J-04-339
REGLEMENT PREVENTIF – CONCORDAT PREVENTIF – HOMOLAGATION – Délai fixé pour l'exécution du concordat – délai de 3 ans – possibilité pour les créanciers d'accorder un délai plus long (oui) – caractère d'ordre public (NON).
Le délai maximum de 3 ans pour l'exécution du concordat préventif prévu par l'article 15 de l'AUPCAP n'étant pas d'ordre public, les créanciers peuvent, par consensus, concéder au débiteur un délai plus long, et le concordat qui remplit les conditions prévues par l'article 15 susvisé peut être homologué.
(Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement N° 1466 du 30 juillet 2001, règlement préventif de la société nouvelle des conserveries du Sénégal).
LE TRIBUNAL,
Attendu que suivant requête déposée au Greffe le 26 février 2001, la Société Nouvelles Conserveries du Sénégal dite SNCDS a saisi le Président de te juridiction de céans, aux fins d’être admise en règlement préventif;
Attendu que suivant ordonnance présidentielle N° 309/2001 du 27 février 2001, la suspension de toutes les poursuites individuelles dirigées contre la SNCDS et tendant à obtenir le paiement des créances désignées dans la requête a été ordonnée, Serge HOUETO, expert désigné avec pour mission de dresser un rapport sur la situation économique et financière, les perspectives de redressement de la SNCDS, compte tenu des délais et remises consentis ou susceptibles de l'être, interdiction faite, sauf autorisation motivée, à la SNCDS, de payer tout ou partie des créances nées antérieurement à la décision de suspension, de faire un acte de disposition étranger à l'exploitation normale de l’entreprise et de désintéresser les cautions qui ont acquitté les créances nées antérieurement à la décision de suspension, le tout sous peine d'inopposabilité de droit;
Attendu que l'expert ayant déposé son rapport le 31 mai 2001, la juridiction de céans à été saisie, conformément aux dispositions de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif;
Que le Directeur Général de la SNCDS, l'expert Serge HOUETO, la BICIS, la CITIBANK, la SGBS, l'Etat et assimilés (FPE), l'IPRES, le Port Autonome de Dakar, la Zone Franche Industrielle, la Caisse de Sécurité Sociale, la SONAM, Omar Samb, André Elias, la CBAO, la SIDING SA, la TUNA TRADING, INTER France MEDIA, la Société SAUPIQUET, la Société NUMRS, la Société INTERPRAL et la SOCAR, ont été convoqués pour être entendus sur la situation de la SNCDS, pour l'audience non publique du 12 juillet 2001;
Qu'à ladite audience, toutes les parties ont comparu, à l'exception de TUNA TRADING, INTER France MEDIA, SAUPIQUET, NUMRS, INTERPRAL et la SOCAR;
Attendu que le Directeur Général de la SNCDS, entendu, a déclaré qu'à l'origine, la SNCDS était une affaire familiale, ce qui a conduit à quelques errements dans la gestion, mais que compte tenu de son impact économique, un plan de sauvegarde a été élaboré en 1999, et l'Etat entrait dans le capital social à hauteur de 77 %, en vue de sauver la filière thonière;
Que les Banques et Armateurs ont accepté d'étaler leurs créances sur 6 ans, que le FPE a accordé un différé de 5 ans;
Que par le biais de son Conseil, il a sollicité l'homologation du concordat tel que présenté par l'expert;
Attendu que ce dernier, entendu, a expliqué son rapport en soulignant qu'il a travaillé sur les états financiers arrêtés au 31 décembre 1999, qu'il a fallu retraiter en ce qui concerne l'état des dettes, parce qu'un certain nombre d'éléments avaient manqué;
Qu'il déclare en outre, que la situation économique et financière de la SNCDS s'explique par la baisse du cours mondial du thon, par la défaillance de l'un de ses principaux clients et par un niveau d'endettement très élevé;
Qu'il souligne, enfin, que la société est virtuellement en cessation des paiements et tourne au ralenti, eu égard à ses difficultés de trésorerie, qu'elle n'arrive pas à faire face à ses engagements, mais que toutefois, cela ne veut pas dire que l'activité ne soit pas viable, qu'il existe des chances réelles de réalisation du concordat proposé;
Attendu que les créanciers présents, à savoir : la BICIS, la CBAO, la SGBS, la CITIBANK, l'Etat et assimilés (FPE), l'IPRES, le Port Autonome de Dakar, la Zone Franche, la Caisse de Sécurité Sociale, la SONAM, la SIDING SA, Omar Samb et André Elias, ont tous déclaré qu'ils ne s'opposaient pas à l'homologation du concordat;
Que la BICIS et la FPE ont demandé à être nommées contrôleurs;
Que l'expert a joint en annexe l et 2 de son rapport, le plan d'apurement des dettes;
Attendu qu'il ressort de l'article 15 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, que le concordat préventif ne peut être homologué que si le débiteur est in bonis et qu'aucun motif tiré de l'intérêt collectif ou de l'ordre public ne paraît de nature à empêcher le concordat, qui doit offrir des possibilités sérieuses de redressement de l'entreprise, de règlement du passif et des garanties suffisantes d'exécution, que les délais consentis n'excèdent pas trois ans pour l'ensemble des créanciers, et un an pour les créanciers de salaire;
Attendu qu'en analysant la situation économique et financière de la SNCDS, l'expert a relevé que d'une situation nette positive de 3.894.766 FCFA au 31 décembre 1998, elle passe à une situation nette négative de 1.481.500.881 FCFA, malgré une augmentation de capital de 253.200.000 FCFA, suite à la convention de portage des actions par le FPE;
Qu'il précise que 95 % de cet endettement est constitué de dette à court terme, que les valeurs réalisables et disponibles ne couvrent que partiellement les dettes à court terme, que certains actifs ne sont pas suffisamment liquides et comportent des créances difficilement réalisables, que la SNCDS est virtuellement en cessation des paiements, et n'arrive plus à faire face à ses engagements;
Que l'expert, analysant les projections financières, a relevé que sur la base des informations disponibles au moment du contrôle, on peut considérer les éléments contenus dans les projections financières comme acceptables, ce qui signifie que le produit de la location (de l'usine à la société d'exploitation créée) devant servir à désintéresser les créanciers de la SNCDS, devrait pouvoir être versé sans difficulté majeure, que le FPE a apporté, en plus d'un compte associé de 453 millions, une ligne de garantie de 200 millions;
Qu'il relève enfin, que pour être en phase avec les règles du règlement préventif, la totalité des engagements doit être apurée dans un délai de trois ans, que le plan d'apurement montre que l'endettement actuel de la SNCDS ne peut être apuré sur cette période, en raison des contraintes liées aux produits perçus annuellement;
Qu'il fait remarquer toutefois que du fait que les principaux créanciers qui représentent un montant total de 2.718.756.738 FCFA, soit environ 64 % de l'encours, ont accepté de façon écrite, le délai de remboursement sur une période excédant trois ans; l'apurement de leur créance a été contenu dans le délai légal de trois ans;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que la SNCDS connaît une situation économique et financière difficile, certes, mais non irrémédiablement compromise, qu'elle n'est donc pas en cessation des paiements;
Que le concordat proposé, en l'espèce, présente de sérieuses possibilités de redressement de l'entreprise, de règlement du passif et des garanties suffisantes d'exécution;
Qu'il convient de faire observer que le délai de trois ans fixé par l'article 15 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, n'est pas d'ordre public, que les créanciers en faveur de qui il est prévu ont la faculté de concéder au débiteur, un délai plus long, conformément à l'esprit de consensus qui gouverne le règlement préventif;
Qu'ainsi, en l'espèce, rien ne s'oppose à ce que les principaux créanciers dont l'encours représente 64 % de la dette, concèdent à la SNCDS, un apurement de leurs créances sur plus de trois ans;
Que par ailleurs, la disparition de la SNCDS, qui représente la plus grande entreprise de la filière thonière sénégalaise, avec un chiffre d'affaires de 18 milliards, 1.200 emplois directs et une participation de l'Etat à hauteur de 77 %, serait de nature à causer un trouble grave à l'économie nationale;
Attendu qu'au vu de ce qui précède, il y a lieu, conformément aux articles 2, 15 et 16 de l'Acte Uniforme susvisé, d'homologuer le concordat, de constater les délais et remises consentis par les créanciers, de donner acte à la SNCDS des mesures proposées pour le redressement de l'entreprise, de désigner Madame Marième Diop GUEYE, juge au siège, en qualité de juge commissaire, Monsieur Mamina CAMARA, 5 rue Victor Hugo x impasse Maginot, en qualité de syndic, la BICIS et le FPE en qualité de contrôleurs;
Qu'il échet d'ordonner l'exécution provisoire, en application de l'article 23 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif;
Attendu que les frais engagés profitent à l'ensemble des créanciers et au débiteur, qu'il est juste qu'ils passent en frais privilégiés, à l'avantage de ceux qui les ont exposés;
Qu'il échet de dire que les frais de justice passeront en frais privilégiés;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience non publique, par défaut à l'égard de TUNA TRADING, INTER France MEDIA, SAUPIQUET, NUMRS, INTERPRAL et la SOCAR, contradictoirement à l'égard des autres, en matière commerciale et en premier ressort;
– Reçoit la demande de la SNCDS en la forme;
Y faisant droit :
– Homologue le concordat tel que présenté;
– Constate les délais et remises consentis par les créanciers;
– Donne acte à la SNCDS, des mesures proposées pour le redressement de l'entreprise;
– Désigne Madame Marième Diop GUEYE, juge au siège, en qualité de juge commissaire;
– Désigne l'expert Mamina CAMARA, 5 rue Victor Hugo x impasse Maginot, en qualité de syndic;
– Désigne la BICIS et la FPE en qualité de contrôleurs;
– Ordonne l'exécution provisoire;
– Dit que les dépens passeront en frais privilégiés.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.