J-04-367
PROCEDURE SIMPLIFIEE DE RECOUVREMENT DES CREANCES – INJONCTION DE PAYER – DECISION D’INJONCTION DE PAYER RENDUE SUR OPPOSITION – APPEL – RECEVABILITE (OUI) – CONTESTATION DE LA CREANCE DANS SON PRINCIPE.
IRRECEVABILITE DE L'APPEL POUR DEMANDE NOUVELLE – EFFET DEVOLUTIF DE L'APPEL – ARTICLES 542 ET SUIVANTS CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE – DEMANDE NOUVELLE (NON) – MOYENS NOUVEAUX (OUI).
CONDITIONS ESSENTIELLES DE VALIDITE DES CONVENTIONS – ARTICLE 1108 CODE CIVIL BURKINABE – CAUSE DE L'OBLIGATION – CHARGE DE LA PREUVE DE LA CREANCE – ARTICLE 13 AUPSRVE – DEFAUT DE PREUVE DE L'INTIME – OBLIGATION SANS CAUSE – CAUSE ILLICITE – ARTICLES 1131 ET 1133 CODE CIVIL BURKINABE – OBLIGATION SANS EFFET – INFIRMATION DU JUGEMENT QUERELLE.
La demande nouvelle est celle qui, aux yeux de la loi change les parties, leur qualité ou l'objet de la réclamation, en d'autres termes, l'obligation née du contrat. La demande principale de l'appelant étant d'être déchargé de l'injonction de payer qui pèse sur lui, tout ce qui peut servir à la justifier constitue des moyens nouveaux, venant expliciter cette prétention originaire et la compléter.
Il est de jurisprudence constante, que la cause de l'obligation de l'emprunteur réside dans la mise à sa disposition des fonds nécessaires à l'acquisition pour laquelle il a contracté l'emprunt. Lorsqu'on ne peut, conformément à l'article 13 AUPSRVE, apporter la preuve de la mise à disposition des fonds propres au profit de l'emprunteur, il s'en suit que l'obligation est sans cause. Et l'article 1131 du code civil précise que : « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet. »
Article 13 AUPSRVE
Article 1108 CODE CIVIL BURKINABE
Article 1131 ET 1133 CODE CIVIL BURKINABE
Article 542 A 545 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
(COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 26 du 21 mars 2003, COMPAORE T. Ablassé c/ DIALLO Issa).
LA COUR,
Vu le jugement n° 657 du 19 juillet 2000;
Vu l'acte d'appel de COMPAORE T. Ablassé en date du 26 juillet 2000;
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
FAITS – PROCEDURE ‑ PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Attendu que le 14 octobre 1999, COMPAORE T. Ablassé a, par exploit d'huissier de justice, formé opposition contre l'ordonnance d'injonction de payer n° 658 du 08 septembre 1999 à lui signifiée le 04 octobre 1999;
Qu'après l'échec de la tentative de conciliation, l'affaire fut renvoyée devant le tribunal pour jugement être rendu;
Attendu qu'au moment où la procédure a été mise en délibéré, COMPAORE T. Ablassé sollicitait le rabat du délibéré par le canal de son conseil, afin de produire des conclusions et des pièces mais sans succès;
Attendu qu'à l'audience publique ordinaire du 19 juillet 2000, le tribunal rendait la décision contradictoire suivante :
– condamne COMPAORE T. Ablassé à payer à DIALLO Issa la somme de neuf millions deux cent quatre vingt et un mille (9.281.000) francs, outre les intérêts de droit à compter du jour du jugement;
– condamne COMPAORE T. Ablassé aux dépens;
Attendu que contre cette décision, COMPAORE T. Ablassé relevait appel le 26 juillet 2000 pour voir infirmer le jugement querellé;
Qu'il soutient que la convention dont se prévaut DIALLO Issa pour justifier sa créance n'a pas de cause et que l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou encore sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet, précise l'article 1131 du code civil;
Qu'en réalité, la somme de neuf millions deux cent quatre vint et un mille (9.281.000) francs CEA dont il a pris l'engagement de payer par une reconnaissance de dette n'a aucune cause car elle n'est autre que le montant de la commande passée par le Bureau des Projets Education et lui‑même, consistant en la livraison de tables-bancs à certaines écoles;
Qu'alors que la commande n'était pas encore livrée, les agents du projet lui demandèrent de leur faire parvenir la facture et de passer chercher un bordereau de livraison afin que l'on puisse le payer pour des raisons de clôture de l'exercice annuel;
Qu'il fit ainsi et fut payé le 16 décembre 1997; que quelques jours après, DIALLO Issa, directeur du Bureau des projets Education à l'époque le faisait mander pour dire de rapporter la somme encaissée contre une rétribution;
Que face à son refus catégorique, DIALLO Issa usait de subterfuges pour lui faire signer la reconnaissance de dette en date du 10 janvier 1998 et qui est aujourd'hui contestée;
Qu'en effet, sous prétexte qu'un contrôle était en cours et que la pièce litigieuse servirait à le couvrir puisque les tables-bancs n'étaient pas livrées effectivement, il consentait d'apposer sa signature;
Que reconventionnellement, il sollicite la condamnation de DIALLO Issa au paiement de la somme de cinq millions de francs (5.000.000 F) à titre de dommages et intérêts à son profit;
Attendu que DIALLO Issa conclut par la plume de son conseil à l'irrecevabilité des moyens invoqués et des demandes formulées par COMPAORE T. Ablassé sur la base de l'article 545 du code de procédure civile parce qu'étant nouveaux;
Qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer purement et simplement le jugement attaqué et condamner COMPAORE T. Ablassé à lui payer la somme de cinq millions (5.000.000) francs à titre de dommages et intérêts pour appel dilatoire;
Attendu que l'affaire a été enrôlée pour l'audience publique de la Cour d'appel du 15 septembre 2000 et renvoyée au rôle général pour la mise en état;
Qu'à l'intervention de l'ordonnance de clôture le 23 juillet 2002, l'affaire était appelée à nouveau à l'audience du 30 août 2002, puis renvoyée successivement au 20 septembre, 18 octobre pour aviser les parties et 15 novembre 2002 pour nouvelle composition de la Cour;
Qu'à cette date, elle fut retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 07 février 2003; mais le délibéré fut prorogé au 21 février 2003, puis au 21 mars 2003;
Qu'advenue cette date, la Cour vidant son délibéré a statué en ces termes
EN LA FORME
Attendu que COMPAORE T. Ablassé a relevé appel le 26 juillet 2000 contre un jugement contradictoire, rendu le 19 juillet 2000; que cet appel qui répond aux conditions de forme et de délais prévus par la loi mérite d'être déclaré recevable;
AUFOND
Attendu que l'article 542 du code de procédure civile stipule que « l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit »;
Que l'article 543 du même code précise en son alinéa 2 que « la dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel n'est pas limité à certains chefs, lorsqu'il tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible »;
Qu'il en découle que le juge du second degré ne saurait limiter les chefs du jugement à critiquer lorsque l'appelant entend lui déférer l'entier litige par un acte d'appel général; qu'il se doit de se prononcer sur la totalité du litige quand bien même toutes les parties n'auraient pas conclu sur le fond (Civ. 3ème, 2 juillet 1974, J.C.P. 1974 IV, p. 305; Civ. 2ème, 24 février 1988, Bull. civ. 11, n° 50);
Qu'en l'espèce, COMPAORE T. Ablassé en s'opposant à l'ordonnance d'injonction de payer entend invoquer tous les moyens de droit pour y être déchargé que son appel porte sur la totalité du litige puisqu'il conteste la créance dans son principe depuis le début du litige;
Que dès lors, il n'y a pas de demande nouvelle au sens de l'article 545 du code de procédure civile car la demande nouvelle est celle qui, aux yeux de la loi change les parties, leur qualité ou l'objet de la réclamation, en d'autres termes, l'obligation née du contrat (Lyon, 23 fév. 1953, J.C.P. 1953, II. 7846, note RABUT);
Que conformément à l'esprit de l'article 544 du code de procédure civile qui indique que « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumise au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves », COMPAORE T. Ablassé n'a fait qu'apporter en l'espèce, tous les éléments susceptibles d'éclairer la décision de la Cour et d'appuyer ses prétentions par de nouvelles pièces;
Que de ce fait, sa demande principale étant d'être déchargé de l'injonction de payer qui pèse sur lui, tout ce qui peut servir à la justifier constitue des moyens nouveaux, venant expliciter cette prétention originaire et la compléter;
Que ce faisant, l'on ne saurait lui en tenir grief au seul motif qu'il n'avait pas pu les exposer devant le premier juge, étant entendu que ces éléments concourent au même but, à savoir la décharge de son auteur;
Qu'il y a lieu en conséquence de débouter DIALLO Issa de ce chef;
Attendu qu'au sens de l'article 1108 du code civil, quatre conditions sont essentielles pour la validité d'une convention :
Le consentement de la partie qui s'oblige, sa capacité de contracter, un objet certain qui forme la matière de l'engagement et une cause licite dans l'obligation;
Que l'article 1131 du même code, traitant de la cause, précise que : « l'obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet »;
Que dans le cas d'espèce, si les trois (3) premières conditions sont remplies, il n'en est pas de même de la quatrième;
Qu'en effet, il ressort de l'examen des pièces du dossier que la somme de neuf millions deux cent quatre vingt et un mille francs (9.281.000 F) dont le paiement est demandé à COMPAORE T. Ablassé n'est rien d'autre que le montant de la commande passée entre le Bureau des Projets Education et COMPAORE T. Ablassé lui‑même;
Qu'invité à donner des explications sur l'engagement pris par l'appelant, conformément aux dispositions de l'article 13 de l'acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution qui stipule que : « celui qui a demandé la décision d'injonction de payer supporte la charge de la preuve de sa créance », DIALLO Issa n'a pu s'exécuter hormis la simple reconnaissance de dette versée au dossier;
Attendu cependant qu'il est de jurisprudence constante, que la cause de l'obligation de l'emprunteur réside dans la mise à sa disposition des fonds nécessaires à l'acquisition pour laquelle il a contracté l'emprunt (Civ. 1ère, 20 nov. 1974. Bull. civ. I, n° 311);
Qu'en l'espèce, DIALLO Issa demeure incapable d'apporter la preuve de la mise à disposition des fonds propres au profit de COMPAORE T. Ablassé qu'il s'en suit que l'obligation est sans cause;
Attendu qu'au demeurant, l'article 1133 du code civil stipule que : « la cause est illicite, quand elle est prohibée par la loi, quand elle est contraire aux bonnes moeurs ou à l'ordre public »;
Que des faits de la cause, il résulte que le montant du marché passé entre le Bureau des Projets de l'Education et COMPAORE T. Ablassé a été entièrement encaissé alors que les tables-bancs n'ont pas été livrées aux écoles bénéficiaires; que la pratique qui devrait aboutir au partage des sommes d'argent entre COMPAORE T. Ablassé et le directeur du Bureau des Projets de l'Education est non seulement contraire aux bonnes moeurs et à l'ordre public, mais également prohibé par la loi;
Que de tout ce qui précède, il convient d'infirmer le jugement querellé et débouter DIALLO Issa de toutes ses prétentions
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'appel de COMPAORE T. Ablassé recevable.
AU FOND
Infirme le jugement attaqué.
Déboute DIALLO Issa de toutes ses demandes comme étant mal fondées.
Le condamne aux dépens.