J-04-292
SURETES – GAGE DE PERMIS D’HABITER – REALISATION DU GAGE ORDONNEE.
DELAI DE GRACE – DETTE ANCIENNE – RESISTANCE AU PAIEMENT ET CONTESTATION DE LA DETTE – REFUS DU DELAI DE GRACE.
EXECUTION PROVISOIRE – DETTE ANCIENNE – EXECUTION PROVISOIRE ACCORDEE;.
L’ordonnance de réalisation de gage du permis d’habiter, pour être prise, suppose des formalités requises notamment celles relatives à l’inscription. En l’espèce , le gage du permis d’habiter n° 2/719 du 18 Octobre 1982 en cause régulièrement enregistré au n° 2/35 du 14 Mai 1987 constitue un moyen ultime pour la juridiction compétente d’ordonner en conséquence sa réalisation - ARTICLE 16 DE LA LOI 60-20 DU 13 JUILLET 1960 ET ARTICLE 10 DU DECRET N° 64-276.
La bonne foi faisant défaut suite à la contestation erronée du défendeur, il y a lieu pour la juridiction compétente d’ordonner le rejet de la demande de délai de grâce sollicitée par le celui-ci - ARTICLE 39 AUPRSVE.
L’urgence de rembourser les milliers de créanciers des banques d’Etat liquidées justifie le prononcé par la juridiction compétente de l’exécution provisoire du jugement intervenu aux dépens du défendeur.
Article 39 AUPSRVE
(TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE COTONOU (BENIN) , JUGEMENT CONTRADICTOIRE N° 022/1ère C-COM du 05 août 2002 , R.G. N° : 012/2000 , ETAT BENINOIS REP/Agent JudiciaireTrésor C/ 1°/ - ETABLISSEMENTS OLUWAYO CHETEMI et 2°/ - Monsieur MOUSSA MOUSTAPHA, responsable d’Etablissements).
LE TRIBUNAL
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs moyens, fins et conclusions;
Le Ministère Public entendu;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
DES FAITS
Par exploit de Maître KOTCHOFA FAÏHUN en date à Cotonou du 17 Janvier 2000, l’Etat Béninois représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor, assisté de Maître Mohamed TOKO, Avocat à la Cour, a donné assignation aux Etablissements OLUWAYO CHETEMI, pris en la personne de leurs représentants, le sieur MOUSSA Moustapha et Monsieur MOUSSA Moustapha ayant pour Conseil Maître Simplice DATO, Avocat à la Cour, d’avoir à comparaître par devant le Tribunal de Première Instance de Cotonou à l’effet de :
– S’entendre condamner conjointement et solidairement au paiement de la somme en principal de francs CFA Six millions cent trente et un mille deux cent quatre vingt quatre (6.131.284) sans préjudice des intérêts à échoir et celle de Deux millions (2.000.000) de Francs CFA à titre de dommages-intérêts ainsi;
– S’entendre déclarer bonne et valable l’inscription de gage prise, la valider et ordonner sa réalisation;
– S’entendre prononcer l’exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toutes voies de recours et sans caution;
A l’appui de ses prétentions, l’Etat Béninois expose que les Etablissements ALUWAYO CHETEMI et le Sieur MOUSSA Moustapha sont débiteurs de l’ex-BBD liquidée de la somme en principal de Francs CFA :Trois millions neuf cent cinq mille neuf cent quatre vingt deux (3.905.982) majoré de Francs CFA Cinq cent sept mille sept cent soixante dix huit (507.778) d’intérêts échus, soit en tout Quatre millions quatre cent treize mille sept cent soixante (4.413.760) Francs CFA et de l’ex-B.C.B liquidée de la somme en principal de Francs CFA : Un million cinq cent dix neuf mille neuf cent trente deux (1.519.932) majorée de Francs CFA Cent quatre vingt dix sept mille cinq cent quatre vingt douze (197.592) soit en tout Un million sept cent dix sept mille cinq cent vingt quatre (1.717.524) Francs CFA représentant le solde débiteur de leurs comptes dans les livres des deux banques d’Etat liquidées;
Que pour sûreté et avoir paiement de la somme totale de Francs CFA Six millions cent trente et un mille deux cent quatre vingt quatre (6.131.284) en principal, l’Etat Béninois a fait prendre un gage sur le permis d’habiter n° 2/719 du 18 Octobre 1982 suivant une inscription n° 2/35 du 14 Mai 1987 appartenant au Sieur MOUSSA Moustapha;
Que toutes les tentatives entreprises pour recouvrer la créance sont demeurées vaines;
Que la mauvaise foi des défendeurs est avérée;
Que le demandeur a le plus grand intérêt à s’adresser à justice pour obtenir la condamnation solidaire et conjointe des défendeurs au paiement de la somme poursuivie et à des dommages-intérêts ainsi qu’à voir réaliser le gage pris, l’inscription étant régulière;
Pour résister aux prétentions élevées par l’Etat Béninois, les défendeurs en la présente cause développent que pour justifier sa créance, l’Etat Béninois n’a produit qu’une pièce intitulée « interrogation de mouvement »;
Que cette pièce ne montre que les divers versements et remboursements effectués par les défendeurs et ne justifie nullement l’existence et surtout le montant de la créance dont le demandeur réclame le remboursement;
Qu’il est constant en droit que celui qui allègue d’une prétention doit en rapporter la preuve;
Qu’en l’état, le Tribunal ne dispose pas d’éléments suffisants pour faire droit à la demande de l’Etat Béninois;
Que le demandeur verse au dossier judiciaire deux catégories de pièces dont un lot de vingt quatre (24) billets à ordre de la B.C.B de 113.060 F CFA chacun dont la présentation court de Décembre 1989 à Novembre 1991 et des feuillets d’interrogation des mouvements des 15 Décembre 1999 et 16 Mai 2000;
Que la créance de la B.C.B est matérialisée par les billets à ordre impayés produits dont le montant est de 2.713.440F CFA;
Que le règlement partiel de Francs CFA 33.060 fait au titre de ces effets vient en diminution de la somme de 2.713.440F CFA, ce qui équivaut donc à un solde de 2.680.380F CFA;
Qu’il ressort de l’interrogation des mouvements du 16 Mai 2000 qu’à compter du 03 Janvier 1992, les défendeurs ont effectué des paiements par des versements en espèces, des domiciliations et virements reçus pour un montant total de 1.931.120F CFA;
Que le virement du 30 Juin 1996 de montant de Francs CFA 2.680.380 qui figure sur l’interrogation des mouvements n’est rien d’autre que l’équivalent du solde des 24 billets à ordre impayés;
Qu’il s’ensuit que le solde de la créance de la B.C.B sur les défendeurs correspond exactement à la différence entre 2.680.380F CFA et 1.931.120F CFA soit 749.260F CFA, un montant qui se rapproche de celui de 780.000F CFA porte dans la lettre de Maître Claudine H. MOUGNI du 16 Octobre 1995 produite comme pièce n° 1et 4 par les défendeurs dans leurs écritures du 05 Avril 2000;
Que s’agissant de la B.B.D, le paiement intégral du premier prêt est intervenu le 15 Mai 1984, ce qui justifie l’annulation de la première inscription du gage;
Qu’un second prêt a été accordé aux défendeurs pour un montant de 5.733.367F CFA comme l’a clairement mentionné le demandeur dans les faits;
Qu’au vu du lot des reçus B.B.D et de ceux de Maître MOUGNI, les paiements effectués par les défendeurs s’élèvent à la somme de F CFA 5.140.000;
Que dès lors, le solde de la créance de la B.B.D équivaut à la différence entre le montant du prêt de 5.733.367F CFA et le montant des paiements de 5.140.000F CFA soit 593.367F CFA;
Que la créance de la B.C.B est de 749.260F CFA et celle de la B.B.D de 593.367F CFA;
Qu’en conséquence le Tribunal de céans jugera que le montant cumulé de la créance poursuivie par l’Etat Béninois s’élève à 1.342.627F CFA avant de rejeter toutes ses prétentions contenues tant dans l’acte introductif d’instance que dans ces écritures du 31 Octobre 2000;
1°/ Sur le quantum de la créance
Attendu que l’Etat Béninois, représenté par l’Agent Judiciaire du Trésor (AJT) sollicite la condamnation des défendeurs au paiement de la somme de 6.131.284F CFA en principal, motif pris de ce que ceux-ci sont débiteurs de 4.413.760F CFA sur l’ex BBD et de 1.717.524F CFA sur l’ex-BCB;
Attendu qu’il résulte des pièces versées aux débats de la présente cause, notamment ‘’l’interrogation des mouvements avec les comptes rattachés’’ établie le 15 Décembre 1999 par la Cellule de recouvrement des créances des anciennes banques d’Etat en liquidation, ce qui suit :
– Le compte n° 00040.80.119130/60 ouvert au nom de Moustapha MOUSSA dans les livres de l’ex -BBD porte mention d’un solde débiteur de trois millions neuf cent cinq mille neuf cent quatre vint deux (3.905.982) F CFA;
– Le compte n° 003510.00 1563/61 Etablissements (Ets) OLUWAYO CHETEMI est débiteur d’un montant de un million cinq cent dix neuf mille neuf cent trente deux (1.519.932) F CFA;
– Qu’il suit de ce qui précède que la créance de l’Etat Béninois sur les défendeurs s’élève alors à cinq millions quatre cent vingt cinq mille neuf cent quatorze(5.425.914 ) F CFA;
Attendu que le 08 Février 2000, les défendeurs ont pu se libérer de leur dette à concurrence de 500.000F CFA ce qui ramène celle-ci à quatre millions neuf cent vingt cinq mille neuf cent quatorze (4. 925. 914) F CFA);
Que les défendeurs ont reconnu devoir dans leurs écritures du 13 Avril 2000 la somme de 4.925.914F CFA à l’Etat Béninoise et ont même sollicité un délai de grâce en vue de s’acquitter de leur dette;
Que l’interrogation des mouvements des comptes des défendeurs en date du 17 Juillet 2000 a confirmé que le montant de la dette de ceux-ci, est effectivement de 4.925.914F CFA;
Attendu que dans leurs conclusions du 04 Janvier 2001, Monsieur MOUSSA Moustapha et les ‘’Ets OLOUWAYO CHETEMI contestent le montant de 4.925.914F CFA et soutiennent devoir plutôt à l’Etat Béninois, 1.342.627F CFA, soit 749.620F CFA sur l’ex BCB et 593.367F CFA sur l’ex-BBD;
Mais attendu que les débiteurs n’administrent pas la preuve de leurs allégations;
Qu’au regard de tout ce qui précède, il convient de dire et juger que la créance de l’Etat Béninois sur les défendeurs s’élèvent à 4.925.914F CFA outre les intérêts de droit et de condamner par voie de conséquence, ceux-ci au paiement de ladite créance;
2°/ - Sur les dommages – intérêts
Attendu que l’Etat Béninois sollicite la condamnation des défendeurs au paiement de la somme 2.000.000F CFA à titre de dommages-intérêts;
Attendu que celui qui réclame des dommages-intérêts doit rapporter la preuve des préjudices qu’il a subis;
Qu’en la présente instance, l’Etat Béninois ne justifie pas des préjudices qu’il a subis;
Qu’il y a lieu de rejeter cette demande;
3°/ - Sur la realisation du gage
Attendu que le demandeur en la présente cause sollicite qu’il plaise au Tribunal de céans, déclarer bonne et valable l’inscription de gage pris, la valider et ordonner sa réalisation en vue d’avoir paiement de sa créance;
Attendu que l’article 16 de la loi 60-20 du 13 Juillet 1960 prescrit la mise en gage du permis d’habiter;
Que l’article 10 du Décret n° 64-276, fixant le régime des permis d’habiter au Bénin prévoit la réalisation du gage constitué avec le permis d’habiter, après accomplissement des formalités requises notamment celles relatives à l’inscription;
Attendu que le permis d’habiter n° 2/719 du 18 Octobre 1982 établi au nom de MOUSSA Moustapha, a fait l’objet d’une inscription de gage sous le n° 2/35. PR-A/SAD du 14 Mai 1987 suivant lettre n° A 2270/DJ/DG/BBD en date du 06 Mai 1987;
Que dès lors, il y a lieu de déclarer bonne et valable l’inscription de gage pris et d’ordonner en conséquence sa réalisation;
4°/ - Sur le delai de grâce
Attendu que Monsieur MOUSSA Moustapha et les Ets OLOUWAYO CHETEMI sollicitent qu’il plaise au Tribunal de céans, leur accorder un délai de grâce en application de l’article 39 de l’Acte Uniforme de l’OHADA portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution, au motif qu’ils sont des débiteurs malheureux et de bonne foi;
Attendu que les défendeurs en la présente cause, après avoir reconnu devoir 4.925.194F CFA à l’Etat Béninois, ont par la suite contesté sans justifications le quantum de leur dette;
Que cette attitude des débiteurs dénote d’une mauvaise foi qui ne recommande pas que la mesure sollicitée soit accordée;
Qu’il échet de rejeter cette demande;
5°/ - Sur l’execution provisoire
Attendu que l’Etat Béninois sollicite que le présent jugement soit assorti d’une exécution provisoire;
Que la créance dont le recouvrement poursuivi est très ancienne;
Que par ailleurs des milliers de créanciers des anciennes banques d’Etat en liquidation, attendent toujours d’être remboursés des fonds par eux déposés auprès desdites banques;
Qu’il y a alors urgence justifiant l’exécution provisoire du présent jugement;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort;
– Constate que la créance de l’Etat Béninois vis à vis de Monsieur MOUSSA Moustapha et les ‘’Etablissements OLOUWAYO CHETEMI’’ s’élève à Quatre millions neuf cent vingt cinq mille neuf cent quatorze (4.925.914) Francs CFA outre les intérêts de droit;
– Condamne solidairement Monsieur MOUSSA Moustapha et les ‘’Etablissements OLOUWAYO CHETEMI’’ au paiement de Quatre millions neuf cent vingt cinq mille neuf cent quatorze (4.925.914) outre les intérêts de droit;
– Dit et juge bonne et valable l’inscription de gage pris sur le permis d’habiter n° 2/35 du 14 Mai 1987 appartenant à Monsieur MOUSSA Moustapha;
– Ordonne en conséquence la réalisation dudit gage;
– Rejette le délai de grâce sollicité par les défendeurs;
– Déboute les parties du surplus de leurs demandes;
– Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement;
– Condamne les défendeurs aux entiers dépens.-
– Délai d’Appel : Deux mois.
Et ont signé, le Président et le Greffier,
PRESIDENT : Madame Michèle CARRENA - ADOSSOU
MINISTERE PUBLIC : Madame Thérèse KOSSOU
GREFFIER : Maître KASSA S.A. Marcien
Observations par Joseph ISSA SAYEGH, professeur agrégé.
Cette décision présente la particularité de se prononcer sur la réalisation d’une sûreté particulière, non régie par l’Acte uniforme de l’OHADA sur les sûretés mais par le droit interne béninois. C’est donc à ce droit national qu’il faut se rapporter pour en connaître le régime juridique (constitution et réalisation) qui doit,probablement, osciller entre le régime de la réalisation mobilière et immobilière ou foncière.