J-04-221
VOIES D’EXECUTION – TITRE EXECUTOIRE – PROTOCOLE D’ACCORD – ABSENCE DE CONSIGNATION ET SIGNATURE DU PROTOCOLE – PROTOCOLE VALANT TITRE EXECUTOIRE (NON) – VIOLATION DE L’ARTICLE 33 AUPSRVE (OUI) – NULLITE DE LA FORMULE EXECUTOIRE APPOSEE SUR LE PROTOCOLE.
Un protocole d’accord est un acte sous seing privé et lorsque ce document n’a pas été consigné dans un procès verbal de conciliation signé par le juge et les parties, il ne peut pas valoir titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Par conséquent doit être déclarée nulle la formule exécutoire qui y a été apposée.
Article 33 AUPSRVE
(TGI du Wouri, jugement civil n° 283 du 07 février 2003, Affaire UNIMARCHE S.A c/ STE GLOBE TRAVEL).
Le Tribunal :
– Vu l’exploit introductif d’instance en date du 03 février 2001;
– Vu les éléments et pièces du dossier de la procédure;
– Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
– Vu les lois et règlements applicables;
– Vu le jugement N° 410/ADD du 5 juillet 2002;
– Attendu que suivant exploit sus-visé, du ministère de Maître YOSSA née DJOMAKOUA Evelyne Thérèse, huissier de justice à Douala, y demeurant, enregistré le 4 juin 2001, (Volume 001, folio 269, n° 3785/3, au frais de 4.000 Frs), la société UNIMARCHE SA dont le siège est à Douala, ayant pour conseil Maître GNIE KAMGA, avocat, a fait donner assignation à :
– La Société GLOBE TRAVEL dont le siège est à Douala;
– Maître TEKEU Victor, huissier de justice à Douala;
– D’avoir à se trouver et à comparaître le vendredi 21 février 2001 en audience ordinaire et par devant le Tribunal de Grande Instance de céans, statuant en matière civile et commerciale pour :
– Voir dire et juger que le protocole d’accord du 22 décembre 1999 est un acte sous seing privé auquel les parties n’ont nullement entendu conférer le caractère de titre exécutoire;
– Voir dire que pour devenir un titre exécutoire, les mentions de ce protocole d’accord auraient nécessairement dues être consignées dans un procès verbal de conciliation signé par le juge et les parties;
– Voir dire et juger que l’apposition de la formule exécutoire sur le protocole d’accord dont est le cas, est illégale, dépourvue qu’elle est de toute base légale;
– En conséquence :
– Voir s’entendre déclarer nulle et de nul effet la formule exécutoire frauduleusement apposée sur le protocole d’accord du 22 décembre 2000;
– Voir s’entendre ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel;
– Voir s’entendre enfin condamner la société GLOBE TRAVEL aux dépens dont distraction au profit de maître Jackson NGNIE KAMGA, avocat aux offres de droit;
– Attendu qu’au soutien de sa demande la société requérante fait valoir que, se prévalant de la grosse prétendument en forme exécutoire d’un protocole d’accord intervenu le 22 décembre 1999, la Société GLOBE TRAVEL a cru devoir lui signifier en date du 29 Décembre 2000, un commandement de payer la somme de F CFA 33.197.070, du ministère de Maître TEKEU Victor, huissier de justice à Douala;
– Que le protocole d’accord dont s’agit ne constitue pas un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte Uniforme OHADA n° 6 , étant donné qu’il n’a pas été consigné dans un procès verbal de consignation signé par le juge et les parties;
– Que c’est par fraude que la société GLOBE TRAVEL a fait apposer la formule exécutoire sur ledit protocole d’accord;
– Attendu que dans ses écritures datées du 04 avril 2001, la Société GLOBE TRAVEL en réplique, a soutenu que l’apposition de la formule exécutoire sur le protocole intervenu entre eux le 22 décembre 1999 est régulier dès lors que suivant les dispositions de l’article 2053 du Code Civil, "les transactions ont entre les parties les effets d’un jugement rendu en dernier ressort;
– Que l’article 3 du Code de Procédure Civile et Commerciale prévoit que :
"…néanmoins dans toutes les affaires, les parties peuvent, d’accord, comparaître volontairement aux fins de conciliation devant le juge compétent, le demandeur a également la facilité de citer le défendeur en conciliation en observant les délais portés aux articles 14 et 15";
– Que s’agissant d’une faculté, elle ne saurait âtre contrainte d’employer la voie procédurale au gré de la société UNIMARCHE qui jusqu’à ce jour n’a cru devoir s’acquitter de sa dette;
– Qu’il convient en conséquence de la condamner à lui payer les sommes énoncées dans le commandement du ministère de Maître TEKEU Victor, huissier de justice à Douala en date du 29 décembre 2000 et en outre à la somme de F CFA 10.000.000 représentant les dommages-intérêts pour résistance abusive;
– Qu’il y aurait également lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la décision à venir nonobstant appel;
– Attendu que la question fondamentale qui se pose en l’espèce, est celle de savoir si le protocole d’accord sous seing privé signé par les parties le 22 décembre 1999 a valeur de titre exécutoire;
– Attendu qu’aux termes de l’article 33 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, "constituent des titres exécutoires (…) les procès verbaux de conciliation signés par le juge et les parties (…), les actes notariées revêtues de la formule exécutoire";
– Attendu que le protocole d’accord querellé n’a fait l’objet d’aucun procès verbal de conciliation signé conjointement par le juge et les parties;
– Que dans ce contexte, il est inconcevable au sens de l’article 33 du texte précité que la formule exécutoire y ait été apposée;
– Attendu que le protocole d’accord du 22 décembre 1999, bien que non contesté par les parties, ne constitue à tous égards qu’un simple acte sous seing privé et ne saurait s’assimiler à une décision judiciaire devenu définitive au sens de l’article 4 de code de procédure civile et commerciale;
– Que l’apposition de la formule exécutoire sur l’acte incriminé est manifestement illégal et indubitablement dénuée de fondement tant il est établi qu’elle participe à la violation flagrante aussi bien de l’article 4 du Code de Procédure Civile et Commerciale que de l’article 33 de l’Acte Uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
– Qu’il s’agit là d’un violation d’ordre public national et international de la loi qui plus est de caractère supranational, s’agissant de l’Acte Uniforme OHADA;
– Qu’il échet dès lors de déclarer nul et de nul effet, la formule exécutoire apposée sur le protocole d’accord sous seing privé du 22 décembre 1999 et le commandement de payer subséquent du ministère de Maître TEKEO Victor, en date du 29 décembre 2000;
– Attendu que la société UNIMARCHE SA sollicite l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel;
– Attendu qu’au regard du caractère flagrant de l’acte attaqué d’une part et d’autre part du préjudice certain subi par la société demanderesse du fait de son vis-à-vis, il y a lieu d’accéder à sa demande en ordonnant l’exécution provisoire nonobstant appel du présent jugement
(…);
Par ces motifs :
– Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale, en premier ressort;
– Constate que le protocole d’accord du 22 décembre 1999 est un acte sous seing privé;
– Constate que ce document n’a pas été consigné dans un procès verbal de conciliation signé par le juge et les parties;
– Dit que le protocole d’accord en vertu duquel une commandement de payer du 29 décembre 2000 a été signifiée n’est pas un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’Acte Uniforme OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution;
– Dit qu’il ne peut dans ce conteste fonder aucune voie d’exécution;
EN CONSEQUENCE
– Déclare nulle et de nullité absolue la formule exécutoire apposée sur le protocole d’accord sous seing privé du 22 décembre 1999 et le commandement de payer subséquent du ministère de l’huissier de justice TEKEU Victor en date du 22 décembre 2000 (…).