J-04-231
IMMEUBLE COMMUN AUX EPOUX – VENTE FORCEE – VENTE POURSUIVIE CONTRE LES DEUX EPOUX ( OUI) – ARTICLE
250 AUPSRVE.
SAISIE IMMOBILIERE – ABSENCE DE NOM ET D’ADRESSE DU DEBITEUR DANS LE COMMANDEMENT – PREJUDICE (NON) – VIOLATION DE L’ARTICLE
297 AUPSRVE ( NON).
SAISIE IMMOBILIERE – VIOLATION DE L’ARTICLE
267 AUPSRVE (NON) PREUVE NON RAPPORTEE.
La vente forcée d’un immeuble commun en biens doit être poursuivie contre les deux époux conformément à l’article
250 AUPSRVE.
Lorsque, dans le commandement de saisie, ne figurent ni le nom, ni l’adresse du débiteur, il ne peut y avoir lieu à nullité de ce commandement que lorsque cette absence a causé au débiteur un préjudice prouvé par lui. C’est ce qui ressort de l’article 297 AUPSR.VE.
Si l’article 267 alinéa 10 AUPSR.VE impose que la mise à prix de l’immeuble ne soit pas inférieure au quart de la valeur vénale de l’immeuble, cette disposition ne peut, pour autant, être appliquée que si le saisi rapporte la preuve que cette disposition a été violée.
(TGI de la MIFI, jugement n° 4 juin 2002, Affaire SOREPCO c/ MELI Marie Florence, KOUGANG Jean).
LE TRIBUNAL,
– Vu l’acte introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Ouï le société SOREPCO en ses demandes, fins et conclusions;
– OuÏ les défendeurs en leurs moyens de défense;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu qu’agissant pour le paiement d’une créance principale de 6.584.217 francs, la société SOREPCO SARL a fait servir le 08 octobre 2001par les soins du ministère de Me KENGNE TAGNE Luc Olivier, huissier de justice à FOUMBOTagissant par l’intermédiaire de Me TCHOUA Yves, huissier de justice à Bafoussam, au sieur KOUGANG Jean un commandement aux fins de saisie de l’immeuble rural bâti sis à Bafoussam au lieu dit Kamkop, d’une contenance superficielle de 469 mètre carrés, objet du titre foncier n° 2141 du département de la MIFI, volume XI, folio 139;
– Attendu que le 11 décembre 2001, la demanderesse par le canal de son conseil, Me SIMO Emmanuel, déposait au greffe du Tribunal de Grande Instance de céans, l’original et une copie du cahier des charges dressé le 06 décembre 2001 pour parvenir à la vente aux enchères publiques fixée à l’audience du 19 février 2002 du Tribunal de céans de l’immeuble sus-mentionné;
– Que par exploit du 14 décembre 2001, de Me KENGNE TAGNE Luc Olivier, huissier de justice à FOUMBOT, agissant par l’intermédiaire de Me TCHOUA Yves, huissier de justice à Bafoussam, la Société SOREPCO a fait sommation à sieur KOUGANG Jean de prendre communication du cahier des charges sus-indiqué, d’y faire insérer les dires et observations qu’il juge nécessaire;
– Attendu que les parties font valoir leurs présentations et arguments; Qu’il échet de statuer contradictoirement à leur égard;
– Attendu que le défendeur KOUGANG Jean a fait enregistrer au greffe du Tribunal de céans le 10 janvier 2002, des dires et observations soutenant que la procédure initiée par la société SOREPCO est entachée de multiples vices; Qu’elle est par conséquent nulle et main levée du commandement doit être ordonnée et que ladite société doit être condamnée aux entiers dépens dont distraction au profit de Me TSAPYLavoisier;
– Attendu qu’il convient d’examiner tour à tour la recevabilité des dires et observations et leur bien fondé;
SUR LA RECEVABILITE DES DIRES ET OBSERVATIONS
– Attendu que la société SOREPCO conclut à l’irrecevabilité des dires et faire valoir; Qu’aux termes de l’articles 298 de l’Acte Uniforme portant organisations des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution, "toute contestation ou demande incidente relative à la poursuite de saisie immobilière formulée postérieurement à la signification du commandement est formée par simple acte d’avocat contenant les moyens et conclusions. Elle est formée contre toute partie n’ayant pas constitué d’avocat, par requête avec assignation, les affaires sont instruites et jugées d’urgence";
– Que dans le cas d’espèce, il n’existe ni acte d’avocat, ni assignation; que le Tribunal de céans n’est par conséquent pas saisi d’une quelconque contestation ou demande incidente;
– Qu’il y a lieu de déclarer irrecevable les dires et observations de KOUGANG Jean;
– Attendu cependant que la société SOREPCO n’établit pas en quoi les écritures de Me TSAPY Joseph, avocat au barreau du Cameroun, déposées aux greffe du Tribunal de céans ne constituent pas un acte d’avocat;
Qu’il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la SOREPCO d’autant plus que son interprétation de l’article 298 sus-cité s’avère essentiellement hasardeuse;
SUR LE BIEN FONDE DES DIRES ET OBSERVATIONS
– Attendu que sieur KOUGANG Jean fait exposer par son conseil que l’article 246 de l’Acte Uniforme OHADA dispose que le créancier ne peut faire vendre les immeubles appartenant à son débiteur qu’en respectant les formalités prescrites par ledit Acte, toute convention contraire étant nulle;
– Que pour sa part, l’article 247du même Acte dispose "la vente forcée d’immeuble ne peut être poursuivie qu’en vertu d’un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible";
– Qu’enfin, l’article 254 alinéa 1 de l’Acte Uniforme OHADA dispose "A peine de nullité, le commandement doit contenir les noms, prénoms, et adresses du créancier et du débiteur";
– Qu’en l’espèce, un commandement a été adressé à KOUGANG Jean d’avoir à payer la somme de 6.585.217 francs. Or en première page, il est fait état d’une affaire Dame MELI Florence contre la société SOREPCO;
– Qu’on peut se rendre compte que le poursuivent a une créance envers MELI Florence et non KOUGANG Jean; Que l’article 246 se trouve ainsi violé;
– Qu’il est ainsi aisé de conclure que la société SOREPCO s’est trompé de débiteur;
– Que la société SOREPCO ne dispose pas de titre exécutoire contre KOUGANG Jean, mais plutôt contre dame MELI, d’où la violation de l’article 247;
– Que nulle part dans le commandement ne figure le nom, prénom et adresse de dame MELI Florence, la débitrice; Qu’en conséquence, l’article 254 a été violé;
– Par ailleurs, la SOREPCO a violé l’article 250 de l’Acte Uniforme qui dispose : "La vente forcée des immeubles commun est poursuivie contre les époux";
– Qu’en effet, le commandement a été servi à Dame MELI Florence mais la poursuite est dirigée contre KOUGANG Jean seul mais pas contre les époux KOUGANG;
– Qu’en outre, la SOREPCO a violé l’article 1536 du Code Civil qui dispose que (lorsque les époux ont stipulé par contrat de mariage qu’ils seraient séparés de biens, la femme conserve l’administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels";
– Qu’en d’autres termes, la femme séparée répond de toutes ses dettes et elle n’en répond que sur ses biens personnels. Il en est ainsi puisque la femme s’est engagée personnellement;
– Que par convention notariée dressée le 02 juin 1982, par devant Me HAPPI MESSAK, notaire à Bafoussam, les époux KOUGANG se sont engagés dans un régime de séparation des biens; Que ce contrat de mariage stipule à l’article Ier que chacun des époux conserve la propriété des biens meubles et immeubles qui lui appartiennent et ceux qui pourraient lui advenir à quelque titre que ce soit. Ils ne seront pas tenus des dettes l’un de l’autre créées avant ou pendant le mariage ou grevant les successions et libéralités recueillies par chacun d’eux;
– Que le contrat de séparation sus-rappelé est assez clair; par conséquent, il en résulte que KOUGANG Jean n’est pas débiteur de la société SOREPCO;
– Par ailleurs, l’article 267 alinéa 10 de l’Acte Uniforme n° 6 indique que la mise à prix de l’immeuble fixée par le poursuivent ne peut être inférieure au quart de la valeur vénale de l’immeuble;
– Qu’or le cahier des charges fixe la mise à prix à 8.000.000 francs alors que l’immeuble saisi a une valeur de plus de 80.000.000 de francs;
– Qu’en se contentant de cette modique somme, le cahier des charges a violé l’article 267 susvisé et encourt nullité;
– Qu’à la lumière des développement qui précèdent, il sollicite que soit prononcé la nullité de toute la procédure suivie, la condamnation de la SOREPCO aux frais de la main levée de commandement inscrit sur le titre foncier litigieux et aux dépens le tout avec au profit de Me TSAPY;
– Attendu que la SOREPCO rétorque que les prétentions de KOUGANG Jean ne sont pas fondées, et fait exposer;
– Que la dette objet du présent litige a été par dame MELI Marie Florence au moment où elle exerçait avec son mari dans un même local et où ils prenaient ensemble des engagements;
– Qu’aux fermes de l’article 1409 du Code Civil, les époux se sont tenus de répondre des dettes contractées dans l’intérêt du ménage; Que cette dette est de toute évidence opposable à KOUGANG Jean;
– Qu’il n’y a eu aucune violation de l’article 250 de l’Acte Uniforme OHADA puisqu’il ressort du certificat de propriété du 26 juillet 2001 que l’immeuble objet du titre foncier n° 214 du département de la MIFI appartient à KOUGANG Jean;
– Que c’est dons a bon droit que le commandement aux fins de saisie immobilière lui a été servi;
– Que KOUGANG Jean étant polygame, il est même impossible aux tiers de connaître le nombre de ses épouses;
– Qu’avant le mariage intervenu le 21 décembre 1974, aucun contrat n’avait été établi; Qu’en clair, KOUGANG Jean se retrouvait dans le régime de la communauté car aux termes de l’article 1393 du Code Civil (A défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de la communauté ou le modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre 2 formeront le droit commun);
– Que la convention notariée a été dressée pour organiser son insolvabilité;
– Qu’il n’est pas contestable que les époux KOUGANG Jean et MELI Marie Florence n’avaient pas établi de contrat de mariage avant leur union devant l’officier d’état civil le 21 décembre 1974;
– Que s’agissant du contrat de mariage versé au dossier de procédure et qui lierait ces deux époux, c’est à bon droit que la SOREPCO rappelle les termes des articles 1394 (d’après lesquels toutes conventions matrimoniales seront rédigées avant le mariage, par acte devant notaire) et 1395 qui ajoute qu’elles ne peuvent recevoir aucun changement après la célébration du mariage;
– Qu’il y a lieu d’en conclure que le contrat de mariage versé au dossier par les époux KOUGANG et MELI est nul;
– Attendu qu’il ressort de tout ce qui précède que les époux KOUGANG Jean et MELI Marie Florence sont communs en biens et que l’immeuble saisi est donc un bien commun;
– Qu’il en résulte par voie de conséquence que c’est à bon droit et conformément à l’article 250 opportunément rappelé par le sieur KOUGANG Jean lui-même que la société SOREPCO a dirigé ses poursuites contre les deux époux;
– Que par ailleurs KOUGANG Jean n’établit pas ni ne prétend que l’absence de la mention des nom, prénom et adresse de dame MELI Marie Florence lui a occasionné un quelconque préjudice;
– Qu’il lieu dès lors de rejeter la demande en nullité pour ce chef conformément à l’article 297 de l’Acte OHADA;
– Attendu sur un autre plan que le sieur KOUGANG ne rapporte pas la preuve que l’immeuble dont s’agit vaut 80.000.000 de francs; Qu’il ne demande pas non plus une expertise;
– Qu’il convient de rejeter la demande en annulation fondée sur la violation de l’article 267 de l’Acte Uniforme OHADA comme non justifiée;
– Attendu qu’il résulte de tout ce qui précède que le dires et observations ne sont pas fondées; Qu’il échet en conséquence d’ordonner la continuation des poursuites et d’en déterminer les modalités;
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement, contradictoirement en matière civile et commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME
– Reçoit les dires déposées au greffe du Tribunal de céans le 10 janvier 2002 par le sieur KOUGANG Jean par le biais de son conseil;
AU FOND
– Déclare cependant non fondés lesdits dires et observations;
– Ordonne dès lors la continuation des poursuites…