J-04-19
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONTRAT DE BAIL D'UN IMMEUBLE A USAGE COMMERCIAL, A DUREE DETERMINEE – CONTRAT DE LOCATION DE MATERIEL DESTINE A L'USAGE DE L'IMMEUBLE – NON-RENOUVELLEMENT DES CONTRATS – ASSIGNATION EN PAIEMENT D'UNE INDEMNITE D'EVICTION – ARTICLES 99, 140, 438 ET 441 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – NULLITE DE L'ACTE D'ASSIGNATION (NON) – DEFAUT DE PREJUDICE (OUI).
REGIME JURIDIQUE APPLICABLE AUX DEUX CONTRATS – ARTICLES 517, 524 ALINEAS 1 ET 3 DU CODE CIVIL BURKINABE – IMMEUBLES PAR DESTINATION – ARTICLES 91 ET 94 AUDCG – INDEMNITE D'EVICTION (Oui).
Aux termes des articles 517, 524 alinéas 1 et 3 du code civil burkinabè « les biens sont immeubles ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent. »
« Les objets que le propriétaire d'un fondS y a placés pour le service et l'exploitation de ce fond sont immeubles par destination;
Sont aussi immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure. »
Il convient donc de déclarer que le régime juridique applicable au bail commercial de l'immeuble est le même que celui applicable à la location de matériel destiné à l'usage dudit immeuble.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 667 du 19 juin 2002, dame SIMPORE née GNIGNIN Tené Rasmata c/ dame COMPAORE née GRUNER HANS Yvette).
FAITS - PROCEDURE - PRETENTIONS - MOYENS - DES PARTIES
Le 22 novembre 2001, Mme SIMPORE née GNIGNIN Tené Rasmata assistée de son conseil maître SANKARA a fait assigner Mme COMPAORE née GRUNER HANS Yvette ayant pour conseil maître LOMPO en paiement d'indemnité d'éviction.
La requérante explique que le 15 novembre 2000, elle a conclu deux contrats avec Monsieur TAPSOBA S. Albert, le premier contrat relatif à un bail commercial d'immeuble était consenti pour un montant de cent cinquante mille (150.000) FCFA par mois et le second contrat relatif à la location de matériels destiné à l'usage de l'immeuble à un montant de cinq cent mille (500.000) FCFA par mois soit un montant total de six cent cinquante mille (650.000) FCFA. Les contrats stipulaient une durée d'un an renouvelable par tacite reconduction et Mme SIMPORE née GNIGNIN Tené Rasmata versait entre les mains du Sieur TAPSOBA Albert la somme de sept millions huit cent mille (7.800.000) FCFA représentant le loyer annuel du bail.
Le 03 août 2001, Mme CONPAORE née GRUNER HANS Yvette informait implicitement Mme SIMPORE d'être le propriétaire des locaux et du matériel et le 08 novembre 2001 elle informait toujours Mme SIMPORE du non-renouvellement desdits contrats.
Le 09 novembre 2001, Mme SIMPORE en prenait acte et priait Mme COMPAORE de lui verser une indemnité d'éviction conformément aux articles 91 et 94 de l'acte uniforme portant sur le droit commercial général.
Elle soutient que le régime juridique applicable au matériel est le même que celui applicable à l'immeuble en vertu des articles 517 et 524 alinéas 1 et 3 du code civil et l'article 105 de l'acte uniforme portant sur le droit commercial, donc le bail et la location du 15 novembre 2000 ont continué entre le nouvel acquéreur et la demanderesse conformément à l'article 78 de l'acte uniforme précité, de ce fait, dame COMPAORE se trouve liée conformément à l'article 1134 du code civil. Elle sollicite donc au Tribunal de rejeter les exceptions soulevées par dame COMPAORE conformément aux articles 99 et 140 du code de procédure civile;
– Déclarer l'action de dame : SIMPORE recevable et bien fondée;
– Ecarter la pièce cote 3 attestation de vente;
– Condamner dame COMPAORE à lui verser la somme de vingt trois millions quatre cent mille (23.400.000) FCFA représentant le loyer de trois années à titre d'indemnité d'éviction;
– Rejeter la demande reconventionnelle comme étant mal fondée et la condamner aux dépens.
Dame COMPAORE en réplique soulève in limine litis la nullité de l'acte d'assignation de dame SIMPORE pour violation des articles 99, 441, et 43 8 du code de procédure civile;
Subsidiairement, au fond, dame COMPAORE soutient par rapport à l'indemnité d'éviction consécutive à la rupture du contrat de bail d'immeuble que dame SIMPORE ne remplit pas les conditions pour jouir de cette indemnité en vertu de l'article 91 l'acte uniforme portant sur le droit commercial; concernant l'indemnité relative à la rupture du contrat de location de matériels, elle déclare que le matériel loué n'étant pas un immeuble, il ne rentre pas dans le champ d'application de l'article 69 de l'acte uniforme précité, par conséquent, elle sollicite que dame SIMPORE soit déboutée de sa prétention à une indemnité d'éviction;
Elle formule une demande reconventionnelle conformément à l'article 15 du code de procédure civile et sollicite que le tribunal la reçoive en cette demande et condamner dame SIMPORE lui payer la somme de deux millions (2.000.000) au titre de préjudice qu'elle a subi et la condamner aux dépens.
Sur les exceptions tirées de la violation des articles 99, 438, 441 du code de procédure civile
EN LA FORME
Attendu qu'elles ont été introduites in limine litis, qu'elles sont recevables;
AU FOND
Attendu que dame COMPAORE fait valoir que l'assignation à elle servie viole les articles sus-cités en ce qu'elle ne précise pas sa nationalité ni sa date et son lieu de naissance d'une part en ce qu'elle a méconnu les délais de comparution et la mention de sa condamnation si elle ne comparait pas d'autre part, que lesdites dispositions frappent de nullité tel acte de procédure;
Mais, attendu que les articles 99 et 140 du code de procédure civile subordonne la nullité de tels actes à l'existence d'un préjudice;
Qu'en l'espèce, Mme COMPAOPLE née GRUNER HANS Yvette ne rapporte pas la preuve d'un quelconque préjudice;
Qu'il échet donc de les rejeter comme étant mal fondées;
Sur l'indemnité d'éviction
Attendu que Dame COMPAORE née GRUNER HANS Yvette invoque l'article 91 de l'acte uniforme portant sur le droit commercial général qui dispose que « le droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée est acquis au preneur qui justifie avoir exploité, conformément aux stipulations du bail, l'activité prévue à celui-ci pendant une durée minimale de 2 ans » pour soutenir que dame SIMPORE ne remplit pas les conditions pour bénéficier de l'indemnité d'éviction;
Attendu que ce moyen est inopérant en ce sens que c'est le nouveau bailleur notamment COMPAORE née GRUNER HANS Yvette qui a résilié le contrat de bail et non le preneur;
Attendu que s'agissant du second moyen relatif au régime juridique applicable aux contrats, il ressort des faits de la cause que le premier contrat était relatif à un bail d'immeuble et le deuxième contrat relatif à la location de matériel destiné à l'usage de l'immeuble dont il s'agit;
Attendu que l'article 517 du code civil dispose que « les biens sont immeubles ou par leur nature, ou par leur destination, ou par l'objet auquel ils s'appliquent » et l'article 524 alinéa 1 et 3 dispose « les objets que le propriétaire d'un fond y a placés pour le service et l'exploitation de ce fond sont immeubles par destination;
Sont aussi immeubles par destination, tous effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure »;
Que les deux contrats rentrent dans le cadre des articles sus-cités, il convient de déclarer que le régime juridique applicable au bail commercial de l'immeuble est le même que celui applicable à la location de matériel;
Attendu donc qu'en considération de tout ce qui précède et en vertu de l'article 94 de l'acte uniforme portant sur le droit commercial général qui dispose que « le bailleur peut s'opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée, en réglant au locataire une indemnité d'éviction » SIMPORE née GNINGNIN Tené Rasmata est en droit de réclamer à Mme COMPAORE une indemnité d'éviction;
Attendu qu'il est incontestable que dame SIMPORE a subit un préjudice, il n'en demeure pas moins que le montant réclamé au titre de l'indemnité d'éviction est excessif;
Qu'eu égard aux éléments d'appréciation dont dispose le Tribunal, il y a lieu de le fixer à sept millions huit cent mille (7.800.000) FCFA et condamner dame COMPAORE née GRUNER HANS Yvette à lui payer ledit montant.
Sur la demande reconventionnelle de COMPAORE née GRUNER HANS Yvette
Attendu que la demanderesse estime que l'action de dame SIMPORE est vexatoire, maligne et sans fondement conformément à l'article 15 du code de procédure civile;
Attendu qu'il est indéniable que dame SIMPORE a subi un préjudice certain dû à la perte de sa clientèle;
Que son action est donc bien fondée et par conséquent qu'il y a lieu de débouter dame COMPAORE née GRUNER HANS Yvette de sa demande reconventionnelle comme étant mal fondée.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
EN LA FORME, reçoit les exceptions soulevées par dame COMPAORE née GRUNER HANS Yvette et AU FOND les rejette comme étant mal fondées;
Condamne Mme COMPAORE née GRUNER HANS Yvette à payer à dame SIMPORE née GNINGNIN Téné Rasmata la somme de sept millions huit cent mille (7.800.000) FCFA à titre d'indemnité d'éviction et déboute celle-ci du surplus de sa demande;
Reçoit la demande reconventionnelle de Dame COMPAORE née GRUNER HANS Yvette, mais la déclare mal fondée, par conséquent l'en déboute;
La condamne aux dépens