J-04-342
Règlement préventif – ordonnance de suspension des poursuites individuelles – rapport d'expertise – constatation de la cessation des paiements – ouverture d'une procédure collective (oui) – LIQUIDATION DES BIENS.
Doit être déclarée en liquidation des biens, la société qui, à la suite d'une ordonnance de suspension des poursuites individuelles, se trouve en état de cessation des paiements et ne présente pas de propositions concordataires.
Article 5 AUPCAP ET SUIVANTS
(Tribunal régional hors classe de Dakar, Jugement N° 1538 du 08/08/2000, Liquidation des biens des Nouvelles Brasseries Africaines).
Requête aux fins de règlement préventif et offre de concordat à Madame le Président du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar
Les Nouvelles Brasseries Africaines (NBA), Société Anonyme ayant son siège social au Domaine Industriel de Dakar SODIDA, rue 14 Prolongée x avenue Bourguiba, prise en la personne de son Directeur Général, élisant domicile en l'étude de Maître Ibrahima SARR, Avocat à la Cour - 141, avenue du Président Lamine Guèye à Dakar;
ONT L'HONNEUR DE VOUS EXPOSER
I - En ce qui concerne le règlement préventif :
Que démarrées en novembre 1994 et spécialisées dans la production de boissons sucrées et gazeuses, elles connaissent aujourd'hui une situation économique et financière difficile;
Que ces difficultés ne sont cependant que conjoncturelles, car les causes en sont connues et maîtrisables, notamment une concurrence déloyale d'une puissante multinationale, la mauvaise gestion des dirigeants antérieurs, dont ceux recommandés par ses propres bailleurs, le doublement du passif du fait de la dévaluation, une campagne de dénigrement par le biais de la presse, qui a d'ailleurs été sanctionnée par une décision de justice...
Que les origines de l'instabilité identifiées, les remèdes existant et mis en œuvre, la situation de l'entreprise n'est pas irrémédiablement compromise et mérite donc d'être sauvée, vu le nombre important d'emplois (150) créés, et la qualité et l'énormité des investissements;
Que les NBA constituent un symbole, car étant la seule industrie lourde sénégalaise, dont le capital est entièrement national;
Les mesures tendant au redressement de l'entreprise peuvent se résumer ainsi :
Association substantielle du capital, qui passe de 2.000.000 FCFA à 1.000.000.000 FCFA;
Qu'aucun licenciement pour motif économique n'est présentement envisagé, la Direction ayant décidé d'entreprendre ce redressement avec le personnel actuel;
Qu'enfin, les actionnaires des NBA s'engagent solennellement à exécuter le concordat et les engagements pris;
SOUS TOUTES RESERVES POUR REQUETE
DAKAR, LE 29 FEVRIER 2000
Ordonnance N° 593/2000
Nous, Fatimata KA, Président du Tribunal Régional Hors Classe de Dakar;
Vu la requête aux fins de règlement préventif des NBA;
Vu l'offre de concordat concomittante déposée;
Vu les articles 5, 6, 7, 8, 9 du Code OHADA portant O.P.C.A.P.A.;
– Décidons la suspension de toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement de créances dues par les NBA, conformément aux articles 8 et 9 du Code précité, pour 3 mois à compter de ce jour;
– Désignons Monsieur Abdoulaye DRAME, Expert, avec pour mission de faire un rapport sur la situation économique et financière, les perspectives de redressement des NBA, compte tenu du délai de suspension accordé;
– Interdisons, sauf notre autorisation motivée, aux NBA, de payer en tout ou en partie, les créances nées antérieurement à la présente décision de suspension normale de l'entreprise, ni consentir aucune sûreté; de désintéresser les cautions qui ont acquitté des créances nées antérieurement à la présente.
Fait à Dakar, le 17 mai 2000
Le Tribunal Régional Hors Classe de Dakar, statuant en matière civile ordinaire a, en son audience publique ordinaire tenue le huit août de l'an deux mille, sous la présidence de Madame Khary Diop THIOMBANE, Président de chambre, en présence de Madame Aïssatou Ba Diallo et de Monsieur Mademba GUEYE, juges au siège, Membres, et aussi de Monsieur Samba PAYE, substitut de Monsieur le Procureur de la République, et avec l'assistance de Me Hyacinthe CESAR GOMIS, Greffier, rendu le jugement sur requête, dont la teneur suit :
LE TRIBUNAL,
Attendu que par requête en date du 29 février 2000, les Nouvelles Brasseries Africaines (NBA) ont saisi le Président du Tribunal Régional de céans, aux fins d'être admis en règlement préventif;
Attendu que suivant ordonnance présidentielle N° 593/2000 du 17 mai 2000, la suspension de toutes les poursuites individuelles tendant à obtenir le paiement de créances dues par les NBA, pour trois mois à compter de la date de l'ordonnance, a été ordonnée, Abdoulaye DRAME, Expert désigné avec pour mission de faire un rapport sur la situation économique et financière, les perspectives de redressement des NBA, compte tenu du délai de suspension accordé et interdiction faite, sauf autorisation motivée, aux NBA, de payer en tout ou partie, les créances nées antérieurement à la décision de suspension, de faire un acte de disposition étranger à l'exploitation normale de l'entreprise, ni consentir aucune sûreté, de désintéresser les cautions qui ont acquitté des créances nées antérieurement à la décision de suspension;
Attendu que l'expert ayant déposé son rapport le 11 juillet 2000, la juridiction de céans a été saisie, conformément aux dispositions de l'article 14 de l'Acte Uniforme portant Organisation des Procédures Collectives d'Apurement du Passif (AUPCAP) et le Président Directeur Général des NBA, l'expert Abdoulaye DRAME, la Société Financière Internationale (SFI), la BICIS, la Compagnie Sucrière Sénégalaise (C.S.S.), la CBAO, le Centre des Services Fiscaux de Grand Dakar, la Perception de Dakar Source et le Troisième Bureau de l'Enregistrement ont été convoqués pour être entendus sur la situation des NBA, pour l'audience du 28 juillet 2000;
Qu'à ladite audience, toutes les parties ont comparu;
Attendu que le Président Directeur Général des NBA, entendu, a déclaré qu'avant sa demande de règlement préventif, la société était dans une situation de cessation d'activité;
Que depuis le 17 juillet 2000, il y a début d'exécution des propositions concordataires, la société ayant mis en œuvre des conditions optimales pour une relance certaine de l'entreprise;
Attendu que l'expert, à sa suite, a expliqué son rapport et fait l'état de lacunes dans la gestion de la société, relevant notamment une absence de politique de management, une absence de système comptable, l'inexistence d'une documentation pouvant justifier la situation comptable arrêtée au 31 mai 2000, l'absence de délibération des organes dirigeants, l'absence de contrôle interne...
Qu'il a en outre déclaré qu'au regard des données prévisionnelles, il est établi que c'est à partir de 2002 que le niveau de rentabilité des NBA permettra de dégager des ressources internes nécessaires à la couverture de leur besoin de financement, et qu'elles ne pourront faire face à leur endettement, dans les prévisions les plus optimistes, qu'entre 2015 et 2020;
Qu'il a fait remarquer que seule la première chaîne de fabrication de l'entreprise est actuellement fonctionnelle et sous-utilisée, et seulement à 15 % du potentiel de production; que la société fonctionne présentement avec les derniers personnels du Président du Conseil d'Administration, pour produire 700 à 1.000 casiers par jour;
Attendu que tous les créanciers convoqués ont déclaré ne pas avoir reçu d'offres concordataires, ni de demandes de délais ou de remises, et que les prévisions de l'expert pour régler les créances avec des échéances aussi éloignées sont pessimistes;
Que tour à tour, la BICIS a précisé qu'elle dispose sur les NBA, d'une créance de 282.547.362 F, en vertu d'un jugement N° 301 du 1er février 2000 faisant l'objet d'un appel;
Que la CSS a souligné qu'elle ne dispose pas d'éléments d'appréciation pour pouvoir consentir des délais et remise;
Que la CBAO a fait part de deux créances en sa faveur contre les NBA, une de soixante millions (60.000.000 F) et une autre de un milliard (1.000.000.000 F) qui a fait l'objet d'un moratoire depuis mars 1999, et estime qu'au regard des conclusions de l'expert, les NBA sont en état de cessation des paiements;
Que la Perception de Dakar Source a relevé une créance de 64.000.000 F et l'existence d'un moratoire jamais respecté par les NBA depuis 1996; qu'elle estime que les NBA ne peuvent respecter aucun engagement;
Que le Receveur de l'Enregistrement a, pour sa part, estimé qu'il est difficile de faire des propositions concordataires avec les prévisions de l'expert, pour l'horizon 2015 à 2020.
Qu'enfin, les services fiscaux de Grand Dakar ont déclaré une créance de 38.784.695 F, pour laquelle il existe un arbitrage au niveau de leur hiérarchie, compte tenu des difficultés traversées par les NBA;
Attendu que conformément aux dispositions de l'article 15 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, la juridiction de céans, au regard de la situation du débiteur, soit constate la cessation des paiements assortie d'une décision de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, soit rend une décision de règlement préventif avec homologation du concordat préventif, soit annule la décision de suspension des poursuites;
Attendu qu'en l'espèce, dans l'appréciation de la situation économique et financière des NBA, l'expert Abdoulaye DRAME a relevé que le passif de la société estimé au 31 mai 2000 et constitué des capitaux étrangers, à savoir les dettes financières, pour la somme de 3.617.202.000 F, les dettes circulantes de 1.191.467.000 F, les découverts bancaires de 1.735.000.000 F s'élèvent globalement à la somme de 4.810.404.000 F; que les valeurs réalisables constituées des créances sur les clients sont arrêtées au 31 mai 2000, à la somme de 1.399.000.000 F (clients ordinaires 1.398.800.000 F et clients douteux 141.505 F);
Que l'expert a insisté pour ce qui concerne lesdites créances, sur leur nature (créances nées de la facturation de consignations, d'emballages), leur non justification et leurs faibles perspectives de réalisation;
Que l'expert, en analysant différents ratios, a constaté avec le ratio de valeur ajoutée, que les richesses dégagées par les NBA à partir de ses activités, ne peuvent pas suffire à la rémunération des différents facteurs de production (charges du personnel, amortissement des immobilisations capital financier);
Qu'il a précisé, dès lors, une correction des prix de vente hors taxes pratiqués, une action sur les charges de structure liées à la mise en œuvre des activités d'exploitation de l'entreprise, un renforcement des capitaux propres, dans l'optique d'un accroissement de la production et de la redynamisation de la politique commerciale et financière;
Qu'il a noté de manière prévisionnelle, que les NBA ne pourront dégager les ressources internes nécessaires à la couverture de leur besoin de financement, qu'en 2002, et que si les actions préconisées ne sont pas engagées, le passif circulant et financier ne sera pas purgé avant la période 2015-2020;
Qu'il a encore constaté que le ratio de liquidité général égal à 0,11 %, très en deçà de la norme à la page pour une exploitation normale, ce qui implique une incapacité de l'entreprise à faire face, dans l'immédiat, à ses engagements;
Qu'il a constaté, par rapport à l'actif circulant, une inexistence de trésorerie;
Attendu qu'en somme, l'expert a indiqué que les NBA sont dans l'impossibilité de faire face à leur passif exigible avec leur actif disponible;
Qu'il échet, au regard de qui précède, de constater la cessation des paiements des NBA et de fixer provisoirement sa date au 31 mai 2000;
Attendu que ceci étant, les NBA ne peuvent être admises au bénéfice du règlement préventif;
Attendu que l'expert a souligné une insolvabilité notoire et chronique des NBA, une impossibilité par celle-ci, de faire appel à des capitaux extérieurs corrélativement à l'existence de levier financier au niveau de l'entreprise;
Que par ailleurs, il y a lieu de relever que les NBA n'ont proposé aucun concordat sérieux en vue d'une relance ou d'un redressement de l'entreprise;
Qu'elles n'ont établi ni leur possibilité d'acquisition des moyens nécessaires pour une continuation normale de leur activité, ni la mise en œuvre des mesures de redressement auparavant proposées;
Que l'expert a enfin conclu que la continuité de l'exploitation est irrémédiablement compromise;
Attendu qu'il apparaît ainsi que les NBA ne présentent aucune chance de survie;
Qu 'il y a lieu de prononcer la liquidation des biens de ladite société, en application des articles 15 et 33 de 1’Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, de désigner comme Juge Commissaire Monsieur Cheikh Tidiane LAM, et comme Syndic, Idrissa NIANG;
Attendu que l'exécution provisoire est de droit et que les frais passeront en frais privilégiés;
PAR CES MOTIFS
Statuant en audience non publique, contradictoirement en matière commerciale et en premier ressort;
– Constate la cessation des paiements des Nouvelles Brasseries Africaines (NBA);
– Fixe provisoirement la date de cessation des paiements au 31 mai 2000;
– Prononce la liquidation des biens des NBA sur le fondement des articles 15 et 33 de l'Acte Uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif;
– Désigne comme Juge Commissaire, le juge Cheikh Tidiane LAM, et comme Syndic, Idrissa NIANG.
Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.