J-04-181
PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF – REDRESSEMENT JUDICIAIRE – PROCEDURE DE REDRESSEMENT – REQUETE EN CONVERSION – PLAN DE REDRESSEMENT : INEXECUTION, RETARD DANS LA MISE EN ŒUVRE – INCAPACITE DU DEBITEUR D’EXECUTER SES ENGAGEMENTS DANS LES DELAIS – RESOLUTION DU PLAN – ARTICLE 33 ALINEA 4 AUPCAP – CONVERSION EN LIQUIDATION DES BIENS.
En matière de redressement judiciaire, il est constant que "si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal peut, d'office ou à la demande d'un créancier, du commissaire à l'exécution du plan ou du procureur du Faso prononcer la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation des biens, sans avoir à constater la cessation des paiements", pour peu que le débiteur n'est pas ou n'est plus dans la possibilité de proposer un concordat sérieux…
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 90 bis du 24 janvier 2001, Conversion du redressement judiciaire de FLEX-FASO en liquidation des biens).
LE TRIBUNAL
I - Faits - Procédure - Prétentions et moyens des parties
Par jugement n° 244 en date du 07 avril 1997 rendu à la requête de la Société FLEX-FASO aux fins de redressement judiciaire, le tribunal de grande instance de Ouagadougou a commis monsieur TRAORE Jérôme assisté de monsieur OUEDRAOGO Paulin, expert comptable agréé près les Cours et tribunaux du Burkina Faso à l'effet de faire un rapport sur la situation économique, financière et sociale de l'entreprise ainsi que les perspectives de redressement.
Le 20 mai 1998, le tribunal de grande instance de céans, statuant en matière commerciale et au vu du rapport déposé a prononcé la suspension, pour un délai de quatre (4) mois à compter de la notification de la décision au juge-commissaire et au curateur désigné, de poursuites individuelles et des instances en cours en application de l'article 9 de l'ordonnance n° 9143 du 17 juillet 1991;
– a désigné monsieur OUEDRAOGO Paulin en qualité de curateur aux biens du débiteur et lui a confié la mission d'assister FLEX-FASO dans (l'établissement) l'élaboration du plan de redressement;
– a nommé monsieur TRAORE Jérôme, président du tribunal de grande instance, juge-commissaire;
– a désigné la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA) comme représentant des créanciers;
– a interdit à la société FLEX-FASO de payer en tout ou partie une créance quelconque née antérieurement au jugement sauf autorisation motivée du juge-commissaire, de libérer ou de désintéresser les cautions pendant la période de suspension provisoire, de faire tout acte de disposition étranger à l'exploitation normale de FLEX-FASO;
Le 18 novembre 1998, le tribunal accordait une prorogation de deux (2) mois à compter de la date de la décision pour le dépôt du plan de redressement sur requête de FLEX-FASO.
Le 24 mars 1999, par jugement n° 248, le tribunal au vu du projet de plan de redressement a approuvé et homologué ledit projet et a nommé madame OUEDRAOGO Brigitte, juge-commissaire à l'exécution du plan.
Suivant un rapport de suivi dressé courant mois de mai 2000, le juge-commissaire a l'exécution du plan de redressement constatait que les différentes mesures urgentes préconisées en vue de relancer la productivité de l'entreprise et procéder à l'apurement du passif n'avaient pas connu un début d'exécution, d'où les perspectives de redressement seraient bien peu prometteurs et concluait qu'il "serait utopique au regard de la situation actuelle que traverse la société de croire que le processus de redressement peut se poursuivre pour atteindre les objectifs fixés."
Elle ajoutait que "persévérer dans une telle voie ne pourrait que compromettre davantage les intérêts des travailleurs face à une société qui ne peut plus payer ses travailleurs encore moins rembourser ses dettes vis-à-vis de ses créanciers surtout que le débiteur serait en train de brader démesurément les biens de la société à l'insu du curateur et du juge-commissaire."
En conclusion de son rapport, elle sollicitait qu'une procédure aux fins de résolution du plan et de liquidation judiciaire des biens de la société FLEX-FASO soit entamée face aux difficultés sérieuses de redressement que connaîtrait l'entreprise.
Les travailleurs de FLEX-FASO représentés par maître ZONGO Inoussa, du cabinet d'avocats ZONGO-BARRY contestent les actes de disposition que le débiteur accomplit sur les biens de la société en redressement arguant que lesdits actes qui consisteraient en un bradage des biens de la société compromettraient sérieusement le processus de redressement en ce qu'aucune mesure envisagée n'aurait encore été mise, en exécution alors, que les biens seraient dilapidés. Ils soutiennent également que le débiteur ne serait pas du tout à même de mobiliser la somme de six cent millions (600.000.000) Francs CFA exigée pour la relance de la production dans les délais car la première tranche n'aurait été nullement acquise alors que la période requise a expiré. Ils ajoutent que les arriérés ne seraient pas encore acquittés. Ils concluent donc que les perspectives d'un redressement réussi ne sont pas concluantes et sollicitent la conversion du redressement en liquidation des biens.
Les créanciers, représentés par la Caisse nationale de crédit agricole (CNCA) dont la créance s'élèverait à la somme de quatre cent onze millions cent cinq mille trois cent quatre vingt neuf (411.105.389) Francs CFA, font valoir qu'aucun début de règlement n'a vu le jour jusqu'à la date de l'audience comme il est aussi constant que le débiteur braderait les biens de la société à sa guise ce qui compromet très sérieusement les chances de réussite du plan de redressement accordé à FLEX-FASO et qu'une conversion du redressement en liquidation des biens préserverait certainement mieux leur intérêts.
La CNCA soutient par ailleurs qu'aucune mesure de restructuration n'a été mise en œuvre aussi bien en ce qui concerne l'exploitation, le personnel que la relance des activités, tout aussi bien que les aménagements des exploitations en vue de générer des revenus, ce qui laisserait subsister des inquiétudes réelles quant au simple démarrage du programme d'activités et à la capacité même du débiteur à conduire un redressement, surtout que l'existant est menacé par les poursuites persistantes des créanciers dont les créances sont antérieures au redressement.
Elle conclut donc à la résolution du plan de redressement et à sa conversion en liquidation des biens.
Le débiteur, représenté par ses conseils, maîtres Abdoul. OUEDRAOGO, OUEDRAOGO N. Antoinette et SOMBIE Mamadou, résiste aux prétentions des demandeurs et rétorque qu'il respecterait les obligations engendrées par le plan de redressement car les restructurations exigée seraient en cours, de même que les activités programmées seraient mises en œuvre.
Il explique qu'il serait fidèle à ses engagements car les objectifs fixés à savoir la maîtrise des coûts de production et la réduction des charges de fonctionnement dont la réduction du personnel permanent au profit des saisonniers;
la réhabilitation des centres de production;
la diversification des produits;
la diversification de la clientèle et la mise en place des unités de transformation seraient largement entamées.
Il ajoute que néanmoins des procédures judiciaires engagées par certains créanciers tendraient à mettre un frein au redressement et conclut au rejet des réclamations des demandeurs.
DECISION
EN LA FORME
Attendu qu'au terme de l'article 33 alinéa 4 de l'acte uniforme du traité OHADA du 10 avril 1998 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, "A toute époque de la procédure de redressement judiciaire, la juridiction compétente peut convertir celle-ci en liquidation des biens s'il se révèle que le débiteur n'est pas ou n'est plus dans la possibilité de proposer un concordat sérieux".
Attendu que l'article 29 du, même acte précise que "La juridiction compétente peut se saisir d'office notamment sur la base des informations fournies par le représentant du ministère public, les commissaires aux comptes des personnes morales de droit privé lorsque celles-ci en comportent, les associés ou membres de ces personnes morales ou les institutions représentatives du personnel qui lui indiquent les faits de nature à motiver sa saisine".
Attendu en l'espèce que des documents produits au dossier par des travailleurs font état de ce que des actes réitérés d'aliénation de biens de la société FLEX-FASO par le directeur général seraient de nature à compromettre l'exécution du plan de redressement comme le non-paiement des arriérés de salaire par le débiteur ou le non respect de délais d'exécution du plan de redressement.
Attendu par ailleurs que le rapport du juge chargé du suivi de l'exécution du plan n'en dresse pas moins un tableau très désespéré, constatant surtout que le débiteur ne respecte aucunement ses engagements.
Attendu que ces révélations justifient à souhait la saisine d'office du tribunal.
AU FOND
Attendu que le tribunal doit statuer sur l'opportunité de poursuivre le redressement judiciaire ouvert à FLEX-FASO et par conséquent la continuation de l'exécution du plan redressement.
Attendu qu'en la matière il est constant que "si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan, le tribunal peut, d'office ou à la demande d'un créancier, du commissaire à l'exécution du plan ou du procureur du Faso prononcer la résolution du plan et l'ouverture d'une procédure de liquidation des biens, sans avoir à constater la cessation des paiements", pour peu que le débiteur n'est pas ou n'est plus dans la possibilité de proposer un concordat sérieux,
Attendu en l'espèce qu'eu égard aux différentes mesures de restructuration contenues dans le plan de redressement accordé au débiteur, un programme d'activités qui en principe devait générer un chiffre d'affaires de six cent millions (600.000.000) francs CFA dont cent cinquante millions (150.000.000) Francs CFA en l'an 2000 avait été incorporé dans le plan et en constituait l'axe principal; que cependant jusqu'en fin octobre 2000, ce programme ne connaissait pas un début d'exécution.
Attendu en outre que les mesures de restructuration relatives tant au personnel, à l'aménagement des surfaces exploitables qu'à la relance de la production et à l'amélioration de la productivité susceptibles de générer des ressources en vue de financer le redressement n'ont pas fondamentalement évolué au cours de la période de référence; que l'objectif fixé dans ce domaine qui était notamment de transformer les superficies libérées des vieux arbres en jardins potagers afin de générer des recettes à court terme n'est pas encore atteint dans les zones concernées.
Attendu en effet que si les notes du débiteur déclarent que les mesures ont été amorcées et que des ressources ont été améliorées, il n'est demeure pas moins vrai que le rapport du curateur constate que les prévisions de rentrées de fond n'ont été effectives qu'à concurrence d'un montant réel de dix huit millions (18.000.000) Francs CFA tandis que les mesures techniques de redressement annoncées dans les précédents rapports n'ont pas évolué sur la période de référence (août à octobre 2000).
Attendu que contrairement aux allégations du débiteur, ce rapport précise également que la production de légumes à cycle court qui devait démarrer sur les différents sites (BAZEGA, GUENAKO, VALLE DU KOU) connaît un retard d'exécution.
Attendu par ailleurs que ces énonciations apparaissent suffisamment vraisemblables en ce sens que les travailleurs de la société font valoir qu'ils ne seraient pas payés depuis l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et en tout désespoir de cause seraient devenus pour la grande majorité des revendeurs de mangues.
Attendu qu'il résulte du rapport que les mesures relatives à la réduction du personnel envisagées antérieurement n'ont pas eu lieu au cours de la période de référence mais seulement deux (2) agents ont été recrutés pour compter du 1er décembre 2000.
Attendu par ailleurs que le rapport constate que l'augmentation du capital de six cent millions (600.000.000) Francs CFA dont cent cinquante millions (150.000.000) Francs CFA à libérer en 1999 n'a pas eu lieu au cours de la période de référence et rien ne laisse entrevoir la réalisation de cette opération dans les tous prochains mois.
Attendu enfin que sur les mesures relatives à l'apurement du passif, pour des créances d'un montant total de trois cent soixante dix neuf millions quatre cent soixante onze mille cent vingt neuf (379.471.129) Francs CFA échelonnées à cent vingt cinq millions (125.000.000) Francs CFA pour l'an 2000, cent vingt cinq millions (125.000.000) Francs CFA pour l'an 2001, cent vingt neuf millions (129.000.000) Francs CFA pour l'an 2002, le rapport constate qu'aucun règlement n'a été fait au profit des créanciers.
Attendu que le représentant des créanciers a confirmé ledit rapport en déclarant à l'audience qu'aucun créancier n'a été désintéressé par le débiteur.
Attendu qu'à ce stade le rapport conclut à un retard dans (l'exécution du plan), dans la mise en œuvre du plan de redressement après douze (12) mois d'adoption, surtout à une incertitude quant aux recettes attendues à cet effet et déplore que le plan de redressement n'ait jusque là pas pu être respecté.
Attendu qu'il est constant qu'à compter du jugement qui arrête le plan de redressement de l'entreprise, le débiteur retrouve en principe avec ses pouvoirs sa liberté de gestion, sous la seule réserve des mesures que le tribunal aura pris le soin de lui imposer ou de lui interdire, en les incorporant dans le plan;
Attendu que tel est le cas des différentes mesures ci-dessus relatées.
Attendant qu'autant ces mesures constituent la clé du redressement, autant l'inexécution ou le retard de la mise en œuvre donne lieu à la résolution du plan.
Attendu que le redressement exige promptitude et rigueur dans la mise en œuvre du plan.
Que cependant en l'espèce, une incertitude règne quant à la capacité et à la possibilité du débiteur à trouver en temps opportun les moyens de mettre en œuvre le plan;
Que quand bien même l'exécution doit s'étaler sur trois ans, encore faut-il pouvoir commencer l'exécution du plan;
Attendu que le retard observé dans la mise en œuvre du plan de redressement et l'incapacité du débiteur à exécuter ses engagements dans les délais compromettent le succès de la procédure de redressement autant qu'elles n'assurent pas de la possibilité du débiteur de présenter un concordat sérieux;
Attendu que les intérêts des différentes parties prenantes sont le moins préservées; que la liquidation de l'entreprise apparaît la solution la plus judicieuse;
Attendu qu'il y a lieu de convertir dès lors le redressement judiciaire de la société FLEX-FASO en liquidation des biens.
Attendu qu'aux termes de l'article 35 de l'acte uniforme précité, "La décision d'ouverture nomme un juge-commissaire parmi les juges de la juridiction...".
Il désigne le ou les syndics sans que le nombre de ceux-ci puisse excéder trois...".
Attendu qu'en application du texte précité il y a lieu de nommer monsieur BATIONO Balia Désiré, juge-commissaire à la liquidation de la Société FLEX-FASO, et désigner monsieur ZINKONE Bassèga dit Célestin, expert comptable et maître ZONGO Inoussa, avocat, en qualité de syndics liquidateurs chargés de la liquidation de la société FLEX-FASO.
Attendu que les frais sont à mettre à la charge de la liquidation.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort :
Prononce la liquidation des biens de la société FLEX-FASO,
Nomme BATIONO Balia Désiré juge-commissaire,
Désigne monsieur ZINKONE Bassèga dit Célestin, expert comptable et maître Inoussa ZONGO, avocat à la Cour, en qualité de syndics liquidateurs chargés de la liquidation de la société FLEX-FASO.
Met les dépens à la charge de la liquidation.