J-04-349
VOIES D’EXECUTION – SAISIE IMMOBILIERE – Recevabilité des dires (oui) – Obligation pour le conservateur d'attendre le délai de 20 jours pour apposer son visa (non) – Nullité du commandement (non) – respect des dispositions de l'article 267 de l'AUPSRVE (Oui).
Contestation de la mise à prix – nouvelle fixation d'office de la mise à prix sur la base d'un rapport d'expertise déposé par EGCAP (Oui).
Annulation de la clause du cahier des charges pour violation des dispositions des articles 324, 325 et 326 de l'AUPSRVE (oui) – continuation des poursuites (Oui).
Le délai de 20 jours prévu par l'article 254 de l'AUPSRVE n'est pas un délai d'attente imposé au conservateur avant l'apposition du visa, mais plutôt un terme imparti au débiteur, pour qu'il puisse payer afin d'obtenir la radiation du commandement.
L'absence de signification du pouvoir spécial au débiteur n'entraîne la nullité du commandement que si celui qui l'invoque rapporte la preuve d'un grief (art. 297 AU/PRSVE).
L'antériorité de la date de l'état des droits réels par rapport au commandement n'est pas constitutive d'une violation de l'article 267 de l'Acte Uniforme, dès lors que la preuve n'est pas rapportée qu'un changement est intervenu entre la date de l'état des droits réels et celle du commandement.
Rejette la demande d'expertise et fixe d'office la valeur vénale de l'immeuble à 325.000.000 FCFA, sur le fondement de l'article 275 de l'Acte Uniforme, en estimant qu'une expertise serait susceptible de retarder inutilement la procédure.
Retient qu'une précédente saisie attribution pratiquée sur le fondement du même titre exécutoire ne fait pas obstacle à une saisie immobilière dirigée contre le même débiteur, sur la base du même titre, dès lors que ce dernier ne rapporte pas la preuve que le créancier a été entièrement désintéressé lors de la première saisie.
Etant une voie de recours extraordinaire, un pourvoi en cassation ne peut suspendre la procédure de saisie immobilière, et ce d'autant que l'Acte uniforme ne déroge pas au principe.
L'absence d'un titre définitivement exécutoire ne fait pas obstacle au déclenchement de la procédure de saisie immobilière, un tel titre n'étant exigé au regard de l'article 247 de l'AUPRSRVE qu'au moment de l'adjudication.
Est nulle pour violation des articles 324 et suivants de l'AUPRSVE instituant la procédure de distribution du prix, la clause qui par le jeu de la compensation légale, dispense le poursuivant de consigner le prix de vente entre les mains du greffier en chef, alors qu'il y a plusieurs créanciers inscrits.
« En tout état cause, ordonner le sursis à la vente ».
Article 247 AUPSRVE
Article 267 AUPSRVE
Article 254 AUPSRVE
Article 275 AUPSRVE
Article 324 AUPSRVE ET SUIVANTS
(TRIBUNAL REGIONAL HORS CLASSE DE DAKAR, Jugement du 04 janvier 2000, SNR (Société nationale de recouvrement et Richard AKEL c/ EGCAP (Entreprise générale du Cap Vert)).
LE TRIBUNAL :
Attendu que la Société Nationale de Recouvrement (SNR) et le sieur Richard AKEL ont régulièrement consigné des dires, reçus au Greffe respectivement les 23 décembre 1999 et 29 décembre 1999, au cahier des charges dressé par le sieur AKEL, pour parvenir à la vente par expropriation forcée de l'immeuble objet du T.F. N° 19.785/DG saisi sur l'Entreprise Générale du Cap-Vert dite EGCAP;
Qu'il échet de déclarer lesdits dires recevables en la forme;
AU FOND :
Attendu que pour parvenir à l'annulation des poursuites, EGCAP a invoqué plusieurs moyens :
1°) la nullité du commandement pour non respect du délai et pour défaut de signification du pouvoir spécial donné à l'huissier;
2°) la violation des dispositions de l'article 267 de l'AU/PSRVE
3°) la faiblesse du montant de la mise à prix;
4°) l'existence d'une saisie attribution sur le fondement du même titre exécutoire;
5°) l'absence de titre exécutoire définitivement exécutoire.
Attendu que la SNR, quant à elle, n'a formulé des dires que pour obtenir l'annulation de la clause N° 11 du cahier des charges;
SUR LA NULLITE DU COMMANDEMENT :
Attendu que le disant AKEL a soutenu que le commandement doit être annulé, aux motifs que le délai de 20 jours prévu par la loi n'a pas été respecté, d'une part, et que la copie du pouvoir spécial donné à l'huissier à fin de saisie réelle ne lui a pas été signifiée;
Attendu qu'en réponse, le créancier poursuivant a rétorqué que le visa est une formalité administrative constatant la publicité du commandement;
Qu'aucun texte ne fait obligation au conservateur de la propriété foncière de n'apposer son visa qu'à l'expiration du délai de 20 jours;
Que par ailleurs, il y a bel et bien eu signification du pouvoir spécial de l'huissier, puisque le commandement, après avoir énuméré les pièces en vertu desquelles les poursuites sont effectuées, précise bien que le tout étant signifié en tête des présentes et copies délaissées en même temps que les présentes (le commandement à la requise);
Qu’EGCAP, qui a reçu ledit commandement et visé l'original et les copies sans faire de réserve, est mal venue de prétendre que la copie du pouvoir spécial ne lui a pas été signifiée;
Attendu que l'article 254 de l'AU/PSRVE dispose que le commandement doit, à peine de nullité, contenir la copie du pouvoir spécial de saisir donné à l'huissier ou à l'agent d'exécution par le créancier poursuivant, à moins que le commandement ne contienne, sur l'original et la copie, le bon pour pouvoir signé de ce dernier;
L’avertissement que, faute de payer dans les vingt jours, le commandement pourra être transcrit à la conservation foncière et vaudra saisie à partir de sa publication;
Attendu qu'en effet, comme l'a soutenu à bon droit le créancier poursuivant, il n'y a aucune obligation pour le conservateur d'attendre 20 jours pour apposer son visa;
Que ce délai est plutôt imparti au débiteur, pour qu'il puisse en cas de paiement, obtenir la radiation du commandement par le conservateur ou l'autorité administrative, sur mainlevée donnée par le créancier poursuivant, conformément à l’alinéa 1er de l'article 261 de l'AU précité;
Attendu que relativement à l'absence de signification du pouvoir spécial, même si ladite signification n'a pas été prouvée de manière formelle, cette omission ne peut entraîner la nullité, puisque l'article 297 alinéa 2 de l'AU/ PSRVE exige un préjudice aux intérêts de celui qui l'invoque;
Or en l'espèce, la preuve d'un tel préjudice n'est pas rapportée;
SUR LA VIOLATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 267 DE L'AU/PSRVE
Attendu que sur ce point, EGCAP a soutenu que la date de l'état des droits réels annexé au cahier des charges est antérieure à celle du commandement;
Que ceci est contraire aux dispositions de l'article 267 de l'AU in fine;
Attendu qu'en réponse, le sieur Richard AKEL a rétorqué que le texte n'exige pas que la date de l'état des droits réels délivré par le conservateur soit celle du commandement valant saisie réelle;
Attendu que l'article 267 précité dispose in fine « qu'au cahier des charges, est annexé l'état des droits réels inscrits sur l'immeuble concerné, délivré par la conservation foncière à la date du commandement;
Que la seule exigence qui s'infère de ce texte, et cela est de jurisprudence constante, c'est que l'état des droits réels annexé au cahier des charges soit l'exact reflet des inscriptions faites sur le titre, au jour du commandement;
Qu'en l'absence de la preuve d'un changement intervenu medio tempore entre la date de l'état des droits réels et celle du commandement, on ne peut nullement dire qu'il y a eu violation des dispositions invoquées;
SUR LA FAIBLESSE DU MONTANT DE LA MISE A PRIX
Attendu que EGCAP a estimé que le montant de la mise à prix est contestable, parce qu'il ne tient pas compte de la valeur vénale réelle de l'immeuble;
Que pour preuve, elle a sollicité et obtenu à ses frais, une expertise du TF N° 19.785/DG, qui a retenu comme valeur vénale de l'immeuble, ainsi que l'ensemble des impenses réalisées, la somme de 1.671.747 F (sic);
Qu'elle a sollicité, à défaut de l'annulation des poursuites pour mise à prix inférieure au quart de la valeur vénale réelle de l'immeuble, la désignation d'un autre expert, conformément à l'alinéa 2 de l'article 272 de l’AU/PSRVE, puisque selon elle, une modification de la mise à prix s'impose;
Attendu qu'en réponse, le sieur AKEL a rétorqué que non seulement il n'a aucun intérêt à minorer le prix de la vente, puisque pour sa créance qui s'élève à 115.000.000 F, il vient en concours avec d'autres créanciers hypothécaires inscrits sur le même titre pour un montant total de 815.000.000 Frs, mais que plus décisivement, il a pris le soin, conformément à l'article 267, de faire procéder à l'évaluation de la valeur vénale de l'immeuble en question par un expert agréé, qui a conclu à un montant de 1.035.659.509 F, sur la base de laquelle la mise à prix a été fixée;
Attendu que le disant a déposé un rapport d'expertise qui fixe la valeur vénale de l'immeuble à la somme de 1.671.681.747 F;
Qu'il y a lieu de noter que l'écart qui existe entre le montant et celui retenu par l'expert du créancier poursuivant n'est pas considérable; que c'est la raison pour laquelle le Tribunal estime retenir comme valeur vénale définitive, la somme de 1.300.000.000 F, au lieu d'ordonner une expertise susceptible de retarder inutilement la procédure; qu'il échet ainsi de fixer la nouvelle mise à prix à la somme de 325.000.000 F, en application de l'article 275 AU/PSRVE et de dire que le cahier des charges sera modifié dans ce sens;
SUR L'EXISTENCE D'UNE SAISIE ATTRIBUTION SUR LE FONDEMENT DU MÊME TITRE EXECUTOIRE
Attendu que la demanderesse, aux dires, a invoqué le principe saisie sur saisie ne vaut, au motif qu'une saisie attribution ayant été pratiquée par le sieur AKEL, par exploit d'huissier des 20 et 21 avril 1999, il devait démontrer l'insuffisance de celle-ci avant de passer à une autre;
Attendu que c'est à bon droit que le créancier poursuivant a fait remarquer que le principe sus-invoqué signifie qu'un même bien ne peut faire l'objet de plusieurs saisies en même temps;
Que ce principe ne s'oppose pas à ce qu'un créancier puisse saisir des biens différents de son débiteur, ceci d'autant plus que le patrimoine du débiteur constitue le gage général des créanciers;
Attendu que par ailleurs, EGCAP n'a pas prouvé que la saisie, invoquée a été fructueuse et insuffisante pour désintéresser le créancier;
SUR L'ABSENCE DE TITRE DEFINITIVEMENT EXECUTOIRE
Attendu que EGCAP a soutenu que le sieur AKEL a pratiqué une saisie réelle sur le fondement de l'arrêt d'appel du 09/09/1999, frappé d'un pourvoi en cassation, qui n'a pas encore été examiné;
Que l'adjudication ne peut intervenir que sur la base d'un titre définitivement exécutoire;
Qu'elle sollicite en conséquence, le sursis à statuer, jusqu'à ce que la Cour de Cassation se prononce;
Attendu qu'en réponse, le sieur AKEL a fait remarquer d'abord que la loi organique N° 98.39 du 22 avril 1998 abrogeant certaines dispositions de l'article 16 de la loi organique N° 92.25 du 30 mai 1992 sur la Cour de Cassation a supprimé le sursis à l'exécution des arrêts de la Cour d'Appel de Dakar;
Qu'ensuite, l'arrêt de la Cour d'Appel est exécutoire dans sa totalité;
Qu'enfin, même si on devait suivre EGCAP dans sa logique, sa demande tirée de l'article 247 alinéa 2 serait prématurée, puisque le titre définitivement exécutoire n'est exigé par ledit texte qu'à la phase d'adjudication, alors qu'à l'état actuel, la procédure est à la phase de l'audience éventuelle;
Attendu que l'article 300 de l'AU/PSRVE dispose que les voies de recours sont exercées dans les conditions du droit commun;
Que dans ledit droit, il est de principe que les voies de recours extraordinaires dont le pourvoi est en cassation, ne sont pas suspensives, à moins qu'un texte ne le prévoie expressément;
Que dans l'AU précité, aucune disposition ne prévoit que le pourvoi est suspensif;
Attendu donc que EGCAP ne peut valablement, sur la simple base du pourvoi en cassation introduit, obtenir le sursis, d'autant que, comme l'a soutenu à bon droit le poursuivant, celui-ci a été supprimé;
Attendu qu'également, l'absence de titre définitivement exécutoire ne peut jouer en l'espèce, puisque effectivement, l'existence d'un tel titre n'est exigée qu'à l'audience d'adjudication et ne peut être vérifiée qu'en cette audience là;
Attendu qu'il résulte de tout ce qui précède, les dires et EGCAP sont mal fondés pour entraîner l'annulation des poursuites; qu'il échet d'ordonner la continuation de celles-ci;
SUR L'ANNULATION DE LA CLAUSE N° II DU CAHIER DES CHARGES
Attendu que la SNR, créancière inscrite, a plaidé dans ses dires en date du 22 décembre 1999, l'annulation de l'article 11 du cahier des charges, qui dit en substance que si l'adjudication est prononcée au profit du sieur Richard AKEL, pour un prix égal ou inférieur à la somme qui lui est due, il ne sera pas tenu de consigner le prix de vente entre les mains du Greffier en chef, et ce, par le jeu d'une compensation légale;
Que selon elle, cette clause est nulle et de nullité absolue, puisque le prix d'adjudication est destiné à désintéresser les créanciers, qui ne peuvent être colloqués que suivant l'ordre de distribution établi par la loi;
Attendu que EGCAP n'a pas répondu sur ce point;
Attendu qu'il résulte des dispositions des articles 324, 325 et 326 de l'AU/PSRVE, que s'il n'y a qu'un seul créancier, le produit de la vente est remis à celui-ci, jusqu'à concurrence du montant de sa créance en principal, intérêt et frais;
Que par contre, s'il y a plusieurs créanciers inscrits ou privilégiés, ceux-ci peuvent s'entendre sur une répartition consensuelle du prix de la vente; à défaut, le plus diligent d'entre eux saisit la juridiction compétente, afin de l'entendre statuer sur la répartition du prix;
Attendu qu'il résulte de ce qui précède, que la procédure de distribution du prix est obligatoire, dès lors qu'il y a plusieurs créanciers inscrits ou privilégiés, et qu'il n'y a pas entente entre eux pour une répartition consensuelle du prix de la vente;
Attendu qu'en l'espèce, il résulte de l'état des droits réels délivré par le conservateur de la propriété foncière, le 19 août 1999, que l'immeuble objet du T.F. N° 19.585/D.G., dont la vente est poursuivie, est grevé d'hypothèque forcée au profit de la BIAO Sénégal, de la Société Africaine des Industries du Bâtiment (SAIB), de l'entreprise Franzetti et Compagnie, et d'hypothèques conventionnelles au profit de l'USB;
Qu'il échet en conséquence, de déclarer la clause insérée à l'article 2 du cahier des charges, contraire à la loi, et de l'annuler purement et simplement;
Attendu que la possibilité pour le sieur AKEL de s'approprier de l'immeuble hypothéqué, sans pour autant verser le prix entre les mains du greffier en chef, constitue un péril grave pour les droits des autres créanciers;
Qu'il échet d'ordonner l'exécution provisoire sur ce point.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement en matière de criées et en premier ressort;
EN LA FORME
– Déclare les dires recevables;
AU FOND
– Annule la clause par laquelle le sieur AKEL se dispense de l'obligation de consigner le prix de la vente entre les mains du greffier en chef, inséré à l'article 2 du cahier des charges;
– Dit que si le sieur AKEL, créancier poursuivant, est déclaré adjudicataire, il devra consigner entre les mains du greffier en chef de la juridiction de céans;
– Dit qu'il sera procédé à une distribution du prix, conformément à la loi;
– Ordonne l'exécution provisoire sur ce point;
– Ordonne la continuation des poursuites;
– Fixe de nouveau le montant de la mise à prix à 325.000.000 F, en application de l'article 275 de l'AU/PSRVE;
– Renvoie la clause et les parties à l'audience d'adjudication du 08 février 2000;
Ainsi fait jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus.
Et ont signé le Président et le Greffier.