J-04-18
DROIT DES SOCIETES COMMERCIALES ET DU GIE – SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE – MESENTENTE DES ASSOCIES EMPECHANT LE FONCTIONNEMENT NORMAL DE LA SARL.
ARTICLES 328 ET 329 AUDSGIE – POUVOIRS DU GERANT – ACTION EN CONCURRENCE DELOYALE ET EN REDDITION DE COMPTE INTENTEE PAR UN ASSOCIE – DEFAUT DE QUALITE DU DEMANDEUR – IRRECEVABILITE (OUI).
ARTICLES 200-5° ET 201 AUDSGIE – DISSOLUTION ANTICIPEE ET LIQUIDATION.
Si un associé peut, pour justes motifs, demander à la juridiction compétente de prononcer la dissolution anticipée de la société, il ne peut cependant agir en justice au nom et pour le compte de ladite société. Ce pouvoir appartient au gérant, seule personne habilitée à représenter la société. Et seule la société a un intérêt direct à agir à l'exclusion des associés qui la composent.
(LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 631 du 12 juin 2002, KINDA Jean Pascal c/ TRUCHET Firmin).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces de dossier,
Ouï les parties à l'audience du 10 janvier 2001, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la mise en état pour audience être reprise le 18 juillet 2001 et successivement renvoyée jusqu'au 03 avril 2002 et à l'audience du 17 octobre 2001, date à laquelle l'affaire a été renvoyée à la mise en état pour audience être reprise le 27 mars 2002 et renvoyée au 03 avril 2002 pour éventuelle jonction; A cette date les dossiers ont été débattus puis mis en délibéré pour jugement être rendu le 22 mai 2002,
Advenue cette date, le délibéré à été prorogé au 12 juin 2002 date à laquelle le tribunal a statué en ces termes :
Par acte en date du 20 décembre 2000, de maître Aly DAO huissier de justice à Ouagadougou, Jean Pascal KINDA à assigné Jacques Firmin TRUCHET devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 10 janvier 2001 pour :
– s'entendre prononcer la dissolution de la société à responsabilité limitée « Jeux J.P. »;
– s'entendre en conséquence, ordonner la liquidation de la société à responsabilité limitée « Jeux J.P. »;
– s'entendre désigner un liquidateur pour y procéder.
Au soutien de sa demande il expose que courant année 1987, il a, en association avec Jacques Firmin TRUCHET crée une société à responsabilité limitée dénommée « Jeux J.P. »; Que la société a fonctionnée sans difficultés pendant une dizaine d'années; Que cependant depuis quelque temps, la confiance entre eux s'est progressivement effritée; Qu'en effet Jacques Firmin TRUCHET a crée tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur des activités similaires à ceux de « Jeux J.P. » manifestant ainsi la volonté de nuire à la société « Jeux J.P. »; Que cela révèle une mésentente empêchant le fonctionnement normal de la société; Qu'il ne trouve plus aucun intérêt dans le maintien de la société; Que cependant, Jacques Firmin TRUCHET refuse sa dissolution anticipée; Que c'est pourquoi, il recourt à la justice conformément à l'article 200-5e de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales pour voir prononcer la dissolution anticipée;
En réplique Jacques Firmin TRUCHET soutien que les affirmations de Jean Pascal KINDA ne sont pas prouvées; Qu'en outre, à supposer qu'il exploite des maisons de jeux similaires à « Jeux J.P », il convient de remarquer d'une part que rien dans les statuts de « Jeux J.P. » ne prévoit une interdiction dans ce sens et d'autre part que cela se passe dans un rayon supérieur à 300 km de Ouagadougou et ne saurait donc justifier sa demande;
Il explique que c'est plutôt Jean Pascal KINDA lui-même qui exploite à Ouaga 2000, au 2ème étage du TOP 2000, un casino situé à moins de 15 km de « Jeux J.P. »;
Il conclut au rejet de la demande de Jean Pascal KINDA aux motifs que l'article 200-5e de l'acte uniforme du 17 avril 1997 sur les sociétés commerciales exige comme condition de la liquidation anticipée, de justes motifs; Qu'ainsi Jean Pascal KINDA doit pour obtenir la dissolution anticipée de « Jeux J.P. » prouver l'existence d'une mésentente entre actionnaires et l'empêcheraient de fonctionner normalement qu'elle crée pour société; Que faute d'avoir fait cette double preuve, sa demande n'est pas fondée et doit donc être rejetée;
Contre cette explication Jean Pascal KINDA fait valoir qu'aujourd'hui l'affectio societatis n'existe plus entre eux en raison de l'exploitation par Jacques Firmin TRUCHET d'activités similaires à celles de « Jeux J.P. » à son insu;
Par deux actes datés du 13 juillet 2001, de maître NABY B. Victor, huissier de justice à Ouagadougou, Jacques Firmin TRUCHET à assigné Jean Pascal KINDA devant le Tribunal de grande instance de Ouagadougou le 17 octobre 2001 pour s'entendre :
– d'une part ordonner à Jean Pascal KINDA de rendre compte de sa gestion pour les exercices 1998 à 2000 et ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir
– d'autre part, condamner Jean Pascal KINDA à lui payer des dommages et intérêts pour faits de concurrence déloyale, ordonner la fermeture du casino du TOP 2000 et ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir;
Pour soutenir sa demande, il explique qu'à la création de la société « Jeux J.P. », Jean Pascal KINDA a été nommé gérant; Que depuis 1986, il n'a jamais rendu compte de sa gestion; Qu'il est certain que Jean Pascal KINDA a usé des biens et du crédit de la société dans son seul intérêt; Que la reddition des comptes est donc justifiée;
Il explique en outre que Jean Pascal KINDA exploite à Ouagadougou un casino au TOP 2000; Que cette activité concurrence fortement celle que mène « Jeux J.P. » à l'Hôtel Indépendance; Qu'en effet en raison de la confusion qu'elle fait naître au niveau de la clientèle de « Jeux J.P. », Jean Pascal KINDA a opéré un détournement de clientèle; Qu'en outre, il a transféré certains matériels de « Jeux J.P. » au TOP 2000 et y envoie travailler le caissier de « Jeux J.P. »;
Attendu que les instances n° 13/RG du 05/01/01, n° 1156/RG du 12/10/01, n° 1159/RG du 12/10/01 visent respectivement la dissolution de la société à responsabilité limitée « Jeux J.P. », la reddition des comptes de gestion de cette même société pour les exercices 1998, 1999 et 2000 et enfin à déclarer Jean Pascal KINDA auteur de concurrence déloyale contre la Sarl « Jeux J.P. »; Que ces instances présentes un lien tel qu'une bonne administration de la justice commande qu'elles soient instruites et jugées ensembles; Qu'il y a donc lieu ordonner leur jonction;
Attendu qu'il ressort des articles 13 et 145 du code de procédure civile que l'action dirigée par ou contre une personne dépourvue de qualité est irrecevable;
Attendu que la société commerciale est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle des associés qui la composent; Que pour accomplir les actes de la vie juridique, elle le fait par l'intermédiaire de son représentant légal; Attendu qu'il résulte des articles 328 et 329 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE que la SARL est représentée par le gérant; Qu'ainsi, seul le gérant, personne habilitée à représenter la société peut intenter une action en justice en son nom;
Attendu qu'il est reproché à Jean Pascal KINDA d'opérer un détournement de clientèle au préjudice de la société « Jeux J.P. » en faveur d'une activité similaire à celle de « Jeux J.P. » qu'il mène au TOP 2000; Que la concurrence déloyale reprochée qui lui est ainsi reprochée porte préjudice à la société « Jeux J.P » et non à Jacques Firmin TRUCHET pris en sa personne; Que la société « Jeux J.P » à donc seule un intérêt direct à agir à l'exclusion des associés qui la composent;
Attendu que l'article 14 des statuts de la société « Jeux J.P. » précise en son alinéa 4 qu'elle est représentée par son gérant; Que l'article 15 desdits statuts désigne Jean Pascal KINDA en qualité de gérant; Qu'ainsi Jean Pascal KINDA est seul habilité à agir en justice au nom et pour le compte de la société « Jeux J.P »;
Attendu en conséquence que l'action en concurrence déloyale intentée par Jacques Firmin TRUCHET est irrecevable pour défaut de qualité du demandeur;
Attendu que l'article 200-5e de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE prévoit que la société prend fin par la dissolution anticipée prononcée par la juridiction compétente, à la demande d'un associé pour justes motifs, notamment en cas de mésentente entre associés empêchant le fonctionnement normal de la société;
Attendu que la société commerciale est une personne morale créée par deux ou plusieurs personnes pour poursuivre un intérêt commun justifiant leur affectio societatis; Que la société ne peut atteindre l'objectif commun des parties lorsque l'affectio societatis n'existe plus;
Attendu qu'il résulte des pièces de la présente procédure Jacques Firmin TRUCHET a perdu toute confiance à Jean Pascal KINDA qu'il a assigné en justice en concurrence déloyale contre leur société commune et en reddition des comptes; Que pareillement Jean Pascal KINDA reproche à son associé d'exercer des activités qui portent atteintes aux intérêts de la société « Jeux J.P »; Qu'il ajoute qu'il ne veut plus rester en société avec ledit Jacques Firmin TRUCHET et demande en conséquence la dissolution de « Jeux J.P »;
Attendu qu'il ressort de ce qui précède que les associés Jean Pascal KINDA et Jacques Firmin TRUCHET sont en mésintelligence totale par rapport au fonctionnement de leur société « Jeux J.P »; Qu'ainsi depuis plusieurs exercices, ils ne sont pas parvenus à approuver de commun accord les comptes de la société, ni a tenir l'Assemblée générale en vue de statuer sur les décisions collectives conformément à l'article 347 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE; Que leur mésentente empêche indubitablement le fonctionnement normal de la société, d'où il suit que la dissolution anticipée est justifiée; Qu'il convient donc l'ordonner et par application des dispositions de l'article 226 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE, nommer SERE Souleymane en qualité de liquidateur;
Attendu que selon l'article 201 de l'acte uniforme sur les sociétés commerciales et GIE, « la dissolution de la société pluripersonnelle emporte de plein droit sa mise en liquidation »;
Que la liquidation emporte reddition des comptes de la société en liquidation; Que la demande reddition des comptes de la société « Jeux J.P. » est donc sans objet en raison de sa dissolution et de sa mise en liquidation;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Ordonne la jonction des instances n° 0013/2001/RG, 1159/2001/RG et 1156/2001/RG;
Déclare irrecevable l'action en concurrence déloyale de Jacques Firmin TRUCHET pour défaut de qualité de défendeur;
Prononce la liquidation anticipée de la Société à responsabilité limitée « Jeux J.P. »;
Nomme SERE Souleymane en qualité de liquidateur;
Met les dépens à la charge de « Jeux J.P. », société en liquidation;