J-04-191
VOIES D'EXECUTION – SAISIE CONSERVATOIRE – SAISIE CONSERVATOIRE SUR LES BIENS MEUBLES DU DEBITEUR – DEMANDE EN VALIDITE ET EN CONVERSION DE LA SAISIE CONSERVATOIRE – APPEL.
SOMME LITIGIEUSE – PRET OU PRIX DE VENTE – ARTICLE 1156 CODE CIVIL BURKINABE – COMMUNE INTENTION DES PARTIES – AIDE FINANCIERE (OUI).
CONVERSION EN SAISIE-VENTE – ARTICLE 69 AUPRSVE – INCOMPETENCE DU JUGE POUR PRONONCER LA CONVERSION DE LA SAISIE (NON) – VALIDITE DE LA SAISIE ET CONVERSION EN SAISIE VENTE (OUI) – VENTE AUX ENCHERES PUBLIQUES DES BIENS SAISIS.
L’esprit de l’article 69 AUPRSVE c’est d’éviter la lenteur procédurale liée à toute action judiciaire. L’on aboutirait à l’effet inverse si comme l’a fait le premier juge saisi principalement d’une demande en paiement qu’il a estimé fondée, et accessoirement d’une demande en validité et en conversion, l’on renvoie devant un huissier pour la conversion, sachant que le créancier ne dispose pas encore d’un titre exécutoire. Il aurait fallu que le juge saisi à la fois d’une demande en paiement et d’une demande en validité et en conversion, accepte de se prononcer sur la validité de la saisie dès lors qu’il a estimé fondée la demande en paiement.
Article 69 AUPSRVE
Article 1156 CODE CIVIL BURKINABE
(COUR D’APPEL DE BOBO-DIOULASSO, Chambre civile et commerciale (BURKINA FASO), Arrêt n° 03 du 20 janvier 2003, TRAORE Bakary c/ Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A la suite d’une requête présentée par Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine, le président du tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso rendait le 31 octobre 2000, une ordonnance autorisant la requérante à saisir conservatoirement les biens de TRAORE Bakary;
Le 17 novembre 2000, Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine faisait pratiquer ladite saisie sur les biens meubles de son débiteur;
Par acte d’huissier en date du 06 décembre 2000, la requérante faisait assigner TRAORE Bakary à comparaître devant le tribunal de grande instance de Bobo-Dioulasso à l’effet de :
– le voir condamner à lui payer la somme de 1.400.000 F,
– voir déclarer bonne et valable la saisie conservatoire opérée, la convertir en saisie-vente, et en conséquence obtenir la vente des biens saisis dont le produit lui sera versé jusqu’à concurrence ou en déduction du montant de sa créance.
Au soutien de son action, Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine expliquait avoir accordé à titre de prêt la somme de 1.400.000 F à TRAORE Bakary pour le dédouanement de ses véhicules; que pour le remboursement, son débiteur devait lui vendre un des véhicules à 2.000.000 F; que malheureusement, elle n’est jamais entrée en possession ni des pièces du véhicule, ni de véhicule, ni même des 1.400.000 F que son débiteur s’était engagé à lui rembourser;
Que face à la situation, et après 9 mois de démarches infructueuses, elle s’était vue obligé de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens meubles de son débiteur.
En réplique, TRAORE Bakary soulève l’incompétente du tribunal à connaître de la validation de la saisie; invoquant à cet effet l’article 69 et suivants de l’acte uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement des créances et voies d’exécution. Il concluait au fond au débouté de Dame OUEDRAOGO pour défaut de preuve de la créance.
Par jugement en date du 09 mai 2001, le tribunal recevait Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine en son action; la déclarait partiellement fondée et condamnait TRAORE Bakary à lui payer la somme de 1.400.000 F; il renvoyait la requérante à mieux se pourvoir quant à sa demande en validité et en conversion de la saisie conservatoire.
Par acte d’huissier en date du 21 juin 2001, TRAORE Bakary interjetait appel dudit jugement sollicitant son infirmation, motif tiré de ce que le premier juge a fait une mauvaise interprétation des faits;
La cause inscrite au rôle de la Cour sous le n° 97 du 30 août 2001 sera appelée à l’audience du 03 septembre 2001 puis renvoyée au rôle général pour mise en état; par ordonnance en date du 14 octobre 2002, le conseiller à la mise en état ordonnait la clôture de l’instruction et le renvoi de la cause à l’audience du 04 novembre 2002, date à laquelle elle fut débattue et mise en délibéré pour le 02 décembre 2002; ledit délibéré sera prorogé au 16 décembre 2002 puis au 20 janvier 2003 date à laquelle il sera vidé.
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que TRAORE Bakary a intérêt et qualité pour agir; que son appel interjeté en application des articles 536 et 550 du code de procédure civile mérite d’être déclaré recevable.
AU FOND
1- Sur la demande de paiement
Attendu que TRAORE Bakary reproche au jugement attaqué de l’avoir condamné à payer la somme de 1.400.000 F à Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine alors qu’à son entendement cette somme représente le prix de la vente d’un véhicule;
Attendu que la question que soulève cette affaire est celle de savoir si la somme litigieuse a été remise à TRAORE Bakary à titre de prêt ou alors comme prix de vente d’un véhicule;
Attendu qu’à défaut d’écrits matérialisant la volonté des parties, il convient conformément à l’article 1156 du code civil de rechercher leur commune intention;
Attendu dans ce sens que de l’audition des parties devant le juge de la mise en état, il ne ressort nulle part que les parties ont entendu conclure un contrat de vente; qu’il était plutôt question que Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine apporte une aide financière à TRAORE Bakary afin de permettre à ce dernier d’effectuer le dédouanement de véhicules qu’il avait ramenés d’Europe; que c’est dans ce sens d’ailleurs que TRAORE Bakary lui même affirmait que « le véhicule Golf est à sa disposition » et qu’elle « pouvait le vendre et se payer sa créance »; qu’il ajoutait que « si cette solution ne lui satisfaisait pas, qu’elle lui laisse le temps de pouvoir vendre lui-même le véhicule et lui payer son argent »;
Attendu que de telles déclarations sont suffisamment révélatrices de la commune intention des parties au moment de la remise de l’argent; que cette intention était manifestement de venir en aide à Bakary et non de conclure un contrat de vente; que le premier juge ayant perçu cela, sa décision sur la question mérite d’être confirmée.
2- Sur la demande en validité et en conversion de la saisie.
Attendu qu’en réponse à cette demande le premier juge a renvoyé Dame OUEDRAOGO à mieux se pourvoir, motif pris de ce que l’appréciation de la validité de la saisie conservatoire et la conversion de celle-ci en saisie-vente ne relèverait plus de la compétence du président du tribunal au regard de l’article 69 de l’acte uniforme OHADA portant procédure simplifiée de recouvrement des procédure simplifiée de recouvrement des créances et voies d’exécution;
Attendu qu’en décidant ainsi, le premier juge n’a pas fait une bonne application de la loi, qu’en effet, la substitution d’un acte simple de conversion à l’instance en validité ne vaut que lorsque le créancier est muni d’un titre exécutoire;
Attendu cependant que Dame OUEDRAOGO ne disposait pas d’un tel titre, dans la mesure où aucun jugement définitif n’était encore intervenu; que dans ces conditions le recours à un simple acte d’huissier ne saurait valoir conversion;
Attendu en outre que l’esprit de l’article 69 du texte ci-dessus visé, c’est d’éviter la lenteur procédurale liée à toute action judiciaire; que l’on aboutirait à l’effet inverse si comme l’a fait le premier juge saisi principalement d’une demande en paiement qu’il a estimé fondée, et accessoirement d’une demande en validité et en conversion, l’on renvoie devant un huissier pour la conversion, sachant que le créancier ne dispose pas encore d’un titre exécutoire; qu’il aurait fallu que le juge saisi à la fois d’une demande en paiement et d’une demande en validité et en conversion, accepte de se prononcer sur la validité de la saisie dès lors qu’il a estimé fondé la demande en paiement; qu’en s’étant déclaré incompétent pour prononcer la conversion de la saisie qui en réalité n’est qu’un accessoire de la demande principale, la décision du premier juge mérite réformation;
Attendu dans ce sens qu’aucune irrégularité n’est soulevée dans la procédure de saisie; que par ailleurs la demande en paiement est fondée; qu’il y a lieu en conséquence de déclarer bonne et valable la saisie opérée et la convertir en saisie vente, d’autoriser la vente desdits biens dont le produit sera versé à Dame OUEDRAOGO jusqu’à concurrence du montant de sa créance.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale, en cause d’appel et en dernier ressort :
EN LA FORME
– Déclare l’appel recevable en application des articles 536 et 550 du code de procédure civile;
AU FOND
– Réforme le jugement n° 159/2001 du 9/05/2001 en ce qu’il a renvoyé Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine à mieux se pourvoir quant à la validité et à la conversion de la saisie conservatoire;
– Déclare bonne et valable la saisie conservatoire pratiquée et la convertit en saisie-vente;
– Ordonne la vente aux enchères publiques des biens saisis;
– Dit que le produit de la vente sera versé à Dame OUEDRAOGO née TRAORE Joséphine en déduction ou jusqu’à concurrence du montant total de sa créance;
– Confirme les autres dispositions du jugement;
– Condamne l’appelant aux dépens.