J-04-369
PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF – LIQUIDATION DES BIENS – REQUETE AUX FINS DE LIQUIDATION DES BIENS – DESICION D'OUVERTURE DE LA LIQUIDATION DES BIENS – APPEL – EXCEPTION D'IRRECEVABILITE – NULLITE DE L'ACTE D'APPEL.
LIQUIDATION DE LA SOCIETE – SUBSISTANCE DE LA PERSONNALITE MORALE – ARTICLE 205 AUSCGIE – PERTE DE LA PERSONNALITE MORALE (NON) – ADMINISTRATEUR ET ASSOCIE – CAPACITE ET INTERET POUR AGIR (OUI) – RECEVABILITE DE L'APPEL (OUI).
OUVERTURE DE LA LIQUIDATION DES BIENS – DELAI POUR RENDRE DECISION – ARTICLE 32 AUPCAP – NON-RESPECT DU DELAI IMPERATIF – ANNULATION DE LA DECISION.
PIECES JOINTES A LA REQUETE – ARTICLE
26 AUPCAP – NON CONFORMITE DES PIECES.
DATE DE LA CESSATION DE PAIEMENT – PREUVE NON ETABLIE – DATE POSTERIEURE A LA DATE DE LA LIQUIDATION DES BIENS.
COMMISSAIRE AUX COMPTES DE LA SOCIETE – ARTICLE 225 AUSCGIE – FIN DE LA FONCTION – QUALITE DE SYNDIC LIQUIDATEUR – INCOMPATIBILITE.
ANNULATION DE LA DECISION ATTAQUEE.
Tout en imposant une certaine diligence au juge, les dispositions de l'article 32 AUPCAP fixent également des balises afin de sauvegarder les intérêts du débiteur dans la présentation d'un concordat sérieux et fiable. Ces balises consistent en la fixation d'un délai impératif de trente jours que la juridiction compétente doit observer avant de rendre sa décision et toute décision prise avant l'expiration dudit délai doit être annulée.
Il est constant que le premier juge, en ordonnant la liquidation des biens de la société en méconnaissance des prescriptions des articles 25, 26 et 32 AUPCAP et 26 des statuts de la société, a gravement violé la loi et sa décision mérite annulation.
Article 141, 145 ET 148 CODE DE PROCEDURE CIVILE BURKINABE
Article 26 DES STATUTS DE LA SOCIETE
(COUR D'APPEL DE OUAGADOUGOU (BURKINA FASO), Chambre civile et commerciale, Arrêt n° 84 du 21 novembre 2003, Société Sahel Compagnie, en abrégé (SOSACO) c/ Syndics liquidateurs de la SOSACO).
LA COUR,
Vu le jugement n° 389/2003 du 17 septembre 2003;
Vu l'acte d'appel en date du 02 octobre 2003;
Vu les pièces du dossier;
Ouï les parties en leurs conclusions, fins, moyens et observations;
Après en avoir délibéré conformément à la loi;
FAITS ‑ PROCEDURE ‑ PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Le 11 septembre 2003, le directeur général de la Société Sahel Compagnie, en abrégé (SOSACO), a saisi le président du tribunal de grande instance, de Ouagadougou d'une requête en vue de la liquidation des biens de la société dont il a la gérance.
Il expose que la société Sahel Compagnie a un besoin urgent de financement à hauteur de trois millions cinq cent quarante mille deux cent dix (3.540.210) dollars US alors que le président du conseil d'administration de la dite société refuse de signer la demande de financement, mettant ainsi en péril l'intérêt de la société qui n'arrive plus à faire face à son passif exigible avec son actif disponible.
Que c'est pourquoi il sollicite voir le tribunal prononcer la liquidation des biens de la société en difficultés.
A l'audience du 17 septembre 2003, le tribunal rendait la décision suivante :
Statuant publiquement sur requête, en matière civile et en premier ressort :
– Vu la requête en date du 11 septembre 2003 de la Société Sahel COMPAGNIE en abrégé SOSACO, société anonyme au capital de 500.000.000 FCFA;
– Vu les pièces jointes, spécifiquement la déclaration de cessation de paiement faite au greffe du tribunal de grande instance de Ouagadougou le 11 septembre 2003 par le directeur général de la SOSACO et le greffier en chef près le tribunal de grande instance de Ouagadougou;
– Vu les dispositions des articles 25 et suivants de l'acte uniforme Ohada portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif;
– Prononce la liquidation des biens de la SOSACO;
– Nomme monsieur SOU S. Evariste, juge au siège, en qualité de juge commissaire;
– Désigne monsieur Eddie KOMBOIGO, expert comptable, monsieur Sidi SANON et monsieur SOME Mathieu, avocats à la Cour, en qualité de syndics liquidateurs;
– Dit que les syndics disposent d'un délai maximum de 08 mois pour procéder aux opérations de liquidation;
– Fixe la date de cessation de paiement au 30 septembre 2003;
– Dit que le présent jugement sera publié au journal officiel d'annonces légales du Burkina Faso;
– Dit que les mesures de publicité incombent au greffier en chef;
– Ordonne l'exécution provisoire.
Contre cette décision, monsieur ADOUM Togoï Abbo, président du conseil d'administration de la SOSACO, agissant au nom de cette dernière et en son propre nom, relevait appel le 02 octobre 2003 pour voir annuler ou infirmer le jugement attaqué.
In limine litis, les syndics liquidateurs de la SOSACO soulèvent la nullité de l'acte d'appel pour irrégularité de forme et de fond en se basant sur l'article 53 de l'acte uniforme et les articles 141 et 145 du code de procédure civile.
Ils soutiennent en effet que conformément aux dispositions de l'article 53 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif qui indique en son alinéa 1er que « la décision qui prononce la liquidation des biens d'une personne morale emporte, de plein droit, dissolution de celle‑ci », l'appel interjeté pour le compte et au nom de la Société Sahel Compagnie par son président du conseil d'administration est nul parce que ladite société n'existe plus depuis l'ouverture de la procédure.
Qu'en outre, le président du conseil d'administration n'a pas de capacité ou de pouvoir pour représenter la société qui elle non plus, n'a pas intérêt pour agir puisqu'elle a été satisfaite dans toute sa requête tendant à la liquidation.
Les conseils de la SOSACO et de monsieur ADOUM Togoï Abbo concluent à l'annulation pure et simple de la décision attaquée sur la base des articles 200, 225, 217, 219 et 551 de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique, les articles 25, 26 et 32 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, ainsi que de l'article 26 des statuts de la société, notamment sur les voies de recours, les organes habilités pour décider d'une liquidation anticipée, la régularité des pièces jointes à la requête de liquidation et le délai que doit observer la juridiction compétente avant de se prononcer.
Ils soutiennent principalement que le président du conseil d'administration de la SOSACO est avant tout administrateur et associé et qu'au titre de cette double qualité, il a pleinement intérêt au bon fonctionnement de ladite société, et partant, qualité et intérêt pour agir dans le cadre de l'action sociale qui lui est reconnu par la loi.
Attendu que l'affaire a été enrôlée pour l'audience publique de la Cour d'appel du 17 octobre 2003 et renvoyée à celle du 07 novembre 2003, puis à l'audience en chambre du conseil du 13 novembre 2003, date à laquelle elle a été retenue, débattue et mise en délibéré pour arrêt être rendu le 21 novembre 2003;
Qu'advenue cette date, la Cour vidant son délibéré a statué en ces termes;
EN LA FORME
Attendu qu'aux termes de l'article 205 de l'acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique « la personnalité morale de la société subsiste pour les besoins de la liquidation et jusqu'à la publication dé la clôture de celle‑ci »;
Qu'il résulte de ce texte de loi que la société en liquidation conserve sa personnalité morale jusqu'à la clôture des opérations de liquidation; que c'est donc à tort que les intimés soutiennent que dès l'ouverture de la liquidation, la société perd sa personnalité morale et ne peut par conséquent être représenté par son président du conseil d'administration;
Que partant, monsieur ADOUM Togoï Abbo, président du conseil d'administration de la SOSACO a pleine capacité pour représenter la dite société et agir alors au nom et pour le compte de la société dans le cadre de la liquidation;
Attendu par ailleurs que monsieur ADOUM Togoï Abbo est associé de la SOSACO dont il possède 50 % des actions, qu'il va de soi que celui‑ci a intérêt à ce que la société fonctionne normalement et lui rapporte les bénéfices;
Qu'il s'en suit qu'il a intérêt pour agir en tant qu'administrateur représentant la société et en tant qu'associé en son nom propre; que dès lors, aucune des dispositions des articles 141, 145 et 148 du code de procédure civile ne se trouve violée;
Que par conséquent, l'appel interjeté dans les forme et délai prescrits par la loi est recevable.
AU FOND
Attendu qu'aux termes de l'article 32 portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, en cas d'ouverture d'une procédure collective de redressement judiciaire ou de liquidation des biens, la juridiction compétente statue à la première audience utile, mais elle ne peut rendre sa décision avant l'expiration d'un délai de trente jours à compter de sa saisine, quel que soit le mode de saisine;
Qu'il s'en suit qu'une certaine célérité est attendue de la part de la juridiction compétente dans le traitement de cette procédure qui ne devrait pas être renvoyée au rôle général;
Que cependant, tout en imposant une certaine diligence au juge, des balises sont également prises pour sauvegarder les intérêts du débiteur dans la présentation d'un concordat sérieux et fiable; que ces balises consistent en la fixation d'un délai impératif de trente jours que la juridiction compétente doit observer avant de rendre sa décision et toute décision prise avant l'expiration dudit délai doit être annulée;
Qu'en l'espèce, le tribunal de grande instance de Ouagadougou a été saisi par requête le 11 septembre 2003 et la décision a été rendue le 17 septembre 2003 en méconnaissance de la loi susvisée et au détriment des intérêts du débiteur qui n'a pu déposer une offre de concordat tel qu'il est prévu à l'article 27 du même acte, au plus tard dans les quinze jours qui suivent la déclaration de cessation de paiement aux fins d'obtenir l'ouverture de la procédure collective; qu'il s'en suit que la décision mérite annulation;
Attendu par ailleurs que l'article 26 des statuts de la société précise que : « si du fait des pertes constatées dans les états financiers de synthèse, les capitaux propres de la société deviennent inférieurs à la moitié du capital social, le conseil d'administration est tenu dans les quatre (4) mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, de convoquer l'assemblée générale à l'effet de décider si la dissolution anticipée de la société a lieu »;
Qu'il en résulte que seule l'assemblée générale de la société est habilitée pour décider, en cas de besoin, de la nécessité de la dissolution anticipée de la société;
Qu'en l'espèce cependant, la décision a été prise unilatéralement par le directeur général de la société, de solliciter la liquidation anticipée de la société dont il a la gérance sans en référer à l'assemble générale, organe compétente en la matière;
Attendu en outre que l'article 26 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif précise que les documents accompagnant la requête doivent être datés, signés et certifiés conformes et sincères par le déclarant; que le même article souligne que « dans le cas où l'un des documents ne peut être fourni, ou ne peut l'être qu'incomplètement, la déclaration doit contenir l'indication des motifs de cet empêchement »;
Qu'en l'espèce, les pièces jointes à la requête du déclarant ne sont ni datées, ni signées, ni certifiées conformes et sincères comme l'exige l'article 26 de l'acte uniforme ci‑dessus cités;
Que de même, les documents manquants ou incomplets tels les sûretés et les clauses de réserve de propriété, les adresses des créanciers et des débiteurs, ainsi que des charges salariales ne comportent pas les motifs de leur absence ou le fait qu'ils soient incomplets;
Que cependant, l'exigence des documents énumérés à l'article 26 de l'acte uniforme est nécessaire pour l'appréciation sincère et objective de la situation économique de la société concernée par la juridiction compétente et toute décision prise en leur absence mérite annulation;
Attendu enfin que la cessation de paiement peut se définir comme étant la situation dans laquelle le débiteur se trouve incapable de faire face à son passif exigible avec son actif disponible et qu'elle doit être constatée antérieurement à la date de la décision qui prononce la liquidation des biens de la dite société;
Qu'en l'espèce, la preuve de la cessation de paiement de la SOSACO ne semble pas établie à l'analyse de la situation financière qui nous est fournie; qu'il existe, certes, des difficultés mais non insurmontables et qui, en aucun cas, ne s'apparentent à un état de cessation de paiement lorsqu'il est d'ailleurs constant que les remboursements de l'emprunt ne commencent qu'à partir de l'année 2005;
Que de surcroît, le tribunal qui a rendu la décision de liquidation des biens de la SOSACO le 17 novembre 2003 a en même temps, fixé la date de la cessation de paiement au 30 novembre 2003, soit postérieurement à la date de la liquidation des biens de la dite société, ce qui est contraire à l'esprit de la loi qui fait de l'état de cessation de paiement, la condition essentiellement devant aboutir à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation des biens;
Que de même, la décision prononçant la liquidation des biens de la Société Sahel Compagnie (SOSACO) a, dans la même décision, désigné le commissaire aux comptes de la dite société en qualité de syndic liquidateur, toute chose également contraire à l'esprit de l'article 225 de l'acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique qui dispose que : « la dissolution de la société ne met pas fin aux fonctions du commissaire aux comptes »;
Attendu que de tout ce qui précède, il est constant que le premier juge, en ordonnant la liquidation des biens de la SOSACO en méconnaissance des prescriptions des articles 25, 26 et 32 de l'acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif et 26 des statuts de la société, a gravement violé la loi et sa décision mérite annulation.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et commerciale et en dernier ressort;
EN LA FORME
Déclare l'appel de la SOSACO, représentée par son président du conseil d'administration, monsieur Adoum Togoï
Abbo, recevable,
AU FOND
Annule la décision attaquée
Met les dépens à la charge des intimés.