J-04-23
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – DROIT DE LA CAUTION DU DEBITEUR DE CONTESTER LA CREANCE DU SAISISSANT (OUI) ARTICLE 841 COCC – OUVERTURE DE CREDIT CONSTATEE PAR UN ACTE NOTARIE – PREUVE SUFFISANTE DE L’EXISTENCE D’UNE CREANCE.
CREANCE CONSISTANT EN UNE OUVERTURE DE CREDIT – CONTESTATION D’UNE CREANCE CERTAINE , LIQUIDE ET EXIGIBLE – CONSTATATION DE LA CREANCE PAR ACTE NOTARIE ET PAR LA CREATION DE LETTRES DE CHANGE – PREUVE SUFFISANTE DE L’EXISTENCE ET DE LA LIQUIDITE ET DE LA CREANCE. – TERMES NON RESPECTES PAR LE DEBITEUR – CREANCE EXIGIBLE.
CAUTIONNEMENT DONNE PAR LE GERANT D’UNE SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE – ACCORD UNANIME DES ASSOCIES DONNE A CE CAUTIONNEMENT EN ASSEMBLEE GENERALE SPECIALE – NULLITE DU CAUTIONNEMENT (NON).
ACTE NOTARIE – CARACTERE DE TITRE EXECUTOIRE (OUI) – POURSUITE DE LA REALISATION DE L’IMMEUBLE SANS JUGEMENT DE CONDAMNATION.
CAHIER DES CHARGES – NON INDICATION DE LA JURIDICTION OU DU NOTAIRE CONVENU ENTRE LE POURSUIVANT ET LE SAISI DEVANT QUI L’ADJUDICATION EST POURSUIVIE – PREUVE D’UN PREJUDICE POUR LE DEBITEUR (NON) – NULLITE DE LA PROCEDURE (NON) – CONTINUATION DES POURSUITES – COMPTENCE DU TRIBUNAL DE LA SAIE POUR STATUER SUR CET INCIDENT.
Article 841 COCC
Article 910 COCC
Article 33 AUPSRVE
Article 247 AUPSRVE
Article 267 AUPSRVE
Article 297 AUPSRVE
Article 298 AUPSRVE
La caution du débiteur dont la réalisation du bien est poursuivie est fondée, en vertu de l’article 841 COCC, à contester la créance du créancier poursuivant, sans que puisse lui être opposée la règle « Nul ne plaide par procureur ».
Est régulier, l’acte de cautionnement consenti par un gérant en vertu d’un mandat spécial conféré par l’unanimité des associés et qui équivaut à une modalité extensive de l’objet social même de la société.
L’acte notarié portant ouverture de crédit est suffisant pour établir un principe de créance puisqu’il constitue un acte bilatéral qui engage ses signataires; cet acte notarié ainsi que les effets de commerce (échus et impayés) qui matérialisent la créance établissent suffisamment les caractères certain, liquide et exigible de la créance sans qu’il soit besoin de recourir à une expertise.
L’acte notarié constitue un titre exécutoire au sens de l’article 33 AUPSRVE et permet au créancier de procéder à la saisie immobilière de l’immeuble hypothéqué sans qu’il soit nécessaire d’obtenir une décision judiciaire de condamnation.
La non observation de l’article 297, alinéa 2 prescrivant que « le cahier des charges contient, à peine de nullité, l’indication de la juridiction ou du notaire convenu entre le poursuivant et le saisi devant qui l’adjudication est poursuivie » n’est une cause de nullité que si elle fait grief à celui qui l’invoque, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La demande de sursis de la vente tirée de l’existence d’une procédure en annulation est de la compétence du juge des criées en vertu de sa plénitude de juridiction
(Tribunal Régional Hors Classe de Dakar audience éventuelle, jugement n° 499 du 8 mars 2000, GIE PAN INDUSTRIE et SCI REPUBLIQUE contre société Crédit Sénégalais).
TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR
AUDIENCE EVENTUELLE DU 7 MARS 2000
SUR QUOI LE TRIBUNAL STATUANT SUR LES DIRES
Attendu que pour parvenir à l’annulation de la vente poursuivie par la Société de Promotion et de Financement le Crédit Sénégalais S.A sur le TF n ° 13.344 / DG appartenant à la société Immobilière République , cette dernière, caution hypothécaire et le GIE PAN Industries, débiteur principal ont régulièrement consigné au greffe de la juridiction des dires en date des 25 et 29 février , 3 et 6 mars 2000;
EN LA FORME
Sur la recevabilité de l’action du Crédit Sénégalais
Attendu que par les dires en date du 29 février 2000, le GIE PAN Industries soulève l’irrecevabilité de l’action du Crédit Sénégalais en se fondant sur l’article 247 de l’acte Uniforme sur les PSRVE qui dispose que « la vente forcée, d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible »
Qu’il fait observer que contestant être redevable du Crédit Sénégalais des sommes dont recouvrement est poursuivi, il avait saisi le juge des référés aux fins d’expertise; que ce dernier faisait droit à sa demande en ces termes :
« Ordonnons une expertise comptable
Désignons Monsieur Mouhamed CISSE avec pour mission de faire les comptes entre les parties, de déterminer le montant des intérêts, commissions et frais dus par rapport au crédit perçu et, aux termes de la convention, d’évaluer le montant réellement dû par le GIE PAN Industries »;
Qu’il explique que l’expert désigné n’ayant pas encore déposé son rapport, la somme dont se prétend créancière la poursuivante n’est ni certaine encore moins liquide, il convient de déclarer son action irrecevable;
Attendu qu’il convient de relever avec le Crédit Sénégalais que l’acte notarié portant ouverture de crédit constitue un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’AU sur les PSRVE; qu’ainsi le moyen tiré de la violation de l’article 247 dudit acte n’est pas fondé, et doit être écarté;
AU FOND
Attendu que la SCI République a soulevé trois moyens qui sont, d’une part, l’absence d’un principe de créance, d’autre part , l’absence d’une créance certaine, liquide et exigible et enfin la nullité de l’acte de cautionnement
Attendu que le GIE PAN Industries a soulevé la nullité de la procédure pour violation de l’article 267-3e de l’AU sur les PSRVE;
Sur le moyen tiré de l’absence d’un principe de créance
Attendu que dans ses dires la SCI République conteste le principe de la créance du Crédit Sénégalais au motif que la convention d’ouverture de crédit ne peut suffire à initier une procédure de vente immobilière à défaut pour la poursuivante de prouver que le montant objet de la convention a été effectivement mis en place;
Attendu que dans ses dires en réponse « le Crédit Sénégalais » rétorque d’une part que le moyen est irrecevable, la SCI République, simple caution hypothécaire ne peut contester ni le principe, ni le quantum de la créance en lieu et place du débiteur principal en vertu du principe « nul ne plaide par procureur »; que d’autre part, le moyen est mal fondé au regard de l’acte notarié portant ouverture de crédit qui constitue un titre exécutoire au sens de l’article 33 de l’acte uniforme sur les PSRVE, que le débiteur principal ayant lui même reconnu, dans son assignation en référé du 29 octobre 1999 la mise en place du crédit;
Attendu qu’il résulte de l’article 841 du code des obligations civiles et commerciales que la caution peut opposer au créancier les mêmes exceptions que le débiteur principal, qu’il s’ensuit que l’irrecevabilité du moyen soulevé par la poursuivante n’est pas fondée »;
Attendu que par contre il fait relever avec le Crédit Sénégalais que l’acte notarié portant ouverture de crédit, est suffisant pour établir un principe de créance puisqu’il constitue un acte bilatéral qui engage ses signataires, qu’ainsi le moyen tiré de l’absence d’un principe de créance n’est pas fondé et doit être écarté
Sur le moyen tiré de l’absence d’une créance certaine, liquide exigible :
Attendu que la SCI République soutient que la créance dont se prévaut le Crédit Sénégalais n’est ni certaine, ni liquide, ni exigible au motif que le juge des référés du tribunal régional hors classe de Dakar a ordonné une expertise pour faire le compte entre les parties, que l’expert n’a pas encore déposé son rapport;
Attendu que dans ses dires en réponse le Crédit Sénégalais rétorque, d’une part, que la SCI République ne peut contester sa créance sur GIE PAN Industries en lieu et place de ce dernier parce qu’en droit processuel « nul ne plaide par procureur » d’autre part que la créance matérialisée par une chaîne de traites est bien liquide puisqu’il suffit d’en faire la somme, que l’exigibilité résulte de l’application de la clause de déchéance du terme prévue à l’article IV de la convention d’ouverture de crédit
Attendu qu’il est de principe qu’une créance est certaine lorsqu’elle ne fait l’objet d’aucun doute, qu’en l’espèce, il résulte des pièces versées au dossier, notamment de l’acte d’ouverture de crédit et des traites que la créance est certaine;
Attendu qu’il est admis en droit qu’une créance est exigible dés lors qu’elle n’est pas affectée d’un terme suspensif; qu’en l’espèce le GIE PAN Industries n’ayant pas exécuté tous ses engagements par conséquent l’application de la clause de déchéance du terme de l’article IV de la convention d’ouverture de crédit rend exigible l’intégralité de la créance;
Attendu qu’il est à relever que la vérification de la créance par voie d’expertise a été sollicitée unilatéralement par le débiteur, qu’elle n’a pas été ordonnée d’office par le juge sur la base de contestations sérieuses;
Qu’au regard des pièces versées aux débats la juridiction de céans peut déterminer que le montant de la créance est liquide, étant admis en droit qu’une créance est liquide dés l’instant qu’elle est déterminée ou déterminable dans un quantum;
Attendu qu’au vu de ce qui précède il y a lieu de rejeter le moyen tiré de l’absence de créance certaine liquide et exigible comme mal fondée;
Sur le moyen tiré de la nullité de l’acte de cautionnement :
Attendu que la SCI République soutient dans ses dires que le cautionnement hypothécaire consenti par son gérant est nul de nullité absolue puisqu’il ne rentre pas dans l’objet social de la SCI qui est une société civile immobilière et non une société commerciale;
Attendu qu’il faut relever avec le Crédit Sénégalais que le gérant de la SCI République a reçu mandat spécial des associés de ladite société suivant procès verbal de l’assemblée générale extraordinaire du 26 avril 1995 régulièrement versé aux débats;
Que ce cautionnement consenti par le gérant en vertu de ce mandat spécial conféré par l’unanimité des associés et non en vertu des ces pouvoirs légaux de gérant est régulier, ce mandat spécial équivalant à une modification extensive de l’objet social de la SCI République relativement à ce cautionnement hypothécaire;
Qu’en conséquence le moyen tiré de la nullité de l’acte de cautionnement n’est pas fondé et doit être écarté;
Attendu que la SCI République soutient également que le procès verbal de l’assemblée générale du 26 Avril 1995 au travers duquel il a donné mandat au gérant d’hypothéquer au motif que l’acte qui confère au mandataire pouvoir de donner l’hypothèque devait être passé devant notaire;
Attendu qu’il convient de relever avec le Crédit Sénégalais qu’aux termes des dispositions de l’article 910 du code des obligations civiles et commerciales que l’hypothèque peut être donné pour hypothéquer un immeuble peut être donné par acte sous-seing privé;
Attendu qu’il résulte de ce qui précède que cette seconde branche du moyen tiré de la nullité du mandat n’est pas fondé, qu’il échet de l’écarter;
Sur le moyen tiré de la nullité de la procédure et le sursis à statuer :
Attendu que le GIE PAN Industrie soutient que le procédure est nulle au regard des dispositions de l’article 267 – 3e de l’acte uniforme sur les PSRVE qui dispose que « le cahier des charges contient à peine de nullité l’indication de la juridiction ou du notaire convenu entre le poursuivant et le saisi devant qui l’adjudication est poursuivie »
Qu’il fait observer que le cahier des charges déposé par le « Crédit Sénégalais » contient l’indication selon laquelle l’adjudication sera poursuivie à l’audience des criées du tribunal régional hors classe de Dakar en violation de l’article IV de l’acte d’ouverture de crédit où il est stipulé que » les parties conviennent expressément qu’en cas de procédure d’exécution de réalisation du gage, la vente du bien grevé des droits réels aux présentes aura lieu par la ministère de Maître Daniel Sédar SENGHOR, Notaire soussigné, son intérimaire ou successeur à l’exclusion de tout autre officier;
Attendu qu’il faut relever avec le « Crédit Sénégalais » que si le poursuivant a violé les dispositions de l’article 267-3e, cette violation ne peut entraîner la nullité de la procédure puisqu’en l’espèce le GIE PAN Industrie n’a pas rapporté la preuve d’un grief comme exigé par l’article 297 al 2 dudit acte uniforme;
Qu’à ce stade de l’audience éventuelle ladite contestation est prématurée; qu’il appartient au poursuivant de se conformer à la convention au moment de l’adjudication;
Attendu que la SCI République a soutenu que le tribunal doit surseoir à statuer jusqu’à ce que le juge du fond saisi d’une demande en annulation du commandement et de l’hypothèque statue;
Attendu qu’il faut relever avec « le Crédit Sénégalais » que la demande de sursis de la vente formulée et tirée de l’existence d’une procédure en annulation pendante devant le juge du fond ne saurait prospérer puisqu’il s’agit d’un incident de la saisie immobilière qui est de la compétence du juge des criées en vertu de sa plénitude de juridiction conformément à l’article 298 de l’acte uniforme sur les PRSVE;
Attendu qu’en conséquence il y a lieu de rejeter la demande de sursis à statuer;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et en premier ressort;
EN LA FORME
Reçoit les dires;
Déclare l’action recevable;
AU FOND
Rejette les moyens soulevés par la SCI République et le GIE PAN Industrie comme mal fondés;
Dit n’y a lieu de surseoir à statuer;
Ordonne en conséquence la continuation des poursuites devant le notaire soussigné;
Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire.
Ainsi fait jugé et prononcé les jour, an que dessus.
ET ONT SIGNE LE PRESIDENT ET LE GREFFIER./.
Observations de Joseph ISSA SAYEGH, Professeur agrégé, Consultant.
Sur toutes les questions résolues par le tribunal, il en est une qui suscite les plus expresses et fermes réserves. En effet, ce n’est pas parce qu’un acte est notarié qu’il a les vertus d’un titre exécutoire. Certes, il est authentique mais ne peut être considéré comme un titre exécutoire (c’est à dire permettant de passer à la réalisation forcée des biens du débiteur) que s’il a la forme d’une grosse hypothécaire (en l’espèce) revêtue de la formule exécutoire.
Si tel était le cas, le tribunal aurait dû le relever pour la bonne compréhension de sa décision (n’oublions pas que la justice doit être publique); sinon, il a mal jugé.