J-04-344
VOIES D’EXECUTION – Saisie immobilière – jugement rendu à l'audience éventuelle – appel – moyens – Recevabilité – moyens tirés de la régularité formelle de la procédure (non) – moyen fondé sur l'absence de créance (Oui).
L'appel n'est recevable que relativement au moyen tiré de l'absence d'un titre de créance, qui seul fait partie des cas d'ouverture prévus par l'article 300 de l'AUPSRVE.
La grosse d'un acte d'ouverture de crédit notarié, valant jusqu'à inscription de faux, est suffisante pour fonder la créance, dès lors qu'elle n'est pas sérieusement contestée.
(COUR D'APPEL DE DAKAR, CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE 1, Arrêt N° 414 du 08 / 09 / 2000, SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE JABULA c/ CBAO).
LA COUR,
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en toutes leurs demandes, fins et conclusions;
Après en avoir délibéré, conformément à la loi;
Considérant que par acte d'huissier du 17 mai 2000, la Société Civile Immobilière JABULA dite SCI JABULA, a interjeté appel du jugement du 02 mai 2000 du juge des Criées du Tribunal Régional de Dakar, qui, dans la cause l'opposant à la Compagnie Bancaire de l’Afrique Occidentale dite CBAO, a rejeté les dires qu'elle a formulés et renvoyé les parties à l'audience d'adjudication du 13 juin 2000;
I - Sur la recevabilité de l'appel
Considérant que dans ses conclusions du 28 juin 2000, la CBAO a conclu à l'irrecevabilité de l'appel de la SCI JABULA, l'acte comportant ledit appel étant nul, au sens de l'article 301 alinéa 3 de l'Acte Uniforme, pour n'avoir pas exposé les moyens de l'appelant; que pour sa part, la SCI JABULA, qui a soulevé l'exception de communication de certaines pièces, notamment les relevés bancaires, a conclu à la recevabilité de son appel, conforme, a-t-elle dit, aux dispositions des articles 300 et suivants de l'Acte Uniforme;
Considérant, d'une part, que la SCI JABULA a bien exposé les moyens de son appel et les griefs faits au jugement querellé; d'autre part, que selon l'article 300 de l'Acte Uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et les voies d'exécution, les décisions judiciaires rendues en matière de saisie immobilière ne peuvent être frappées d'appel que « lorsqu'elles statuent sur le principe même de la créance, ou sur des moyens de fond tirés de l'incapacité d'une partie, de la propriété, de l'insaisissabilité ou de l'inaliénabilité des biens saisis »; qu'il s'ensuit, en l'espèce, que les moyens tirés seulement de la régularité formelle de la procédure portant sur une simple erreur matérielle du commandement, rectifiée par le premier Juge, sur la nullité du cahier des charges et sur la nullité de la sommation de prendre communication du cahier des charges, ne sont pas recevables et que la recevabilité de l'appel doit seulement porter sur l'absence de créance alléguée par la SCI JABULA;
II - Sur l'exception de communication de pièces
Considérant que ce moyen doit être écarté, la Cour ayant assuré le respect du principe du contradictoire et qu'en tous les cas, il sera statué outre ces pièces;
III - Sur la créance
Considérant que reprenant presque les mêmes moyens qu'en première instance, la SCI JABULA, pour obtenir l'annulation des poursuites et la mainlevée du commandement valant saisie réelle, a soutenu que la convention de compte courant n'est pas une preuve de l'existence d'une créance bancaire, que la grosse de l'acte d'ouverture de crédit du 20 Avril 1995 n'est pas conforme à la loi puisqu'il n'est pas fait mention, ainsi que l'exige l'article 62 du décret N° 79-1029 du 05 novembre 1979 fixant le statut des notaires, de la conformité de la grosse ou de l'expédition avec l'original, que la convention d'exigibilité versée au débat est un acte sous seing privé, qui n'a pas de force probante, au sens de l'article 22 du COCC, pour n'avoir pas comporté la mention « lu et approuvé », avec en toutes lettres, le montant de l'obligation, et pour avoir été signé par un illettré, Ndongo Diouf, lequel, en outre, n'a aucun pouvoir de représentation de la SCI JABULA, dont les membres sont El Hadj Cajura et son gérant, Aboubacar JABULA;
Considérant que pour la CBAO, El Hadj Cajura JABULA et Aboubacar JABULA, membres de la SCI JABULA, ne sont que les prête-noms de Ndongo Diouf; qu'ainsi :
– l'immeuble objet du TF N° 2323/DG "HOTEL TABARA" acquis par la SCI JABULA, avec toujours les fonds de la CBAO, est administré par Ndongo Diouf;
– l'immeuble objet du TF N° 16703/DG acquis auprès du Maréchal Mobutu par la SCI JABULA, avec toujours les fonds de la CBAO, est le lieu d'habitation de Ndongo Diouf, lequel, dans les correspondances échangées avec la banque, s'est toujours désigné « Administrateur Directeur Général SCI JABULA Rue Raffenel x Faidherbe », et son cachet porte la mention « Ndongo Diouf, Président Directeur Général Administrateur de la société Hôtelière TABARA »;
Considérant, ainsi que l'a fait remarquer le premier Juge, que la vente est poursuivie en vertu de la grosse d'un acte d'ouverture de crédit du 20 avril 1995, par lequel la CBAO a ouvert à la SCI JABULA, un crédit à court terme d'un montant de 265.760.000 F, avec affectation hypothécaire de l'immeuble objet du TF N° 2323/DG, et que cette grosse, qui est un acte notarié, vaut jusqu'à inscription de faux;
Considérant, certes, que l'acte d'ouverture de crédit a été signé entre la CBAO et la SCI JABULA sise 68-70, Avenue du Président Lamine Guèye, représentée par son gérant statuaire Aboubacar JAVULA ou JABULA; que c'est à cette adresse que le commandement valant saisie réelle a été signifié, et qu'il a été répondu à l'huissier instrumentaire, que « cette société y est inconnue »; que c'est par la suite que signification pour la vente du TF N° 2323/DG (Hôtel TABARA) a été faite à son siège Rue Raffenel x Faidherbe;
Considérant que Ndongo Diouf, qui se dit Président Directeur Général Administrateur de la Société Hôtelière TABARA, a signé avec la CBAO, le 27 janvier 1999, avec son cachet et la mention en lettres manuscrites « lu et approuvé », une convention d'exigibilité par laquelle, déclarant représenter la SCI JABULA dont il est l'administrateur Directeur, il a connu la dette de celle-ci, évaluée à 436.733.756 FCFA;
Considérant aussi qu'il n'est pas rapporté la preuve que Ndongo Diouf est un illettré;
Considérant que plus que des indices graves, précis et concordants, il résulte de l'ensemble des pièces de la procédure, que la SCI JABULA est bien débitrice dans les livres de la CBAO, et comme l'a dit le premier juge, elle n'a pas sérieusement contesté la créance de la CBAO; qu'il échet de confirmer le jugement entrepris;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière de vente immobilière, en appel et en dernier ressort :
– Déclare recevable l'appel de la SCI JABULA sur l'absence de créance de la CBAO;
– Rejette l'exception de communication de pièces;
– Déclare mal fondé l'appel formé par la SCI JABULA;
– Confirme en conséquence, le jugement entrepris;
– La condamne aux dépens.
Ainsi fait, jugé et prononcé publiquement par la Cour d'Appel de Dakar, Chambre Civile et Commerciale, en son audience publique et ordinaire du 08/09/2000 séant au Palais de justice de ladite ville, Bloc des Madeleines, à laquelle siégeaient Monsieur Mouhamadou DIAWARA, Président, Messieurs Mamadou DEME et Mamadou DIAKHATE, Conseillers, et avec l'assistance de Me Papa NDIAYE, Greffier.