J-04-177
ARBITRAGE – CLAUSE D’ARBITRAGE – DESIGNATION D’UN ARBITRE – RECEVABILITE de la DEMANDE – COMPETENCE DU JUGE DES ReFERES.
En présence d’une clause d’arbitrage incluse dans le Règlement d’emploi du personnel d’encadrement du personnel de l’ASECNA, deux cadres partis à la retraite sans avoir perçu leur indemnité de cessation d’activité sont en droit de saisir le juge des référés pour demander la désignation d’un arbitre.
(Cour d’appel d’Abidjan, ordonnance de référé n° 1435 du 2 juillet 2003, Touré Kouakou Edmond et Amani N’Zué contre ASECNA).
République de côte d’ivoire
Cour d’appel d’abidjan
Audience des référés d’heure à heure
Ordonnance de référé N° 1435 du 27/03/2003
Affaire : 1°/ Monsieur TOURE Kouakou Edmond
2°/ Monsieur Amani N’ZUE (SCPA ADJE ASSI METAN)
contre
Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar dite ASECNA.
L’an deux mil trois et le vingt sept mars;
Nous, Blaise MOULARE, vice Président;
Assisté de Me YELE Alphonsine, Greffier;
Avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
Vu l’exploit en date du 24 mars 2003 de Maître ANI KOUKA Philippe, Huissier de justice à Abidjan, aux termes duquel M. TOURE Kouakou Edmond, né le 1er janvier 1939 à Katiola, de nationalité ivoirienne, ex-Agent de l’ASECNA, demeurant à Abidjan; Monsieur Amani N’ZUE, né le 1er janvier 1942 à M’Bahiakro, de nationalié ivoirienne, ex-Agent de l’ASECNA, demeurant à Abidjan, pour lesquels domicile est élu en l’Etude de la SCPA ADJE-ASSI-METAN, Avocats à la Cour, demeurant au 59, Rue des Sambas – Indenié Plateau, Résidence « Le Trèfle », 01 BP 6563 Abidjan, a fait assigner par-devant Nous, l’Agence pour la Sécurité de la Navigation Aérienne en Afrique et à Madagascar dite ASECNA, dont le siège social est sis à Abidjan Port-Bouët, 15 BP 918 Abidjan 15, prise en la personne de son représentant légal, Mr MBOUGOUA ABY Blaise, de nationalité ivoirienne, demeurant ès qualité audit siège, à l’adresse sus indiquée, pour :
Au principal :
– Voir renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence;
ENTENDRE
Voir obtenir la désignation d’un arbitre chargé de déterminer les sommes devant être allouées aux requérants, au regard du temps passé à l’Agence;
Attendu qu’à l’appui de son action, les requérants exposent :
Qu’ils sont tous les deux, ex-Agents de l’ASECNA, représentation de la Côte d’Ivoire; sont actuellement à la retraite, dont le premier cité totalise dix-neuf (19) ans et trois (3) mois d’ancienneté, et le dernier, dix-huit (18) ans et neuf (9) mois d’ancienneté;
Que dans la convention d’embauche liant les parties, il est stipulé qu’en cas de cessation d’activité résultant de la retraite ou de la fin du contrat, une indemnité de cessation d’activité est allouée à l’employé quittant l’Agence;
Qu’ils n’ont pas eu droit à cette indemnité, malgré de multiples et incessantes démarches faites auprès des autorités de l’ASECNA;
Que le règlement d’emploi du personnel d’encadrement dispose en son article 80, que :
« Les litiges pouvant naître à l’occasion de l’exécution ou de la résiliation des contrats visés à l’article 11, sont soumis à un arbitre désigné par le Président du Tribunal Administratif de compétence normale »;
Que la désignation d’un arbitre est en outre conforme aux stipulations contractuelles, afin de déterminer le montant des indemnités devant leur être allouées;
Attendu que toutes les parties ont été représentées par leur Conseil respectif; qu’il convient de statuer par décision contradictoire;
EN LA FORME
Attendu que l’action introduite est régulière; qu’il convient de la recevoir;
AU FOND
Attendu que les requérants sollicitent du juge des référés la désignation d’un arbitre en vue de déterminer les sommes devant leur être allouées après la cessation de leur activité au sein de l’ASECNA;
Attendu que ladite demande est fondée; qu’il échet d’y faire droit en désignant en qualité d’arbitre, Monsieur KOUADIO Olivier, Magistrat au Tribunal du Travail d’Abidjan, pour régler le litige opposant les demandeurs à l’ASECNA;
Attendu que l’ASECNA succombe; qu’il convient de mettre les dépens à sa charge;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de référé d’heure à heure et en premier ressort;
Au principal :
– Voir renvoyer les parties à mieux se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent, vu l’urgence;
– Désignons en qualité d’arbitre, Mr. KOUADIO Olivier, Magistrat du Tribunal de Travail d’Abidjan, pour régler le litige opposant les demandeurs à l’ASECNA;
– Mettons les dépens à la charge de l’ASECNA.
Et avons signé avec le Greffier.
Observations de Joseph ISSA-SAYEGH, professeur agrégé.
Cette décision, intervenue sous l’empire de la législation OHADA relative à l’arbitrage et sous celle du code du travail ivoirien (antérieur ou postérieur à 1995, peu importe) laisse perplexe.
Il ne fait pas de doute que le personnel de l’ASECNA (établissement public international), quel qu’il soit, relève du droit privé, donc du droit du travail et non du droit administratif puisque, par définition, il n’est pas fonctionnaire. Dès lors, il importe de se demander si la clause d’arbitrage contenue dans l’article 80 du Règlement d’emploi du personnel d’encadrement de l’ASECNA concerne les conflits collectifs ou les litiges individuels de cette entreprise avec son personnel. S’il s’agit de conflits collectifs, la procédure d’arbitrage est licite mais elle ne doit pas suivre les règles empruntées par les demandeurs dans la présente affaire. S’il s’agit de conflits individuels, l’arbitrage est incompatible avec les règles de droit du travail (d’ordre public) qui ne prévoient, pour de tels litiges, que le recours à l’inspection du travail ou au tribunal du travail; cela signifie que le droit du travail n’accorde pas aux travailleurs la libre disponibilité de leurs droits comme le veut l’acte uniforme relatif à l’arbitrage pour considérer un litige comme arbitrable (article 2, alinéa 1er).
A supposer même que le litige individuel opposant les demandeurs à l’ASECNA fût arbitrable, était-il possible de recourir au tribunal administratif pour désigner un arbitre comme le prévoyait l’article 80 du règlement précité ? On peut en douter pour deux raisons :
– le personnel de l’ASECNA ne relève pas du droit administratif comme nous l’avons dit plus haut;
– l’article 5 de l’Acte uniforme relatif indique qu’à défaut d’accord entre les parties sur la désignation d’un arbitre, c’est le juge compétent de l’Etat partie qui y procède. Or, depuis la loi ivoirienne de 1993 sur l’arbitrage, celui-ci est le président de la cour d’appelstatuant en matière non administrative.