J-04-243
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – CONTRAT DE BAIL D'UN TERRAIN POUR LA VENTE DE PRODUITS PETROLIERS – LOYER – REVISION – CONDITIONS NON FIXEES PAR LES PARTIES – ARTICLES 84 ET 85 AUDCG – FIXATION DU PRIX – REVISION EN HAUSSE (OUI) – EXECUTION PROVISOIRE (NON).
REVISION DU LOYER PAR PERIODE TRIENNALE – TAUX DE REVISION – ABSENCE DE CLAUSE – COMPETENCE DU TRIBUNAL (NON) – VOLONTE LIBRE DES PARTIES PAR UN AVENANT AU CONTRAT (Oui).
A défaut d'accord écrit entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente saisie fixe le montant du nouveau loyer en tenant notamment compte, notamment, de la situation des locaux, leur superficie, l'état de vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires, etc.
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 236 du 14 mai 2003, OUEDRAOGO Sibiri Philippe c/ BURKINA ET SHELL).
LE TRIBUNAL,
FAITS - PRETENTIONS DES PARTIES - PROCEDURE
Par acte d'huissier en date du 19/08/2002, ILBOUDO Sibiri Philippe a fait donner assignation à la Société Burkina et Shell à comparaître devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou pour voir :
Réviser à la hausse le loyer de cent mille (100.000) francs convenu entre Burkina et Shell et le requérant en le ramenant à huit cent mille (800.000) francs CFA ce, conformément aux dispositions des articles 84 alinéa 2 et 85 de l'acte uniforme du 17/04/1997;
Juger et dire que le nouveau loyer a commencé à courir le 01/06/2002 date de l'expiration de la troisième période triennale;
– Juger et dire que ledit loyer sera révisé à l'expiration de chaque période triennale, ce à hauteur de 30 % du montant en cours à cette période;
– Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant, toutes voies quelconque de recours;
– Débouter Burkina et Shell en toutes ses demandes fins et conclusions contraires;
– La condamner aux frais, dépens et honoraires de l'instance dont distraction au profit de maître Mamadou SOMBIE, avocat aux offres de droit;
Il expose en appui à sa demande que suivant contrat de bail en date du 30/01/1991 et avenant n° 001 du 01/06/1996, il a loué sa propriété constituée de deux parcelles jumelées à Burkina et Shell à raison de cent mille (100.000) francs de loyer mensuel;
Que par lettre en date du 26/02/2002, il a informé Burkina et Shell de son intention de réviser le loyer et de le ramener à la somme de huit cent mille (800.000) francs et ce, à compter du 01/06/2002 point de départ de la troisième période triennale;
Que Burkina et Shell a reçu la lettre le même jour et n'a pas daigné réagir à ce jour;
Que se fondant sur l'article 84 et 85 de l'acte uniforme du il demande la révision du loyer à la hausse en le ramenant à la somme de huit cent (800.000) francs par mois;
Qu'en l'absence de clause de révision, il demande en outre au tribunal de dire que le loyer sera révisé à l'expiration, de chaque période triennale à hauteur de 30 % de son montant en cours;
Qu'il demande la révision du loyer eu égard à la situation des locaux, à leur superficie, à l'état de vétusté et au prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires;
Burkina et Shell en réplique soutient que c'est un terrain nu qui a été loué et que le bailleur se base sur les réalisations faites sur le terrain pour l'exploitation du fonds pour demander la révision du loyer;
Qu'elle ne conteste pas le fait que le bailleur demande la révision du loyer mais le taux de révision est excessif;
Que si l'acte uniforme OHADA sur le droit commercial général établit des paramètres de fixation du nouveau loyer, le juge peut par le truchement du droit comparé rechercher des éléments pour permettre la détermination d'un taux de variation;
Qu'à ce titre, il ressort de l'article 21 du décret n° 52-765 du 30/06/1952 réglementant les rapports entre locataires et bailleurs que le taux de variation de valeur des locaux loués contractuellement ne peut être supérieur à 25 %;
Qu'en application de ce taux, la révision sera de cent vingt cinq mille (125.000) francs par mois et que dans tous les cas le prix du m2 des locaux similaires pratiqués par la Société Burkina et Shell ne saurait excéder cent vingt cinq (125) francs CFA;
Elle ajoute que le juge ne peut pas s'immiscer dans les relations contractuelles des tiers en disant que le loyer sera révisé à l'expiration de chaque période triennale à hauteur de 30 % car la convention est l'émanation de la volonté des parties contractantes;
DISCUSSION
EN LA FORME
Attendu que l'action de OUEDRAOGO Sibiri Philippe est régulière et qu'il convient de la déclarer recevable;
AU FOND
Sur la révision du loyer
Attendu que la matière des loyers des baux à usage commercial est réglementée par l'acte OHADA sur le droit commercial général;
Que l'article 84 prévoit que « les parties fixent librement le montant du loyer sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires applicables. Le loyer est révisable dans les conditions fixées par les parties ou à défaut à l'expiration de chaque période triennale. »
Que l'article 85 ajoute que « à défaut d'accord écrit entre les parties sur le nouveau montant du loyer, la juridiction compétente est saisie par la partie la plus diligente.
Pour fixer le montant du nouveau loyer, la juridiction compétente tient notamment compte des éléments suivants :
– la situation des locaux,
– leur superficie,
– l'état de vétusté,
– le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour des locaux similaires. »
Attendu que la révision en hausse du loyer est souhaitée par le bailleur; Que la convention les liant n'a pas prévu la révision du loyer;
Attendu que le bailleur produit au dossier des procès-verbaux de constat, d'autres locaux similaires situés à Ouagadougou et loués par des sociétés pétrolières de la place;
Que les taux pratiqués sont partout supérieurs à celui concernant OUEDRAOGO Sibiri Philippe, d'abord en ce qui concerne la superficie du terrain qui est de 2020 m2;
Attendu qu'outre l'objet initial qui était la vente de produits pétroliers, Burkina et Shell a édifié d'autres constructions sur la parcelle pour autres exploitations en l'occurrence un télécentre secrétariat public, un kiosque à café, une débiterie (vente de viande grillée) et un restaurant;
Que cette exploitation complémentaire constitue une autre utilisation des lieux loués qui profite exclusivement au locataire; que cet état de fait constitue une injustice pour le bailleur et doit être réparée;
Attendu que depuis 1996, date à laquelle l'avenant n° 001 est venu s'ajouter au premier contrat, le loyer mensuel de cent mille (100.000) francs n'a pas été révisé;
Que même prenant en compte les arguments du locataire qui soutient que le prix du m2 des locaux similaires pratiqués par la Société Burkina et Shell ne saurait excéder cent vingt cinq (125) francs, il ressort que le loyer pour une parcelle de 2020 m2 ne pouvait pas être inférieur à deux cent cinquante deux mille cinq cent (252.500) francs;
Qu'en considération de tous les éléments sus abordés, il convient de faire droit à la demande de OUEDRAOGO Sibiri Philippe en révisant le loyer à quatre cent mille (400.000) francs par mois et le débouter du surplus de sa demande;
Attendu que c'est depuis le 01/06/2002 que le bailleur a souhaité la révision du loyer, qu'il y a lieu de dire que le nouveau loyer court à compter de cette date;
Sur la révision du loyer à hauteur de 30 % par période triennale
Attendu que le requérant demande qu'il soit prévu une révision du loyer par période triennale à raison de 30 %;
Attendu que si le contrat ne l'a pas pris en compte un avenant pourrait résoudre la question; Qu'en tout état de cause, les parties pourront à chaque fois se référer au juge pour la révision du loyer et dès lors ce dernier ne peut imposer une clause aux parties dans la mesure où toute convention émane de la volonté libre des parties; Qu'il y a donc lieu de débouter OUEDRAOGO Sibiri Philippe de ce chef de demande;
Attendu que le loyer n'est pas en péril, le locataire étant solvable; Qu'il y a lieu de ne pas ordonner l'exécution provisoire de la décision;
Attendu que la partie qui succombe est condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'action de OUEDRAOGO Sibiri Philippe recevable;
AU FOND
Révise à la hausse le loyer convenu entre lui et Burkina et Shell en le ramenant à quatre cent mille (400.000) francs par mois;
Dit que le nouveau loyer a commencé, à courir le 01/06/2002;
Le déboute du surplus de sa demande;
Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire;
Condamne Burkina et Shell aux dépens.