J-04-306
DROIT DES SURETES – CAUTIONNEMENT – CAUSES D'EXTINCTION – DATION EN PAIEMENT – EXISTENCE (NON) – OBLIGATION DE PAIEMENT – CONDITION.
L'engagement de la caution n'est pas éteint dès lors que, d'une part, la mise hors de cause par le débiteur ne figure pas parmi l'énumération de l'article 25 de l'Acte uniforme et que, d'autre part, la dation en paiement alléguée n'a pas été acceptée par le créancier.
La caution étant tenue de payer la dette en cas de non paiement du débiteur principal, c'est à bon droit que le créancier poursuit la caution, dès lors que les poursuites contre le débiteur sont restées sans suite.
(Section de Tribunal de Sassandra, Jugement n°14 du 29 janvier 2003, dame A c/ S. et N.,Le Juris Ohada, n° 2/2004, juin-août 2004, p. 69, note BROU Kouakou Mathurin).
LE TRIBUNAL,
Vu les pièces produites;
Oui les parties en leurs demandes respectives
Après avoir délibéré conformément à la loi;
Attendu que Dame A., aux termes de son assignation et de ses mémoires ultérieurs, demande au Tribunal la condamnation solidaire de S. et de N. en leurs qualités respectives de débiteur principal et caution solidaire au paiement de la somme de 1.050.000 F CFA; Qu'elle fait valoir au soutien de cette demande que S. s'était engagé à lui payer la somme de 1.400.000 F CFA en contrepartie de la vente à lui concédée d'un véhicule d'occasion; Que N. s'est porté aval de celui ci;
Que toutefois, après avoir seulement fait un acompte de 350.000 F CFA, S. ne daigne plus éponger le reliquat malgré l'effectivité de la livraison et l'exigibilité de la créance; Qu'une sommation par exploit en date du 11 juillet 2002 resta sans effet; Que c'est donc à bon droit qu'elle est fondé' à actionner N. en sa qualité de caution pour lui réclamer le paiement de ladite somme;
Elle sollicite l'application des articles 13, 15 et 16 alinéa ter du traité Ohada portant organisation des sûretés;
Attendu que dans un contre mémoire, S. ne discute pas le bien fondé de la créance de dame A.; Qu'il précise toutefois avoir versé un acompte de 400.000 F CFA pour ramener sa dette à 1.020.000 F CFA; Qu'il est disposé à verser 50.000 F CFA mensuellement pour faire face au reliquat réclamé;
Attendu que pour sa part, N. soutient que son cautionnement est éteint; Qu'en effet, il explique d'une part que S. l'a mis hors de cause; Que d'autre part, celui ci éteint sa dette principale en cédant son lot au profit de la requérante;
Les parties versent chacune des pièces à l'appui de leurs dires;
SUR CE
EN LA FORME
Attendu que les défendeurs ont comparu et déposé des mémoires; Qu'il y a lieu de statuer par décision contradictoire;
Que par ailleurs, l'action de dame A. est respectueuse des conditions légales; Qu'i échoit de la recevoir;
AU FOND
Sur la dette de S.
Attendu que celui ci ne conteste que le quantum de sa dette; Qu'il fait état du paiement d'une somme de 350.000 F CFA entre les mains de sa créancière et de 50.000 F CFA entre celles de son huissier instrumentaire ainsi qu'il résulte d'un justificatif versé au dossier en date du 24 juillet 2002 de Maître Managbé Georges, huissier de justice;
Attendu qu'il est acquis dès lors que le principal de la créance réclamée doit être fixée à la somme de 1.000.000 F CFA au principal; Que S. ne reconnaît devoir cette somme, doit être condamné à son paiement;
Sur le cautionnement de N.
Attendu que celui ci prétend que son cautionnement est éteint;
Mais attendu que les causes d'extinction du cautionnement sont énumérées à l'article 25 de l'acte uniforme Ohada susdit;
Que d'une part, la mise hors cause par le débiteur n'y figure pas; Que d'autre part, la dation en paiement alléguée n'a pas été acceptée par dame A.; Qu'il échoit de constater dans ces conditions que l'engagement de N. en qualité de caution solidaire aux côtés de S. n'a pas été éteint;
Attendu par ailleurs qu'il résulte des articles 13 et 15 de l'acte uniforme Ohada susdit que la caution est tenue de payer la dette en cas de non paiement du débiteur principal de la même façon que celui-ci;
Qu'en entreprenant des poursuites contre N. après une mise en demeure adressée à S. et restée sans suite, dame A. est bien fondée à solliciter la condamnation solidaire de la caution au paiement de sa créance;
Sur l'exécution provisoire
Attendu que dame A. sollicite l'exécution provisoire à hauteur de 1/3 du montant alloué;
Attendu qu'il existe en l'espèce un titre privé non contesté par les défendeurs; Qu'il y a lieu de faire droit à la présente demande;
Sur les dépens
Attendu que les défendeurs succombent; Qu'il convient de les condamner aux dépens de l'instance;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort;
Reçoit l'action de dame A.;
La dit partiellement fondée;
Fixe la créance à la somme de 1.000.000 F CFA au principal; Condamne solidairement S. et N. au paiement de cette somme;
Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision à hauteur du 1/3 du montant alloué;
Président : Mr TANH Guillaume
Note
La mise hors de cause est-elle une cause d'extinction de l'engagement de la caution et à quelle condition la dation en paiement faite par le débiteur au créancier libère la caution de son engagement ?
1 - En ce qui concerne la première question, la réponse doit être recherchée dans les causes d'extinction du cautionnement énumérées par l'article 25 de lActe portant Droit des sûretés. Or cet article ne mentionne pas la mise hors de cause par le débiteur, comme cause d'extinction du cautionnement.
Par conséquent, c'est à tort que cet argument est avancé par la caution poursuivie.
2 - En ce qui concerne la question relative à la dation en paiement, il convient de rappeler que la particularité de la dation en paiement en droit du cautionnement est que pour produire effet, la dation en paiement doit être valable, satisfactoire pour le créancier, car la caution est libérée même si le créancier est par la suite évincée, dès lors que celui-ci a accepté de recevoir du débiteur autre chose que ce qui était convenu.
Ce risque que prend le créancier suppose qu'il ait accepté la dation en paiement (Voy François Anoukaha et autres, OHADA, sûretés, Bruylant. 2002 p. 39, N° 93).
Or, en l'espèce la dation en paiement, à savoir la cession par le débiteur, de son lot, au créancier n'a pas été acceptée par celui-ci.
Dès lors la dation en paiement n'a pas été valablement faite. Elle ne peut donc produire d'effet.
En conséquence, la caution reste encore tenue. Ce qui justifie sa condamnation solidaire avec le débiteur principal contre lequel la mise en demeure est restée sans suite.
BROU Kouakou Mathurin