J-04-242
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – LOCATION GERANCE – CONTRAT DE LOCATION GERANCE D'UNE STATION ESSENCE – CONTRAT VERBAL – ARTICLE 72 ALINEA 3 AUDCG – TERME FIXE – BAIL A DUREE DETERMINEE – ABSCENCE DE DEMANDE DE RENOUVELLEMENT – DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL (NON).
EXTINCTION DES OBLIGATIONS – PARTIES DEBITRICES L'UNE ENVERS L'AUTRE – DEMANDE DE COMPENSATION – ARTICLES 1289 ET 1290 CODE CIVIL BURKINABE – COMPENSATION LEGALE.
A défaut d'écrit ou de terme fixé, le bail est réputé conclu pour une durée indéterminée conformément à l'article 72 alinéa 3AUDCG. Il se déduit de cet article qu'il est déterminé si le terme est fixé. Dès lors, le preneur qui n'a formulé aucune demande de renouvellement dans le délai imparti de trois mois avant l'expiration du bail, est déchu de son droit au renouvellement du bail.
Article 72 AUDCG
Article 1289 ET 1290 CODE CIVIL BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 210 du 23 avril 2003, SALGO Salifou c/ Société anonyme Burkina et Shell).
LE TRIBUNAL,
FAITS ET PROCEDURE
Par acte d'huissier en date du 21 mai 2002, SALGO Salifou, commerçant demeurant à Ouagadougou lequel a élu domicile en l'étude de maître Mamadou SAWADOGO, avocat à la Cour a fait donner une assignation à la Société anonyme Burkina et Shell dont le siège social est à Ouagadougou laquelle a élu domicile en la SCPA TOU-SOME, avocats associés, à comparaître devant le tribunal pour voir :
– dire et juger abusive le contrat de location gérance du fait exclusif de Shell;
– statuant avant dire droit, désigner tel expert qu'il plaira au tribunal pour évaluer le préjudice économique causé au requérant par cette rupture abusive;
– Réserver les dépens;
Il expose à l'appui de sa demande que courant mai 1998, il a passé un contrat de bail commercial avec la société de pétrole Tagui et portant sur la gestion de la station service dénommée « Bataille du rail » alors propriété de Tagui que par la suite, la propriété de cette station fut acquise à Burkina et Shell; que cette dernière a donc procédé à son expulsion sans autre forme de procès; que cette éviction viole l'article 78 de l'acte uniforme sur le droit commercial général qui dit que « le bail ne prend pas fin par la vente des locaux donnés à bail.
En cas de mutation du droit de propriété sur l'immeuble dans lequel se trouve les locaux donnés à bail, l'acquéreur est de plein droit substitué dans les obligations du bailleur et doit poursuivre l'exécution du bail »;
Qu'il a rappelé en vain Burkina et Shell à l'ordre; que celle-ci lui exigea un écrit pour prouver l'existence du bail comme si l'écrit était la seule forme du contrat; qu'au moment de son expulsion, il disposait d'un important stock de carburant dans ses cuves; que sur inventaire dressé le même jour par exploit d'huissier de justice, il ressort qu'il disposait de 2.292 litres d'essence ordinaire, 1.240 litres d'essence super et 100 litres de gas-oil; qu'à la date de l'éviction, les prix unitaires du litre d'essence sur le marché étaient de 448 F pour l'essence ordinaire, 520 F pour l'essence super et 375 F pour le gas-oil, ce qui donne un prix total de un million sept cent neuf mille cent seize (1.709.116) F CFA;
Qu'il avait employé 09 personnes auxquelles il doit des droits de licenciement; que son éviction brutale lui a causé un préjudice financier et commercial qu'un expert pourra évaluer; qu'il a subi aussi un préjudice moral et qu'il demande que justice lui soit rendu;
En réplique, Burkina et Shell soutient qu'elle a acquis sous seing privé quatre (04) stations services dont la dénommée « Bataille du rail » avec la société Tagui; qu'elle a effectivement pris possession de la station en question le 31 juillet 2001; que la candidature de SALGO Salifou, ancien locataire gérant n'a pas été retenue pour la gérance et pour cause, il a présenté un écrit prouvant le contrat qui le liait à Tagui et sur lequel on peut lire qu'il a géré la station Bataille du rail du 05 mai 1998 au 05 mars 2001; que l'écrit fixe bien le terme du contrat au 05 mars 2001; que selon l'article 72 alinéa 3 de l'acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général, le bail commercial est à durée déterminée lorsqu'il n'existe pas d'écrit et que le terme est fixé; que le renouvellement au bail prévu à l'article 91 du même code n'a pas été demandé par SALGO Salifou à l'époque c'est-à-dire trois mois avant l'expiration du bail; qu'il est donc déchu de son droit de renouvellement depuis le 06 décembre 2000; que par conséquent à l'égard du demandeur, il n'existe plus d'obligation selon laquelle Burkina et Shell devrait être substituée à Tagui-SA; que le droit de continuation ayant cessé d'exister depuis avant la prise de possession de la station, il est inopportun de désigner un expert pour l'évaluation de préjudices économiques qu'il aurait subi du fait de son départ de la station; que quant elle prenait possession de la station, il demeurait dans les cuves à la date du 31 juillet 2001, 229 litres d'essence ordinaire au lieu de 2.292 litres, 1292 litres d'essence super au lieu de 1.240 litres et 100 litres de gasoil; que selon les prix pratiqués à cette date, le coût total du carburant s'élève à sept cent cinquante huit mille deux cent trois (758.203) F CFA;
Que SALGO Salifou est héritier gérant de la boutique Shell Gourcy; qu'à ce titre, il est débiteur de Burkina et Shell de la somme de neuf cent vingt et huit mille trois cent quatre vingt et un (928.381) F CFA; que les multiples relances de paiement son restées vaines; que le 29 octobre 2001, elle lui signifiait : qu'elle procédait à une compensation entre les deux créances; qu'il y a lieu de constater que les deux dettes sont éteintes à hauteur de sept cent cinquante huit mille deux cent trois (758.203) F CFA et que par conséquent, SALGO Salifou demeure débiteur de Burkina et Shell de la somme de cent soixante et dix mille cent soixante et dix huit (170.178) F CFA; qu'elle demande que reconventionnellement, SALGO Salifou soit condamné à lui payer cette somme;
MOTIVATION
Attendu qu'un contrat de bail commercial verbal a été conclu entre SALGO Salifou et la société Tagui; que SALGO Salifou a produit un écrit de la société Tagui dans lequel le bail courrait du 05 mai 1998 au 05 mars 2001;
Attendu que l'article 72 alinéa 3 de l'acte uniforme sur le droit commercial général prévoit qu'à défaut d'écrit ou de terme fixé, le bail est réputé conclu pour une durée indéterminée; qu'il se déduit de cet article qu'il est déterminé si le terme est fixé;
Attendu qu'en l'espèce, le terme est prévu au 05 mars 2001;
Attendu que le preneur a droit au renouvellement du bail s'il formule cette demande trois mois avant l'expiration du bail;
Attendu qu'aucune demande de renouvellement n'a été formulé dans ce délai c'est-à-dire au plus tard le 05 décembre 2000; que par conséquent il y a lieu de constater que SALGO Salifou est déchu de son droit au renouvellement du bail et que Burkina et Shell n'a violé aucune disposition légale en procédant à son expulsion;
Sur la demande de remboursement du prix du carburant
Attendu que SALGO Salifou prétend avoir laissé 2.292 litres d'essence ordinaire, 1.240 litres d'essence super et 100 litres de gasoil dans les cuves en partant;
Attendu que ce constat n'a pas été fait contradictoirement; que parallèlement Burkina et Shell constatera des quantités différentes de celles du demandeur; que sa bonne foi est manifeste quand il corrige même en hausse les quantités données par SALGO;
Attendu que les quantités données par Shell correspondent à un prix de sept cent cinquante huit mille deux cent trois (758.203) F CFA; qu'il convient de considérer ce montant comme prix réel du carburant resté dans les cuves;
Attendu que la société Shell demande compensation;
Attendu que l'article 1289 du code civil prévoit que « lorsque deux personnes se trouvent débitrices l'une envers l'autre, il s'opère entre elle une compensation qui éteint les deux dettes de la manière et dans le cas ci-après exprimés »; que l'article 1290 ajoute que « la compensation s'opère de plein droit ou la seule force de la loi même à l'insu des débiteurs; les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives »;
Attendu que SALGO Salifou est héritier de la boutique Shell Gourcy et doit à ce titre la somme de neuf cent vingt et huit mille trois cent quatre vingt et un (928.381) F CFA; que c'est à bon droit que Shell demande la compensation et qu'il convient d'y faire droit et dire que SALGO Salifou reste redevable de la somme de cent soixante et dix mille cent soixante et dix huit (l70.178) F CFA à Burkina et Shell;
Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux dépens
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement après débats en chambre de conseil contradictoirement en matière civile et en premier ressort :
EN LA FORME
Déclare l'action de SALGO Salifou recevable;
AU FOND
L'en déboute comme étant mal fondée;
Reçoit la demande reconventionnelle de Burkina et Shell;
Opère une compensation entre les créances respectives des parties à hauteur de sept cent cinquante huit mille deux cent trois (758.203) F CFA;
Condamne SALGO Salifou à payer à Burkina et Shell la somme de cent soixante et dix mille cent soixante et dix huit (170.178) F CFA représentant le reliquat dû après compensation;
Condamne SALGO Salifou aux dépens;