J-04-237
SAISIE VENTE – OPPOSITION A SAISIE VENTE – OPPOSITION PAR LE TIERS SAISI – DROIT DE PROPRIETE DU TIERS ETABLI (NON) – DISTRACTION AU PROFIT DU TIERS ( NON) – APPLICATION DE L’ARTICLE 141 AUPSRVE.
Faute de pouvoir établir son droit de propriété sur les biens saisis, un tiers ne peut obtenir la distraction devant la juridiction compétente. Celle-ci, prévue par l’article 141 AUPSRVE, ne peut être ordonnée au profit d’une personne qui se prévaut d’un acte de cession non seulement frauduleux mais également authentifié postérieurement à la saisie.
Article 141 AUPSRVE
(TPI de Bafoussam, jugement civil n° 102 du 21 novembre 2001, Affaire Monsieur SOH c/ Dame Dassie Yvette, Monsieur FONGANG Michel).
LE TRIBUNAL,
– Vu l’exploit introductif d’instance;
– Vu les pièces du dossier de la procédure;
– Vu les lois et règlements applicables;
– Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
– Après en avoir délibéré conformément à la loi;
– Attendu que suivent exploit en date 22 novembre 2000 de Maître CHEUMAGA NGOUDJO TCHEUFFA Léontine, huissier de justice à Bamougoum, enregistré le 6 décembre 2000 à Bafoussam au volume 18, folio 51, case n°583/1, sieur SOH, gérant domicilié à Bafoussam, a fait donner opposition à la vente des effets saisis suivant procès-verbal de saisie du ministère de Me TCHOUA Yves le 1( septembre 2000 à la requête de Dame DASSIE Yvette, ménagère à Bafoussam et Fongang Michel, employé de commerce à Bafoussam d’avoir à se trouver et à comparaître par devant le Tribunal de Première Instance statuant en matière civile et commerciale pour s’entendre :
– Ordonner la nullité de la saisie ainsi pratiquée;
– Ordonner la distraction de tous les biens à son profit;
– Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant toues voies de recours;
– Condamner Dame Dassié Yvette aux entiers dépens;
– Attendu qu’au soutien de son action, SOH expose qu’il est propriétaire d’un fonds de commerce qu’il exploite au marché « A » de Bafoussam, comptoir n° 387;
– Qu’il a acquis ledit fonds en date du 12 décembre 1999 de Monsieur FONGANG Michel, employé de commerce demeurant à Bafoussam par acte notarié n° 5030 signé par devant ME HAPPI MESSAK, notaire à Bafoussam;
– Que le receveur municipal a attribué au dit comptoir n° 387, le numéro 45 et il s’acquitte normalement de ses obligations fiscales et paye régulièrement ses loyers à la commune;
– Qu’en date du 15 septembre 2000, sieur FONGANG Michel a fait l’objet d’une saisie-vente effectuée par le ministère de Me TCHOUA Yves, motif pris de ce qu’il redevable envers Dame DASSIE Yvette de la somme de 1.123.650 F CFA; Que ladite saisie portait sur les biens garnissant ledit comptoir alors même qu’il n’en était plus le propriétaire, mais simplement gérant depuis le 19 décembre 1999, date de la cession; Qu’en effet, la saisie-vente pratiquée par le ministère de Me TCHOUA Yves, portant sur les biens appartenant à Sieur SOH;
– Qu’en vertu de l’article 141 du Traité OHADA, le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien peut demander à la juridiction compétente d’en ordonner la distraction;
– Attendu que pour faire échec à la demande, Dame DASSIE Yvette ayant pour conseil la SCP NGANHOU &NZEGAH, avocats associés au barreau du Cameroun, BP 1192 Bafoussam, rétorque que les mentions de l’acte notarié dont se prévaut le demandeur laissent croire que cet acte a été passé le 12 décembre 1999 en l’étude de Me HAPPI MESSAK, notaire à Bafoussam; Que le 12 décembre correspondait à un dimanche, jour férié et que le notaire ne pouvait par conséquent recevoir les signatures dudit acte un pareil jour; Que le dernier paragraphe de cet acte comporte une mention intéressante mettent à jour l’intention frauduleuse des frères FONGANG Michel et SOHlorsqu’il énonce "Et après lecture faite, les parties ont signé avec Maître HAPPI MESSAK, ce dernier notaire, qui authentifie ce jour 14 novembre 2000";
– Que seule l’authentification d’un acte lui confère la qualité d’acte authentique, fut-il rédigé par un notaire;
– Qu’il est dès lors constant que la cession alléguée a été faite au mépris de la saisie opérée deux mois plus tôt;
– Qu’il ne pouvait d’ailleurs en être autrement à partir du moment où le sieur FONGANG Michel n’avait obtenu la main-levée de la précédente saisie pratiquée sur le même fonds de commerce qu’en date du 15 septembre 2000 et pour un motif autre que celui qui est aujourd’hui allégué; Que la précédente saisie ayant rendue ce fonds indisponible entre les mains de sieur FONGANG Michel alors constitué gardien pendant toute la durée de la procédure, une cession n’aurait pu avoir lieu;
– Qu’en tout état de cause, il y aura lieu de constater que cette cession a porté sur un objet porté sous main de justice et par conséquent indisponible; Qu’en conséquence, cette cession en saurait préjudicier à la saisie querellée qui lui est antérieure;
– Qu’elle conclut à la nullité de la cession, au débouté de sieur SOH de son action en distraction des biens saisis comme non fondée et à la condamnation du demandeur aux dépens dont distraction au profit des Maîtres NGANHOU et NZEGAH, avocats aux offres de droit;
– Attendu qu’aux termes de l’article 141 de l’Acte Uniforme OHADA, "Le tiers qui se prétend propriétaire d’un bien saisi peut en demander à la juridiction compétente d’en ordonner la distraction";
– Qu’en l’espèce, sieur SOH a versé aux débats l’expédition de l’acte de vente du fonds de commerce saisi passé par devant Me HAPPI MESSAK, notaire à Bafoussam, à son profit par sieur FONGANG Michel;
– Mais attendu que ledit acte a tout l’air d’un faux fabriqué pour les besoin de la cause;
– Qu’en effet, il ressort in fine :"Fait et passé à Bafoussam en l’étude du notaire soussigné, l’an mil neuf cent quatre vingt dix neuf et le douze décembre- Et après lecture faite, les parties ont signé avec Maître HAPPI MESSAK, ce dernier notaire, qui a authentifié ce jour, 14 novembre 2000";
– Qu’il ressort qu’à la saisie pratiquée le 15 septembre 2000, même si SOH et FONGANG s’étaient exprimés leur intention de conclure un contrat de vente, ils n’en étaient qu’au projet de l’acte, ce dernier ne prenant effet qu’à la date de l’authentification, le 14 novembre 2000;
– Que de plus, la saisie pratiquée, la présence constante de FONGANG Michel qui avait signé le procès-verbal de saisie n’avait suscité de sa part aucune objection; Que s’il n’était plus que l’employé de SOH depuis le 12 décembre 1999, il devrait le signaler à l’huissier;
– Attendu qu’il ressort de ce qui précède que l’action de sieur SOH n’obéit par aux conditions de l’article 141 sus-visé, faute d’éléments de fondement de sa propriété;
– Qu’il échet de le débouter de son action et de dire que la saisie-vente dont s’agit produira tous ses effets;
– Attendu que le demandeur qui a succombé doit supporter les dépens avec distraction au profit des Maître NGANHOU et NZEGAH, avocats aux offres de droit;
PAR CES MOTIFS
– Statuant publiquement, contradictoirement à l’égard de toutes les parties, en matière civile et commerciale et en premier ressort;
– Reçoit sieur SOH en son action; L’y dit toutefois non fondé et l’en déboute en tous ses chefs;
– Le condamne aux dépens liquidés à la somme de dix sept mille francs avec distraction au profit des Me NGANHOU et NZEGAH, avocats aux offres de droit;
– Dit que la saisie attaquée produira tous ses effets de droit ….