des articles 566 et suivants du code de procédure civile. Elle invoque également la violation des articles 293 et suivants de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d’exécution.
Par conclusions en date du 25 janvier 2001, la société BURKINA ET SHELL par le biais de son Conseil maître Issouf BAADHIO sollicitait faire une intervention volontaire dans la cause, ce à quoi toutes les parties opposèrent un refus tiré de divers moyens.
EN LA FORME
1. Sur la recevabilité de la tierce opposition
Attendu qu’au terme de l’article 566 du code de procédure civile la tierce opposition vise à obtenir la rétractation d’une décision qui préjudice aux droits d’une personne qui n’y a pas été partie; qu’elle est ouverte à tous les tiers, lorsque ni eux, ni leurs auteurs ou ceux qu’ils représentent n’ont été appelés au procès.
Attendu qu’il n’est pas contesté en l’espèce que la Société TAMOIL BURKINA SA n’a pas reçu notification de l’appel qui a été formé contre le jugement d’adjudication, elle n’a donc été ni présente ni représentée à ladite instance;
Qu’en sa qualité d’adjudicataire, l’arrêt du 07/12/2001 lui cause un préjudice considérable puisque qu’elle annule le jugement d’adjudication en vertu duquel la société TAMOIL BURKINA a payé le montant de l’adjudication et les frais, soit la somme totale de plus 575.000.000 FCFA.
Qu’il échet en conséquence de déclarer la tierce opposition recevable.
2. Sur la recevabilité de l’intervention volontaire
Attendu que Salif DERE, sous la plume de maître Harouna SAWADOGO, soulève in limine litis l’exception d’irrecevabilité de l’intervention volontaire de Burkina et Shell;
Qu'aux termes de l'article 114 du code de procédure civile « l'intervention volontaire est principale ou accessoire.
Elle est principale lorsque son auteur élève une prétention à son profit; dans ce cas elle n'est recevable que si celui-ci a le droit d'agir relativement à cette prétention... »;
Qu'en outre l'article 145 du même code dispose que « constitue une fin de non recevoir, tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir tels le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, l'expiration d'un délai préfix, la chose jugée";
Qu'à l'analyse, l'action de Burkina et Shell tombe sous le coup du défaut de qualité et de l'expiration du délai préfix que régissent les dispositions des articles 299 de l'acte uniforme du traité OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution;
Qu'en réplique, la société Burkina et Shell fonde la recevabilité de son action sur l'article 533 du code de procédure civile, lequel dispose que "Peuvent intervenir ou être appelées en cause d'appel, dès lors qu'elles y ont intérêt, les personne qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui ont figuré en une autre qualité ";
Que la station service bataille du rail du lot 213 du secteur 02 étant sa propriété, l'adjudication du 12/09/2001 y relative a été faite en fraude à ses droits;
Mais attendu qu'à instar de toute action en justice, la recevabilité de l’intervention volontaire de la société Burkina et Shell est subordonnée au respect des prescriptions de l'article 145 du code civil;
Qu'en effet, il s'agit d'une part de se demander si au moment de la procédure, la propriété dont se prévaut Burkina et Shell était matérialisé par une inscription à la publicité foncière;
Qu'en matière immobilière, seule cette formalité substantielle permet d'opposer ledit droit aux tiers tel OUEDRAOGO Salif DERE et TAMOIL BURKINA;
Qu'alors qu'à l'analyse, il apparaît tant au moment de la vente qu'à l'introduction de l'action en intervention volontaire, Burkina et Shell ne pouvait justifier d'un droit de propriété sur la station bataille du rail régulièrement inscrit à la publicité foncière et susceptible d'être opposable aux tiers;
Que dès lors, la qualité d'agir fait défaut en l'espèce;
Attendu d'autre part que la matière de saisie immobilière est strictement réglementée par Les articles 246 et suivants de l'acte uniforme du traité OHADA portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d'exécution;
Qu'aux termes de l'article 308 dudit acte "le tiers qui se prétend propriétaire d'un immeuble saisi et qui n'est pas tenu ni personnellement de la dette, ni réellement sur l'immeuble, peut pour le soustraire à la saisie, former une demande en distraction avant l'adjudication dans le délai prévu par l'article 299 alinéa 2 ci-dessus..."
Qu'il est constant que par exploit d'huissier de justice en date du 11 juillet 2001, monsieur OUEDRAOGO Salif DERE notifiait à Burkina et Shell un acte de signification commandement contenant sommation à tiers détenteur;
Que cette formalité exigée par la loi a été accomplie pour informer Burkina et Shell de ce que la station service bataille du rail a été saisie et lui permettre éventuellement de faire valoir ces droits en quelque qualité que ce soit;
Qu'ayant pris connaissance du contenu de l'acte dont s'agit, Burkina et Shell devrait actionner devant le juge compétent en distraction de biens saisis conformément aux articles 299 et 308 de l'acte uniforme sus visé;
Qu'au lieu de ce faire, la société Burkina et Shell a préféré saisir par requête en date du 23/08/01 madame le Président du Tribunal de grande instance de Ouagadougou aux fins de distraction de plusieurs immeubles dont celui abritant la station bataille du rail;
Qu'il appert dès lors que la société Burkina et Shell n'a daigné saisir la juridiction compétente c'est à dire le Tribunal de grande instance de Ouagadougou dans les délais à lui imparti par les dispositions de l'acte uniforme;
Qu'en conséquence, demeure irrecevable son intervention volontaire;
AU FOND
Attendu qu'il est constant que le jugement d'adjudication n° 756 rendu le 12 septembre 2001 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou déclaré la société TAMOIL BURKINA adjudicataire de l'immeuble abritant la station service bataille du rail;
Qu'il n'est également contesté qu'aux termes de l'article 1er du cahier des charges « l'adjudicataire sera propriétaire par le seul fait de l'adjudication... »
Que la combinaison des éléments ci-dessus fait de la société TAMOIL BURKINA partie à tout procès susceptible de remettre en cause son droit sur la parcelle adjugée;
Que cela est d'autant incontestable que c'est à la société TAMOIL BURKINA que la grosse du jugement d'adjudication n° 756 du 12/09/01 a été délivrée;
Qu'aux termes de l'article 301 de l'acte uniforme susvisé "l'appel est notifié à toutes les parties en cause à leur domicile réel ou élu...";
Qu'en application de cette disposition légale, l'acte du 26/09/02 délivré à la requête de la société TAGUI représentée par monsieur OUEDRAOGO Emmanuel devrait être également notifié à la société TAMOIL BURKINA;
Que cette formalité n'ayant été accompli à l'égard de ladite société, les conséquences tirées de l'appel dont s'agit lui demeurent inopposables;
Attendu par ailleurs que la société TAGUI en liquidation sous la plume de son syndic liquidateur maître Mamadou OUATTARA excipe du défaut de mandat de maître Issouf BAADHIO pour solliciter la rétraction de l'arrêt querellé;
Que le conseil de TAGUI a produit à l'appui de la prétention de sa cliente les correspondances n° 182/T.2001 du 17/10/2001, n° 184/T.2001 du 22/10/2001 et n° Mo/SS/01/008 du 07/11/2001;
Qu'en réplique aux arguments de la société TAGUI en liquidation, la société Burkina et Shell soutient qu'il existe un mandat express donné à maître Issouf BAADHIO et ce depuis le 13 juin 2001;
Que pour saisir maître Issouf BAADHIO monsieur OUEDRAOGOO Emmanuel agissant au nom et pour le compte de la société TAGUI passait par l'intermédiaire de la direction de Burkina et Shell;
Que dès lors, le mandat de représentation en justice conformément à l'article 53 du code de procédure civile emportant pouvoir d'engager le mandat et obligation d'accomplir en son nom tous les actes de procédure nécessaires ou utiles à l’instance a été donné à maître Issouf BAADHIO;
Attendu cependant qu'il ressort des pièces versées au dossier par le syndic liquidateur de la société TAGUI notamment les correspondances n° 182/T.2001 du 17/10/2001 que monsieur OUEDRAOGO Emmanuel a expressément demandé à maître Issouf BAADHIO de mettre fin à l'instance d'appel par un désistement;
Que cette expression de la volonté de la société TAGUI de mettre fin à l'instance d'appel a été confirmée par le syndic liquidateur par correspondance n° 184/T.2001 du 22/10/2001 adressée à maître Issouf BAADHIO;
Qu'aux termes de l'article 19 du code de procédure civile, "les parties ont la liberté de mettre fin à l'instance avant qu'elle ne s'éteigne par l'effet du jugement ou de la loi;
Que l'intention de mettre fin à l'instance d'appel de la société TAGUI en liquidation étant intervenue avant la mise en délibéré de l'appel dont s'agit et le prononcé de l'arrêt n° 97 du 07/12/2001, il échet lui en donner acte par la rétraction dudit arrêt;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement en matière civile et commerciale et en dernier ressort,
EN LA FORME
Reçoit la tierce opposition de la société TAMOIL BURKINA;
Déclare irrecevable l'intervention volontaire de Burkina et Shell;
AU FOND
Rétracte l'arrêt n° 97 rendu le 07/12/2001 par la Cour d'appel de Ouagadougou;
Dit que le jugement d'adjudication n° 756 rendu le 12/09/2001 par le Tribunal de grande instance de Ouagadougou produit ses pleins effets;
Condamne TAGUI aux dépens