J-04-203
INJONCTION DE PAYER – ORDONNANCE D’INJONCTION DE PAYER – OPPOSITION – APPEL CONTRE JUGEMENT D’OPPOSITION.
CREANCE DE RESTITUTION D’UNE SOMME D’ARGENT – CREANCE CERTAINE, LIQUIDE ET EXIGIBLE (OUI) – ARTICLES 1er ET 2 AUPSRVE.
Une créance de restitution de somme d’argent suite à la résolution d’un contrat peut fonder une procédure d’injonction de payer si elle est certaine, liquide et exigible.
La condition de certitude ne fait l’objet d’aucun doute lorsque le débiteur reconnaît dans la sommation qu’il a lui même servi à l’appelante avoir reçu une avance de somme d’argent de la part du créancier. S’agissant de la liquidité, la photocopie d’un chèque encaissé par le débiteur de la restitution donne à la créance dont le recouvrement est poursuivi le caractère de liquidité requis par la loi. S’agissant enfin de l’exigibilité, elle découle de cette même sommation de payer dans laquelle le débiteur de la restitution se fixe lui-même la date butoir pour restituer la somme perçue.
(Cour d’Appel du Centre, Arrêt n°339/Civ. du 16 mai 2003, La CITIMA C/ Sieur FEZEU Paul).
LA COUR,
Vu le jugement civil n°652 rendu le 19 septembre 2002 par le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi;
Vu l’appel interjeté le 17 octobre 2002 contre ledit jugement par la CITIMA S.A. ayant pour conseil Me Kenfack;
Vu les pièces du dossier de la procédure;
Oui Mr le Président du siège en la lecture de son rapport;
Oui les parties en leurs fins, moyens et conclusions;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
Considérant que la CITIMA S.A. a interjeté appel contre le jugement n°652 du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi lequel jugement a déclaré le Docteur Fezeu fondé en son opposition à injonction de payer et ordonné la rétractation de l’ordonnance n° 43 rendue par Madame la Présidente du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, laquelle ordonnance faisait injonction au Docteur Fezeu de payer à la CITIMA SA la somme de 121.875.000 francs en principal, intérêts et frais de procédure;
EN LA FORME
Considérant que l’appel de la CITIMA S. A .est régulier et recevable comme interjeté dans les forme et délai légaux;
Considérant que toutes les parties représentées à l’audience ont conclu par l’organe de leurs conseils;
Qu’il y a lieu de statuer par arrêt contradictoire à leur égard;
AU FOND
Considérant que la CITIMA S.A. reproche au premier juge d’avoir déclaré le Docteur Fezeu fondé dans sa procédure d’opposition formulée contre l’ordonnance d’injonction de payer querellée alors que l’examen des pièces du dossier révèle d’une part que sieur FEZEU a toujours reconnu sa dette, qu’il s’est du reste proposé de payer et que, d’autre part, la créance en fondement de l’injonction de payer remplit les conditions fixées par les articles 1 et 2 de l’Acte Uniforme OHADA n°6 portant recouvrement simplifié et voies d’exécution;
Qu’elle explique qu’elle avait conclu avec le Docteur FEZEU l’achat d’un immeuble à usage d’habitation moyennant la somme de F. CFA 100.000.000(Cent millions);
Qu’elle s’était libérée de son obligation en lui versant ladite somme suivant chèque n°2085832 tiré sur la Standard Chatered Bank et dûment encaissé par ce dernier comme en fait foi le relevé de compte bancaire produit aux débats;
Que rompant unilatéralement les engagements souscrits, le Docteur FEZEU rehausse le prix de l’immeuble à la somme de Francs CFA 160.000.000 (cent soixante millions), puis, par exploit en date du 04 décembre 2001, il somme le représentant légal de la CITIMA S.A. d’avoir à lui verser dans les huit jours le complément de prix, soit 60.000.000 (soixante millions), faute de quoi la somme avancée lui sera purement et simplement restituée;
Qu’il se dégage des termes mêmes de cette sommation que la créance de la CITIMA est certaine, liquide et exigible depuis le 12 décembre 2001, c’est-à-dire huit jours après l’exploit d’huissier servi le 04 décembre 2001;
Que la créance litigieuse résultant d’un contrat régulier et arrêté par les parties tel que le reconnaît le sieur FEZEU lui-même, toutes les exigences posées dans l’Acte Uniforme n°6 se trouvent remplies;
Qu’elle conclut à l’infirmation du jugement entrepris et à la condamnation de sieur FEZEU Paul au paiement des sommes suivantes à la CITIMA S.A. :
– 100.000.000 Frs (cent millions) en principal;
– 11.875.000 Frs CFA d’intérêts
– 10.000.000 Frs à titre de fais de recouvrement
– soit au total 121.8750.000 francs.
Considérant qu’en réplique, Mes Mbony et Sack, conseils de l’intimé font valoir que contrairement aux affirmations dénaturées de droit avancées par l’appelante, la vente génère une obligation de faire;
Que lorsque l’acheteur estime que le vendeur n’a pas exécuté son obligation qui consiste à délivrer la chose, s’il estime qu’il a payé le prix, il a une alternative : soit le forcer à délivrer la chose, soit à demander la résolution avec dommages et intérêts;
Que dans le cas d’espèce, la CITIMA S.A. devait soit assigner en réalisation forcée, soit en résolution avec remboursement et dommages-intérêts;
Que l’on ne saurait parler de dette dans le cas d’espèce; le chèque ayant plutôt été donné en paiement partiel en ne saurait être considéré comme une dette; et par conséquent, la sommation produite est une mise en demeure de payer de l’intimé adressée à l’appelante et non l’inverse;
Que la CITIMA ne saurait engager deux actions pour une même créance;
Qu’ils expliquent que les intérêts et frais contenus dans l’injonction de payer feront double emploi si le juge de fond présentement saisi ordonne le paiement d’autres dommages-intérêts;
Qu’ils ajoutent qu’en ordonnant de payer la somme réclamée par l’appel ante, la Cour risque de préjudicier au fond puisqu’elle aura décidé que la vente est résolue du fait du Docteur FEZEU ce qui n’est pas de son pouvoir, ledit contentieux étant déjà pendant devant le juge du fond;
Que relativement à la vente, ils font valoir que l’action en résolution est préalable à tout remboursement; Que si la CITIMA ne veut ou ne peut obtenir la délivrance forcée de la chose, elle peut demander la résolution de la vente après avoir mis le Docteur FEZEU en demeure; la résolution aura alors un caractère judiciaire sauf si le contrat comporte une clause résolutoire, (ce qui n’est pas le cas) et l’acheteur ne peut unilatéralement résoudre le contrat (article 1184 C.Civ.);
Que seul le juge du fond saisi en résolution de vente pourra interpréter le contrat et déterminer les responsabilités des parties;
Qu’en l’espèce, l’expertise démontre à suffire que l’immeuble du Docteur FEZEU a subi des dégâts du fait de la CITIMA S.A.; quel serait dès lors le sort du Docteur s’il était déjà condamné à rembourser la somme de cent millions de francs avant que le juge de fond ne statue sur la faute de l’un ou de l’autre;
Qu’il conclut à la confirmation du jugement entrepris;
Considérant que Me Kenfack, conseil de la CITIMA rétorque que si la résolution judiciaire est une prescription légale, la même loi donne toute la force voulue à la résolution amiable; qu’en offrant de rembourser la somme de cent millions reçue dans le cadre de la vente et en acceptant de les recevoir, les parties ont entendu se soustraire des contraintes liées à la procédure de résolution judiciaire;
Mais considérant qu’au sens précis et formel des articles 1 et 2 de l’Acte Uniforme OHADA n°6, la créance susceptible de recouvrement par la voies de la procédure d’injonction de payer doit remplir quatre conditions cumulatives;
Elle doit être :
– Certaine c’est-à-dire indubitable;
– Liquide c’est-à-dire susceptible d’évaluation en somme d’argent;
– Exigible c’est-à-dire à terme échu;
– D’origine contractuelle c’est-à-dire résultant d’un rapport d’obligations;
Considérant qu’en l’espèce la créance en fondement de l’injonction de payer litigieuse prend sa source dans le contrat de vente d’immeuble passé entre le docteur FEZEU et la société CITIMA S.A.;
Qu’outre la rencontre des deux volontés qui doit sous-tendre tout contrat, les obligations réciproques qui en découlent naturellement ont connu à tout le moins un début d’exécution de la part de la CITIMA qui a remis un chèque d‘un montant de francs CFA 100.000.000 au docteur FEZEU qui reconnaît expressis verbis l’avoir encaissé;
Considérant que la forme notariée exigée par le législateur de 1974 ne vise qu’à donner toute l’efficacité voulue à une telle convention : le vernis de solennité requis contribuant à la rendre opposable erga mones;
D’où il suit que la créance litigieuse a bien une source contractuelle;
Considérant, s’agissant de la condition de certitude qu’elle ne fait l’ombre d’aucune contestation, le docteur FEZEU ayant reconnu dans la sommation qu’il a lui même servi à l’appelante le 04 décembre 2001 avoir reçu une avance de somme d’argent de la part de la société CITIMA;
Que s’agissant de la liquidité, la photocopie d’un chèque d‘un montant de Francs CFA cent millions régulièrement encaissé par le docteur FEZEU donne à la créance dont le recouvrement est poursuivi le caractère de liquidité requis par la loi;
Que s’agissant enfin de l’exigibilité, elle découle de cette même sommation de payer dans laquelle le docteur FEZEU se fixe lui-même la date butoir du 12 mai 2001 pour restituer la somme de cent millions de francs CFA perçue;
Considérant au surplus que, contrairement à la thèse développée par l’intimé, l’appelant a entendu fondé son action non pas sur l’article 1184 du code civil qui traite de la condition résolutoire du contrat synallagmatique, mais plutôt sur les dispositions de l’article 1134 du code civil et des conséquences qui découlent de la révocation d’un contrat suite à un consentement mutuel;
Considérant en effet que cet article dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites;
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel… »;
Qu’en droit, la conséquence de la révocation est la remise des choses en l’état où elles se trouvaient auparavant toute idée de préjudice évacuée;
Considérant qu’en l’espèce le sieur FEZEU a clairement notifié à son cocontractant sa ferme intention de révoquer le contrat les liant sous huitaine au cas où il ne paierait pas les soixante millions exigés et de restituer le cas échéant la somme de cent millions de francs avancée;
Que la CITIMA a adhéré à cette offre de révocation exprimée par le sieur FEZEU en acceptant de recevoir le prix payé;
Considérant que, ce faisant, les parties ont certainement et nécessairement entendu se soustraire de toutes autres contraintes;
Considérant qu’il est de jurisprudence assise que le consentement mutuel des parties à une révocation de la convention les liant peut être déduit par le juge de fond de l’ensemble des éléments de la cause (C.S. C.O. arrêt n°39/CC du 30 mai 1967, Bull ,°16, p.1809);
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le juge du premier degré n’a pas fait une saine application de la loi;
Qu’il échet en conséquence d’infirmer le jugement entrepris;
Considérant que la créance de la CITIMA réunit toutes les conditions requises par les articles 1 et 2 de l’Acte Uniforme OHADA n°6 portant recouvrement simplifié et voies d’exécution;
Qu’il échet, compte tenu de tout ce qui précède de dire le docteur FEZEU non fondé en son opposition et le condamner à payer à la CITIMA S.A. la somme de francs CFA de 100.000.000 en principal, majorée des intérêts de droit au taux légal de 7% à compter e la demande en justice c’est-à-dire la date de dépôt de la requête aux fins d’injonction de payer;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement, en chambre de conseil, en appel et en dernier ressort;
Après avoir délibéré conformément à la loi;
EN LA FORME
Reçoit l’appel interjeté;
AU FOND
Infirme le jugement entrepris;
Statuant à nouveau, condamne le docteur FEZEU à payer à la CITIMA la somme de 100.000.000 francs CFA (cent millions de francs CFA) en principal majorée d’intérêts au taux légal annuel de 7% à compter de la demande en justice;
Le condamne également au paiement des frais de justice évalués à la somme de 7.000.000 F CFA (sept millions) et aux dépens…..