J-04-305
DROIT COMMERCIAL GENERAL – BAIL – CONGE – CONTESTATION DU LOCATAIRE (NON) – EXPULSION – URGENCE – COMPETENCE DU JUGE DES REFERES.
Le juge des référés est compétent pour connaître de l'expulsion dès lors que le locataire n'a élevé aucune contestation suite au congé à lui servi par le bailleur.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner son expulsion des lieux.
(Cour d'appel d'Abidjan, Arrêt n°449 du 24 avril 2001, D c/ Etablissements Barnoin, Le Juris Ohada, n° 2/2004, juin-août 2004, p. 65).
LA COUR,
Oui le Ministère Public;
Vu les pièces du dossier;
Ensemble les faits, procédure, prétentions des parties et motifs ci-après;
DES FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Suivant exploit daté du 23 Février 2001 comportant ajournement au 13 Mars 2001 Mr D. a relevé appel de l'ordonnance de référé N° 871/2000 rendue le 3 Mars 2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan qui, saisie par lui en expulsion de la Société "les Etablissements BARNOINS" suite à un congé servi, s'est déclaré incompétent; au motif qu'il y a une contestation sérieuse quant à la durée du bail conclu véritablement et à ses modalités d'exécution;
Au soutien de son appel Mr D. relève que le contrat verbal étant valable, il ne s'est posé aucun problème quant à son exécution contrairement aux affirmations du Premier Juge;
En la matière, explique t-il, un congé peut être servi, seulement l'usage veut que le motif soit légitime;
Reprenant l'argumentation de l'intimé selon laquelle le motif du congé n'est pas prononcé et que, d'ailleurs, il y aurait 12 locataires qui devraient être normalement concernés par ledit congé, l'appelant réplique que le motif du congé est bel et bien prononcé et qu'il est dit dans l'exploit de congé qu'il s'agit de reprendre son local pour y effectuer des travaux;
Si les travaux à effectuer se situent dans ce seul local, précise l'appelant, l'évidence est que ce soit uniquement l'occupant de ce local qui soit concerné par le congé; Et il a la latitude, après l'exécution des travaux de faire appliquer les dispositions du traité OHADA en matière de bail commercial, à savoir sommer le bailleur à l'accepter à demeurer dans le local rénové;
L'intimé, selon l'appelant, au lieu de suivre une telle procédure, a préféré créer une contestation inutile;
Ainsi, affirme l'appelant, c'est à tort que le Juge des référé s'est déclaré incompétent;
L'intimé qui comparaît n'a pas déposé d'écriture en cause d'appel;
La Cour à l'audience du 27/03/01, a invité les parties a faire des observations sur la violation de l'article 36 de la loi 80-1069 du 13 Septembre 1980 relative aux baux commerciaux que la Cour entend soulever d'office;
Par des conclusions datées du 3/04/2001 l'appelant, par le canal de son conseil, Maître TOURE MARAME a relevé d'une part que l'action portée devant le Juge des référés est une demande en résolution du contrat de bail à la suite d'un congé expiré et non d'une contestation, d'autre part que l'expiration du congé sans contestation sérieuse durant la période dudit congé et jusqu'à la saine de la juridiction rend le Juge des référés compétent pour connaître de la demande en expulsion; Enfin l'appelant fait valoir qu'en tout état de cause l'existence seule de l'urgence en l'espèce rend compétent le Juge des référés;
Pour leur part les ETABLISSEMENTS BARNOINS par le canal de leur conseil Maître BLEY DOUAHI AUGUSTIN, Avocat à la cour, déclarent qu'il ne s'agit pas d'un problème relatif à la validité du contrat verbal, mais de la compétence du Juge de référé en cas de contestation du renouvellement du bail et de la fixation du prix du loyer révisé;
Ils relèvent que la procédure de référé est caractérisée par l'urgence et qu'en l'espèce Mr D. qui a donné un premier congé en vue d'une occupation personnelle des lieux "a obtenu", en échange une augmentation du loyer de 200.000 à 250.000 F et qu'ensuite, par exploit de Maître AKOUPO LOKONAN en date du 22 Juin 1999 il leur a notifié un congé à échéance du 22/12/1999 en vue de reprendre le local pour y effectuer des travaux de réfection;
Pendant que ces congés couraient, déclarent les intimés, l'appelant leur a notifié une révision de loyer passant de 250.000 F à 300.000 frs à compter du 30 Septembre 1999, ce qu'ils ont contesté et c'est ce qui leur a valu la présente procédure en expulsion;
Ainsi, selon les intimés, il s'agit effectivement d'une contestation du prix du loyer du bail passant de 250.000 F à 350.000 frs;
Ils font valoir enfin sur la durée du bail, que des congés leur avaient été donnés pour réfection du local et qu'avant l'expiration desdits congés, le bailleur les a assignés en expulsion parce qu'ils ont refusé l'augmentation de loyer proposée par ce dernier;
DES MOTIFS
EN LA FORME
L'appel du sieur D. a été conformément aux prescriptions légales de sorte qu'il doit être déclaré recevable;
AU FOND
C'est véritablement à tort que le Premier Juge s'est déclaré incompétent en invoquant des contestations sérieuses quant à la durée du bail conclu verbalement et à ses modalités d'exécution;
En effet contrairement à l'opinion du Premier Juge, il s'agit en l'espèce d'un congé servi au locataire sur la base des dispositions de l'article 93 du Traité (sic) OHADA relatif au Droit commercial général et plus spécifiquement au bail commercial;
Ces dispositions énoncent que "dans le cas d'un bail à durée indéterminée toute partie qui entend le résilier doit donner congé par acte extrajudiciaire au moins six (6) mois à l'avance;
Le preneur, bénéficiaire du droit au renouvellement en vertu de l'article 91 ci-dessus, peut s'opposer à ce congé, au plus tard à la date d'effet de celui-ci, en notifiant au bailleur par acte extrajudiciaire sa contestation de congé;
Faute de contestation dans ce délai, le bail à durée indéterminée cesse à la date fixée par le congé";
Il convient par ailleurs de faire noter qu'en droit un bail verbal s'analyse en un bail à durée indéterminée et s'exécute comme tel;
De sorte que le caractère verbal du contrat de bail ne constitue pas en soit une cause de contestation, encore moins de contestation sérieuse;
Au demeurant la contestation, au regard des dispositions de l'article 93 précité correspond à une démarche bien précise : "le preneur peut s'opposer à ce congé, au plus tard à la date d'effet de celui-ci en notifiant au bailleur, par acte extrajudiciaire sa contestation de congé";
Ainsi la contestation, au sens de ces dispositions se fait forcément par acte extra - judiciaire notifié au bailleur;
Or, rien au dossier n'établit qu'une telle contestation ait été notifiée au bailleur;
Il s'ensuit qu'il n'y avait aucune contestation en l'espèce qui rendait le Juge des référés incompétent;
Il convient dès lors d'infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau, de dire que le Juge des référés était compétent pour statuer sur l'action de D.;
DU BIEN FONDE DE L'ACTION DE D.
Par exploit daté du 14/5/1999 D. a fait servi congé de six mois aux Etablissements Barnoin d'avoir à quitter les locaux à eux loués pour y effectuer des travaux de réfection;
Aucune contestation, au sens des dispositions de l'article 93 du Traité OHADA relatif au Droit Commerciale Général et au bail commercial n'a été élevée contre ce congé;
Dès lors, conformément à l'alinéa 4 de l'article 93 précité, le bail à durée indéterminée cesse à la date fixée par le congé, le 14/12/1999;
L'action en expulsion de D. a été initiée par exploit du 20 Février 2000 soit près d'un mois après l'expiration du congé;
Il y avait donc incontestablement urgence à faire expulser le locataire qui, ayant reçu le congé à lui servi ne l'a pas contesté et qui, cependant demeurait dans les locaux;
Il convient donc de faire droit à la demande de D., de constater que les ETABLISSEMENTS BARNOINS n'ont pas contesté le congé à eux servi, et d'ordonner leur expulsion;
En raison de cette décision les Etablissements Barnoins seront condamnés aux dépens en application de l'article 149 du code de procédure civile;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en dernier ressort;
Déclare recevable et fondé l'appel régulièrement relevé par D. de l'ordonnance N° 871/2000 rendue le 3/03/2000 par la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan;
Infirme ladite ordonnance en ce qu'elle a déclaré incompétente la Juridiction Présidentielle du Tribunal d'Abidjan;
Infirme ladite ordonnance en ce qu'elle a déclaré incompétente la Juridiction saisie pour contestation sérieuse;
STATUANT A NOUVEAU
Dit que le juge des référés saisi est compétent;
Constaté que les Etablissements BARNOINS n'ont élevé aucune contestation au sens des dispositions de l'article 93 du Traité OHADA relatif au bail commercial suite au congé à eux servi par le bailleur en application desdites dispositions;
Ordonne en conséquence leur expulsion des lieux, tant de leur personne, de leur bien que de tous occupants de leur chef;
Président : M. KANGA PENOND YAO Mathurin