J-04-366
Voir Ohadata J-04-13
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – DECISION D’INJONCTION DE PAYER RENDUE SUR OPPOSITION – APPEL – RECEVABILITE (OUI) – ORIGINE DE LA CREANCE – ARTICLE 2 AUPSRVE – BONS DE COMMANDE – IMITATION DE SIGNATURE DU DIRECTEUR GENERAL PAR UN EMPLOYE – ARTICLE 1384 ALINEA 4 CODE CIVIL BURKINABE – RESPONSABILITE DES MAITRES ET COMMETTANTS DU FAIT DU PREPOSE – NATURE CONTRACTUELLE DE LA CREANCE (OUI) – OBLIGATION DE REPARER (OUI) – ACTION RECURSOIRE CONTRE LE PREPOSE – ARTICLE 4 ALINEA 2 CODE DE PROCEDURE PENALE BURKINABE – SURSIS A STATUER (NON) – CONFIRMATION DU JUGEMENT ATTAQUE.
Le principe de la responsabilité des maîtres et commettants posé par l'article 1384 alinéa 4 oblige quiconque à réparer le dommage qui est causé par le fait des personnes dont il doit répondre. En retour, il a la possibilité de se retourner contre son préposé une fois la victime indemnisée afin de lui faire supporter le montant des indemnités payées. Dès lors, l'issue d'un procès pénal qui serait mis en mouvement n'influe guère sur l'action principale et il n'y a pas lieu à ordonner le sursis à statuer.
Article 1384 ALINEA 4 CODE CIVIL BURKINABE
Article 4 ALINEA 2 CODE DE PROCEDURE PENALE BURKINABE
(COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 49 du 06 juin 2003, Bureau d'Etudes et de Recherches Appliquées Eau et Environnement (BERA) c/ Etablissements Géo Sciences Techniques).
LA COUR,
Vu le jugement n° 279/2002 du 03 avril 2002;
Vu l'acte d'appel en date du 11 avril 2002;
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations;
Faits ‑ procédure ‑ prétentions et moyens des parties
Suivant exploit d'huissier de justice en date du 13 novembre 2001, les Etablissements Géo Sciences Techniques faisaient signifier au Bureau d'Etudes et de Recherches Appliquées Eau et Environnement, en abrégé (BERA), une injonction d'avoir à payer la somme de trois millions deux cent quatorze mille vingt deux (3.214.022) francs CFA.
Ils exposent que cette somme représente le montant de plusieurs factures demeurées impayées à ce jour et que toutes les démarches entreprises afin de recouvrer la créance sont demeurées vaines.
Le 23 novembre 2001, BERA formait opposition contre l'ordonnance suscitée à l'effet de la voir déclarer nulle au motif qu'il n'a passé aucune des commandes dont le paiement lui est réclamé; qu'en réalité, les commandes ont été passées par MILLOGO Flavien Paul, son ex‑employé qui a imité la signature du directeur général pour obtenir la livraison des marchandises.
Il poursuit en disant qu'une plainte avec constitution de partie civile a été déposée contre son ex‑employé indélicat et qu'il sollicite qu'il soit ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce que la juridiction pénale vide sa saisine.
Le 03 avril 2002, le tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
– en la forme, déclare l'opposition formée par la Société BERA contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 851 du 11 octobre 2001 recevable;
– au fond, la dit mal fondée;
– condamne la société BERA à payer aux Etablissements Géo Sciences Techniques la somme de trois millions deux cent quatorze mille vingt deux (3.214.022) francs CFA outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande;
– condamne la Société BERA aux dépens.
Contre cette décision, le Bureau d'Etudes et de Recherches Appliquées Eau et environnement (BERA) relevait appel le 11 avril 2002 pour voir annuler le jugement querellé au motif que les dispositions de l'article 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution ont été violées en ce que la créance n'aurait pas une cause contractuelle et aussi pour violation de l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale;
En réplique, les Etablissements Géo Sciences Techniques concluent à la confirmation pure et simple du jugement attaqué.
Attendu que l'affaire a été enrôlée pour l'audience publique ordinaire de la Cour du 03 mai 2002 et renvoyée au rôle général pour la mise en état;
Que l'ordonnance de clôture étant intervenue le 18 février 2003, l'affaire a été à nouveau appelée à l'audience du 07 mars 2003, date à laquelle elle fut retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 18 avril 2003;
Que le délibéré a d'abord été prorogé au 16 mai 2003, ensuite au 06 juin 2003 où il a été vidé en ces termes;
EN LA FORME
Attendu que le Bureau d'Etudes et de Recherches Appliquées Eau et Environnement, en abrégé (BERA) a relevé appel le 11 avril 2002 contre une décision rendue contradictoirement le 03 avril 2002; que cet appel remplit les conditions de forme et de délai prévues par la loi et mérite d'être déclaré recevable;
AU FOND
Attendu qu'il est reproché au jugement attaqué d'avoir violé les dispositions de l'article 2 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution et l'article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale en faisant droit à la demande des Etablissements Géo Sciences Techniques alors que l'origine de la créance, objet de l'ordonnance d'injonction de payer, ne serait pas contractuelle et d'avoir refusé le sursis à statuer;
Mais attendu qu'il résulte des débats et des pièces du dossier que la créance dont l'origine contractuelle est contestée, émane de bons de commandes signés du directeur général de la Société BERA, des bordereaux de livraisons ainsi que des factures;
Que partant, la nature contractuelle de la créance ne saurait être contestée du seul fait que les bons de commande n'ont pas été effectivement signés par le directeur général de la Société mais, par un agent de la dite société qui aurait imité la signature de son directeur général alors que c'est justement cette signature sur les bons de commande qui a été l'élément déterminant dans la conclusion du contrat entre les deux sociétés qui sont d'ailleurs en relations d'affaires;
Que ces différents bons de commande qui présentent l'apparence de bons de commande authentiques ont pu emporter la conviction des Etablissements Géo Sciences Techniques rendant ainsi le contrat valable;
Que c'est ainsi d'ailleurs qu'il a été jugé que "les tiers de bonne foi qui agissent sous l'empire de l'erreur commune ne tiennent leur droit ni du propriétaire apparent, ni du propriétaire véritable; ils sont investis par l'effet de la loi " (Civ. 1ère, 03 avril 1963, Bull. civ. 1, n° 203, p. 174, D. 1964, 306, note Calais‑Auloy);
Qu'en outre, l'on entend par erreur commune, "non l'erreur universelle, mais l'erreur qui aurait pu être commise par tous parce qu'aucune prudence humaine ne permettait de se prémunir contre elle" (Req. 03 juill. 1877 . D. 1877, 430); qu'il s'agit d'un faisceau de circonstances qui concourent à la réalisation de cette erreur;
Attendu par ailleurs que l'opposition est la seule voie de droit ouverte au débiteur, quels que soient les moyens, de fond ou de forme, que celui‑ci entend faire valoir contre l'ordonnance ainsi rendue;
Qu'en l'espèce, il est constant que MILLOGO Flavien était employé par BERA au moment des faits et que des fournitures de bureau ont été livrées à la Société BERA suite aux bons de commande litigieux;
Qu'il en est résulté un préjudice certain pour les Etablissements Géo Sciences Techniques du fait du préposé de la Société BERA et qui mérite réparation conformément aux dispositions de l'article 1384 alinéa 4 du code civil
Attendu que le principe de la responsabilité posé par l'article 1384 alinéa 4 oblige quiconque à réparer le dommage qui est causé par le fait des personnes dont il doit répondre;
Qu'en retour, il a la possibilité de se retourner contre son préposé une fois la victime indemnisée afin de lui faire supporter le montant des indemnités payées Que dès lors, l'issue du procès pénal n'influe guère sur l'action principale et qu'il n'y a pas lieu à ordonner le sursis à statuer;
Attendu que de tout ce qui précède, il convient de souligner que le premier juge a fait une bonne appréciation des faits de la cause lorsqu'il a condamné la Société BERA à payer aux Etablissements Géo Sciences Techniques la somme de trois millions deux cent quatorze mille vingt deux (3.214.022) francs CFA, outre les intérêts de droit à compter du jour de la demande et que sa décision mérite conformation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'appel de BERA recevable;
AU FOND
Confirme le jugement attaqué en toutes ses dispositions;
Condamne BERA aux dépens.