J-04-244
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL COMMERCIAL – BAIL D'UN IMMEUBLE A USAGE COMMERCIAL – CONTRAT VERBAL – RESILIATION JUDICIAIRE DU BAIL – DEMANDE D'EXPULSION.
EXCEPTIONS DE LITISPENDANCE ET DE NULLITE – ORDONNANCE DE REFERE – ARTICLE 467 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – PREJUDICE AU FOND (NON) – AYANT DROIT – PERSONNALITE JURIDIQUE (OUI).
ARTICLE
101 AUDCG – OBLIGATIONS DU PRENEUR – NON RESPECT DES CLAUSES ET CONDITIONS DU BAIL – RESILIATION DU BAIL COMMERCIAL VERBAL – EXPULSION DU PRENEUR – EXECUTION PROVISOIRE DE LA DECISION (Oui).
Après une mise en demeure, restée sans effet, pour défaut de paiement du loyer et d'inexécution des clauses du bail, et de surcroît lorsque le bail commercial a été transformé en bail à usage d'habitation par le preneur, il y a lieu donc de constater la violation répétée et continue des clauses et conditions du bail et par conséquent prononcer sa résiliation et l'expulsion du preneur de sa personne et de tous occupants de son chef conformément à l'article
101 AUDCG.
Article 467 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
(TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Jugement n° 192 du 23 avril 2003, Ayants droits de feu Yamba TRAORE c/ RESEAU MULTI-MEDIA BURKINA, groupement d'intérêt économique (G.I.E.)).
LE TRIBUNAL,
FAITS - PRETENTIONS DES PARTIES – PROCEDURE
Par acte d'huissier en date du dix neuf avril deux mille deux, les ayants droits de feu Yamba TRAORE représentés par monsieur TRAORE Mohamed Lamine entrepreneur demeurant à Ouagadougou copropriétaire de l'immeuble Yamba TRAORE pour lesquels domicile est élu en l'étude de maître TARNAGADA Hamadou, avocat à la Cour, ont donné assignation au réseau Multi-Média Burkina, groupement d'intérêt économique (G.I.E.) dont le siège social est à Ouagadougou représenté par son administrateur, monsieur SOU Jacob à comparaître devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou le quinze mai deux mille deux à 8 heures siégeant en matière civile et commerciale pour :
– voir prononcer la résiliation du bail commercial verbal passé entre les parties et l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef;
– voir condamner le Réseau Multi-Média Burkina à payer aux requérants la somme totale de un million huit cent quarante mille huit cent (1.840.800) francs correspondant en fin avril deux mille deux à 26 mois de loyer dus et impayés et de la TVA outre les intérêts de droit à compter de la demande;
Ils soutiennent à l'appui de l'assignation qu'ils sont créanciers du Réseau Multi-Média Burkina d'impayés de loyers d'un montant de un million quatre cent quarante mille (1.440.000) francs CFA et outre la TVA (18 %) de deux cent cinquante neuf mille deux cent (259.200) francs soit au total la somme de un million six cent quatre vingt dix neuf mille deux cent (1.699.200) francs correspondant à 24 mois de loyers dus au 28/02/2002 dans le cadre d'un bail commercial verbal conclu entre eux; qu'une mise en demeure lui a été signifiée le 13/09/2001 suite aux demandes infructueuses menées auprès du Réseau Multi-Média pour le recouvrement de la créance et cela conformément à l'article 101 de l'acte uniforme de l'OHADA relatif au droit commercial général; que des lettres de relances à lui adressés n'ont produit aucun effet;
Qu'en considération du non-respect du bail commercial transformé en bail à usage d'habitation par le preneur et du défaut de paiement des loyers, ils demandent au tribunal la résiliation du bail et l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef en application de l'article 101 de l'acte uniforme OHADA sur le droit commercial général;
Ils ajoutent qu'ils ont obtenu une ordonnance aux fins de saisie conservatoire rendue le 12/03/2002; que suivant PV de saisie conservatoire de biens meubles en date du 16 avril 2002 les biens du débiteur ont été saisis; que leur action se justifie aussi par le fait qu'ils doivent obtenir un titre exécutoire dans le mois qui suit l'exécution de la saisie et conformément à l'article 61 de l'acte uniforme OHADA sur les procédures simplifiées de recouvrement de créance;
Ils concluent en demandant que le jugement soit assorti de l'exécution provisoire car il y a doute de la solvabilité du débiteur;
Le Réseau Multi-Média réplique en soulevant des exceptions de litispendance et de nullité;
Il expose que les ayants droits avaient initié une procédure devant le juge des référés pour la même cause et le même objet que la décision rendue par le président du tribunal est frappée d'appel et que la cause est pendante devant la juridiction du premier président de la Cour d'appel; que le tribunal devra se dessaisir de la présente cause;
Il ajoute que seules les personnes juridiques sont seules admises à ester en justice;
Que l'expression « ayants droits » qui désigne des personnes physiques ou morales ne constituent pas une personne juridique à mesure d'ester en justice et que cette expression ne peut être représentée étant entendu que seules les personnes juridiques peuvent être représentées;
Que les ayants droits sont représentés par TRAORE Mohamed Lamine et qu'aux termes de l'article 85 du code de procédure civile, le mandataire doit justifier son mandat par un pouvoir spécial écrit ou par déclaration verbale de la partie comparaissant avec lui devant le juge; que n'ayant pu produire aucun pouvoir spécial justifiant sa qualité; qu'il sollicite que la demande soit déclarée irrecevable et que l'exploit introductif d'instance soit annulé.
Les demandeurs en réplique soutiennent qu'il n'y a jamais litispendance entre une demande présentée au juge des référés en vue d'obtenir une mesure provisoire et une autre demande portée devant le juge du principal pour obtenir une décision sur le fond; Que ce point de vue ressort d'une abondante jurisprudence et qu'ils sollicitent que la demande de dessaisissement du tribunal de céans soit rejeté puis déclarée irrecevable;
Ils poursuivent en soutenant sur le deuxième moyen qu'il y a beaucoup de jugements qui ont déjà été rendus en faveur de l'énonciation « ayants droits de ... représentés par ... », que les demandeurs agissent solidairement et un des co-intéressés exerce l'action contre un adversaire commun; qu'il agit moins en tant que représentant des autres intéressés que pour la défense de ses propres intérêts lesquels s'étendent à la totalité de l'objet litigieux; qu'il n'y a pas violation de l'article 85 du code de procédure civile comme le prétend le défendeur; que d'ailleurs le défendeur ne prouve pas le préjudice qu'il subit et qu'il sollicite que la demande soit déclarée irrecevable et qu'il en soit débouté;
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les exceptions soulevées
Attendu que le défendeur soutient qu'il y a litispendance parce qu'il y aurait une procédure devant le juge des référés précisément devant le président de la Cour d'appel pour la même cause, le même objet et concernant les mêmes parties;
Attendu que l'ordonnance de référé est une décision provisoire et la présente procédure tend à obtenir une décision définitive sur le fond; que selon l'article 467 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé ne peut préjudicier au fond;
Attendu que si l'ordonnance de référé ne doit pas préjudicier au fond du litige cela veut dire que les deux procédures ne sont pas comparables; que de ce fait il ne peut y avoir litispendance entre les deux procédures et qu'il convient donc de rejeter cette exception;
Attendu que le Réseau Multi-Média soutient que l'expression "ayant droit" n'a pas la personnalité juridique et que son représentant ne dispose pas de mandat;
Attendu que de jurisprudence constante cette expression est consacrée; que plusieurs décisions sont rendues sous cette appellation que les ayants droits regroupent des individus venant d'un auteur commun qui agissent en justice pour la reconnaissance d'un droit commun; que pour ce faire, ils sont représentés par un du groupe qui n'a pas besoin d'un mandat pour agir car son propre intérêt se trouve dans la cause qu'il défend; que nier l'expression ayant droit de personnalité juridique est erroné et qu'il y a lieu de rejeter cette exception
Sur le fond
Attendu que l'article 101 de l'acte uniforme sur le droit commercial général dispose que « le preneur est tenu de payer le loyer et de respecter les clauses et conditions du bail;
A défaut de paiement du loyer ou en cas d'inexécution d'une clause du bail, le bailleur pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail et l'expulsion du preneur et de tous occupants de son chef, après avoir fait délivrer par acte extrajudiciaire une mise en demeure d'avoir à respecter les clauses et conditions du bail ... »
Attendu que le preneur a accumulé vingt six (26) mois de loyers dus et impayés à la date de fin avril deux mille deux; que de surcroît le bail qui était commercial a été transformé en bail à usage d'habitation par le preneur;
Que tous, ces manquements fondent la demande d'expulsion formulée par les ayants droits de feu Yamba TRAORE;
Attendu que le bailleur a par acte de maître Rosine BOGORE ZONGO notaire à Ouagadougou fait délivrer une mise en demeure au Réseau Multi-Média Burkina d'avoir à respecter les clauses et conditions du bail;
Que cette mise en demeure est restée sans effet; Qu'il y a donc lieu de constater la violation répétée et continue des clauses et conditions du bail et par conséquent prononcer sa résiliation et l'expulsion du Réseau Multi-Média Burkina de sa personne et de tous occupants de son chef;
Attendu que le bailleur demande le paiement de la somme de un million huit cent quarante mille (1.840.000) francs représentant le montant des loyers échus et non payés et la TVA à la date de fin avril deux mille deux outre les intérêts de droit à compter de la demande;
Attendu que cette somme n'est pas contestée, qu'en effet il est prouvé par les pièces versées au débat que le preneur doit cette somme; que les multiples relances n'ont pas produit d'effet;
Qu'il convient de condamner le Réseau Multi-Média Burkina à payer aux ayants droits de feu Yamba TRAORE la somme de un million huit cent quarante mille (1.840.000) francs outre les intérêts de droit à compter de la demande;
Attendu que la créance est ancienne et non contestée; que son recouvrement est compromise qu'il convient d'ordonner l'exécution provisoire du jugement;
Attendu que selon l'article 394, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort :
EN LA FORME
Rejette les exceptions soulevées par le Réseau Multi -Média Burkina comme étant mal fondées;
Déclare par conséquent l'action des ayants droit de feu Yamba TRAORE recevable;
AU FOND
Prononce la résiliation du bail commercial verbal passé entre les parties et par conséquent ordonne l'expulsion du Réseau Multi-Média de sa personne et de tous occupants de son chef;
Condamne en outre le Réseau Multi-Média à payer aux ayants droits la somme de un million huit cent quarante mille (1.840.000) francs représentant le montant des loyers et la TVA à la date de fin avril deux mille deux outre les intérêts de droit à compter de la demande;
Ordonne l'exécution provisoire de la décision
Condamne le Réseau Multi-Média aux dépens;