J-04-202
SURETES – HYPOTHEQUES – CONVENTION DE PRET HYPOTHECAIRE – CONVENTION ANTERIEURE A L’ACTE UNIFORME SUR LE SURETES – APPLICATION DE L’ARTICLE 150 AUS. PORTANT ORGANISATION DES SURETES (OUI).
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – APPLICATION DE L’AUPSRVE (NON).
Lorsque une convention de prêt hypothécaire a été conclue antérieurement à l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme sur les sûretés, les dispositions de ce texte ne lui sont pas applicables conformément à l’article 150 de cet acte.
Par ailleurs, la saisie immobilière engagée sur la base de cette convention ne peut l’être en application des dispositions de l’AUPSRVE (article 337) mais seulement des dispositions antérieures.
Article 150 AUS
Article 337 AUPSRVE
(Cour d’Appel du Centre, Arrêt n°414/ Civ du 02 juillet 2003, La sté CERAC SARL C/ La Sté des Recouvrements des Créances du Cameroun (SRC)).
LA COUR,
Vu le jugement n°656 rendu le 19 septembre 2001 par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi;
Vu l’appel du 11 septembre 2002 interjeté contre ledit jugement;
Oui Mr le Président en son rapport;
Oui les parties en leurs prétentions et moyens de défense;
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que par requête du 10 septembre 2002 enregistrée le 11 septembre 2002 , la sté SERAC SARL a relevé appel du jugement n°656 rendu le 19 décembre 2001 par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi qui a ordonné la continuation des poursuites engagées contre elle par la SRC en matière immobilière et a fixé au mercredi 26 septembre 2001 la vente de l’immeuble litigieux, par devant Me Assena, Notaire à Yaoundé;
EN LA FORME
Considérant que l’appel a été interjeté dans les formes et délai légaux, qu’il échet de le déclarer recevable;
Considérant que toutes les parties ont conclu; qu’il y a lieu de statuer contradictoirement à leur égard;
AU FOND
Considérant que la sté SERAC SARL fait grief au premier juge d’avoir fait une mauvaise appréciation des faits de la cause ayant abouti à un inexacte application de la loi;
Qu’elle expose que par jugement n°348 rendu le 27 avril 1992 par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, elle a été reconnue débitrice de la BICIC d’une somme de 4.485.255 FCFA;
Que ce jugement ayant été confirmé par l’arrêt n°170/ civ du 20 mars 1996 de la cours de céans sur appel de la BICIC aucun pourvoi en cassation n’a été formé contre cet arrêt régulièrement signifié à la SRC le 19 octobre 2001 et qui a acquis autorité de la chose jugée;
Qu’en ordonnant la vente aux enchères de l’immeuble objet du titre foncier n°6886/Mfoundi en faveur de la SRC le jugement entrepris a fait droit à une demande remettant en cause l’arrêt sus-évoqué devenu définitif et a violé la règle de l’autorité de la chose jugée;
Que ce faisant, le premier juge a rendu une décision de complaisance destinée à spolier le patrimoine de la SERAC, ce d’autant plus que la dette de 4.485.255 F CFA a été libérée;
Qu’à défaut de le déclarer nul du fait de l’absence de la mention du nom du greffier audiencier, le jugement entrepris doit être totalement infirmé pour les raisons sus-évoquées;
Considérant que pour faire échec aux prétentions de la partie appelante, la SRS soutient que la SERAC dont l’activité était l’achat des produits de base avait bénéficié de la part de la BICIC de plusieurs concours financiers dont un crédit à moyen terme d’équipement de F.CFA 42.000.000 et plusieurs crédits de campagne assis sur une hypothèque sur l’immeuble objet du titre foncier n°6886/Mfoundi;
Qu’en mai 1984, le total des engagements laissait apparaître n solde débiteur de FCFA 195.275.122 en principal, intérêts et agios à décompter;
Que le mutisme de la SERAC devant les lettres de mise en demeure à elle adressée, l’intimée a confié le dossier au service du recouvrement pour la réalisation de la garantie grevant l’immeuble dont s’agit;
Que c’est ainsi que la SRC , liquidateur de la défunte BICIC a fait servir à la SERAC un commandement aux fins de saisie immobilière le 21 février 2001 par Me Jeannette Irène EKEDI, Huissier de Justice à Yaoundé, suivi de l’insertion des dires et observations dans le cahier des charges le 09 mai 2001;
Que par ordonnance n°352 du 08 février 2002, le Président de la Cour Suprême a rejeté la requête aux fins de sursis à exécution introduite par la SERAC à la suite du pourvoi formé le 25 septembre 2001 contre le jugement querellé;
Que suite à ce rejet, Madame le Président du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, par l’ordonnace n°161 du 08 février 2002, a fixé au 14 mars 2002, la nouvelle date de vente dudit immeuble, date à laquelle l’adjudication a effectivement eu lieu;
Que les arguments de la SERAC sont spécieux et Ne sauraient entraîner la réformation du jugement n°656 rendu le 19 septembre 2001 par le Tribunal du Mfoundi qui ne viole en rien celui n°348 du 27 avril 1992;
Considérant qu’aux termes de l’article 150 al.2. de l’acte uniforme portant organisation des sûretés, « les sûretés consenties ou constituées ou créées antérieurement au présent Acte Uniforme et conformément à la législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu’à leur extinction »;
Considérant que la convention de prêt hypothécaire du 17 novembre 1982 entre la BICIC et la SERAC, inscrite au service provincial des domaines du Centre, a été conclue sous l’empire des dispositions des articles 2114 et sv. du code civil;
Que la saisie immobilière du 21 février 2001 pratiquée en vue de la réalisation de l’hypothèque constituée avant l’entrée en vigueur de l’Acte Uniforme relatif aux sûretés aurait dû être opérée en application des dispositions des articles 390 et sv. du code de procédure civile ainsi que le stipule la convention de prêt avec affectation hypothécaire;
Que c’est à tort qu’elle l’a été suivant les dispositions de l’acte uniforme n° 6 non applicable en l’espèce;
Qu’il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de déclarer nulle la saisie immobilière querellée sans égard aux moyens soulevés par l’appelante;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toues les parties, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Reçoit l’appel interjeté;
AU FOND
Infirme le jugement attaqué;
Statuant à nouveau;
Constate que la saisie immobilière querellée a été pratiquée à tort en application des dispositions de l’acte uniforme OHADA n° 6 (sic);
La déclare en conséquence nulle…..
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Agrégé des Facultés de droit, Professeur.
Si on ne peut qu’adhérer à la première solution de la cour d’appel (application du droit camerounais des sûretés antérieur à l’Acte uniforme sur les sûretés), on ne peut que désapprouver la seconde consistant à déclarer que la procédure applicable à la saisie immobilière entreprise le 21 février 2001 est également celle prévue par le code de procédure civile antérieur à l’acte uniforme sur les voies d’exécution. En effet, l’article 337 AUPSRVE dispose expressément que cet Acte « sera applicable aux mesures conservatoires, mesures d’exécution et procédures de recouvrement engagées après son entrée en vigueur », la date de celle-ci étant le 10 juillet 1998 par combinaison des articles 9 du Traité et 338 de l’AUPSRVE, la date d’adoption de cet Acte uniforme étant le 10 avril 1998.